nous_avons_lu_pour_vous1

BIBLIOGRAPHIE – REVUE-GFP N°1 – 2022

Nous avons lu pour vous
Droit_financier_public_2_Finances_publiques_Budgets_Controles_financiers_Remi_Pellet_PUF
Droit financier public, 2 – Finances publiques, Budgets, Contrôles financiers – Rémi Pellet, PUF, Coll. Thémis droit, 2021, 651 p.

La Revue avait rendu compte (n° 6-2018) du premier tome du « Droit financier public » du professeur Rémi Pellet, qui traitait de la monnaie, des banques centrales et des dettes publiques. Ce second tome le complète, dans le même esprit et avec la même ampleur historique et comparatiste, dans les domaines des finances publiques, des budgets et des contrôles financiers.

Rappelons tout d’abord le sens du titre choisi, déjà explicité dans le premier tome, de droit financier public, de préférence à « finances publiques », « législation financière » ou « droit public financier ». Ce choix vise à inclure les deux faces, publique et privée, du droit financier, la seconde permettant de rendre compte de l’intervention des juridictions judiciaires en matière sociale, fiscale ou pénale.

L’originalité et la richesse de cet ouvrage, destiné à un public d’étudiants confirmés et de spécialistes, tiennent à la couverture large et précise des thématiques choisies, observées dans une perspective historique et internationale. Les finances publiques, les budgets et les contrôles sont étudiés dès leurs racines gréco-romaines, dans une approche comparatiste qui situe la France dans le contexte de l’Union européenne, mais aussi par rapport à l’Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Cette double mise en perspective est bien résumée par la citation en exergue de Michel Taly, ancien directeur du Service de la législation fiscale : « le décideur politique ne dispose que de deux références : le passé et les voisins ».

La première partie, Finances publiques et redistribution sociale, comprend quatre chapitres. Le premier traite de la formation des États par les finances publiques depuis l’Antiquité jusqu’au développement de la puissance fiscale, à l’Époque moderne, dans la France, l’Angleterre et la Prusse. Le second chapitre analyse l’évolution des systèmes « propriétaristes », expression reprise de Thomas Piketty pour désigner les sociétés « qui consacraient le droit de propriété comme un droit fondamental que l’État avait pour mission essentielle de protéger », fût-ce « au prix d’inégalités sociales importantes ». Ces systèmes se développent de la fin du XVIIIe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale, qui ouvre la voie à la grande transformation des sociétés par les États providence. La place des finances publiques dans la construction de l’Union européenne fait l’objet du chapitre 3. La première partie se clôt par un chapitre consacré aux spécificités du système socio-fiscal français, caractérisées par un développement de la fonction redistributive de la protection sociale, soutenue par la jurisprudence constitutionnelle. Les réformes du précédent et de l’actuel quinquennats sont commentées.

La seconde partie, Budgets publics et régimes politiques, est construite selon la même logique historique (de l’Antiquité à l’Époque moderne) et comparatiste (Royaume-Uni et États-Unis, Union européenne). Un long chapitre est consacré aux systèmes budgétaires des régimes politiques français depuis la Révolution et couvre, pour la Ve république, les trois secteurs (État, secteurs social et local) mais aussi les budgets des opérateurs de l’État et des hôpitaux

La troisième partie est consacrée aux contrôles financiers publics et à la répression pénale. Après la mise en perspective historique et internationale, le chapitre 4 traite des évolutions et spécificités persistantes du système français depuis la Révolution française. Il se clôt par une analyse très contemporaine des perspectives de réforme des systèmes d’administration et de contrôle financiers qui apporte des points de vue originaux sur les avantages et les insuffisances de la réforme en cours de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics. L’auteur propose ainsi la transformation des comptables publics en « directeurs comptables et financiers », à l’instar du dispositif en vigueur dans les organismes de sécurité sociale. Ce modèle d’apurement des comptes par l’autorité hiérarchique, d’ailleurs en vigueur pour les « petits comptes » soustraits aux juridictions financières, est aussi celui appliqué en Belgique, comme l’expose un article publié dans le présent numéro. Rémi Pellet conforte les arguments en faveur du maintien, à côté des juridictions pénales, d’une juridiction disciplinaire financière confiée à la Cour des comptes, apte à sanctionner tout gestionnaire de fonds publics coupable des manquements dont la définition la plus précise, dans le texte actuel, ne concerne que les responsables d’EPIC.

La lecture de cet ouvrage très complet, doté d’un index, est servie par un sommaire détaillé, une écriture précise et ferme, et une typographie utilisant à bon escient les caractères gras. Son originalité tient à l’approche historique et comparatiste adoptée par l’auteur, mais aussi à sa connaissance approfondie du secteur social, qui élargit la perspective sur les finances publiques, avec un accent mis sur leurs dimensions nationales et sociales. ■

Connaître la dette publique, Xavier Cabannes et Christophe Pierucci (dir.), LGDJ, Collection Systèmes, 2021, 158 pages

Résultat d’un programme de recherches conduites dans le cadre d’un projet commun entre FONDAFIP et le Centre Maurice Hauriou de l’université de Paris, cet ouvrage réunit les contributions de quatorze spécialistes (historiens et juristes universitaires et praticiens) sur le thème de la connaissance de la dette publique. Chacun des dix chapitres, comme l’introduction et la conclusion, sont écrits par l’un ou deux d’entre eux ; leurs signatures respectives sont regroupées en début d’ouvrage, ce qui oblige à des retours en arrière pour identifier les auteurs, mais renforce l’impression d’une construction et d’une appropriation collectives qui donnent de la fluidité à l’ouvrage.

Il faut en effet saluer l’exploit de cette publication qui réussit à conjuguer rigueur et lisibilité, sur ce sujet particulièrement austère et technique dont l’actualité a rappelé les enjeux : maintenir la confiance des investisseurs dans la signature française, et garantir l’équilibre entre les générations.

L’ouvrage est construit en quatre « mouvements » : un éclairage historique tout d’abord, qui nous transporte sous l’Ancien Régime et nous rappelle comment les offices, les rentes et les emprunts spéciaux permettaient à la monarchie de se financer à moyen voire à très long terme, dans une grande opacité comparée à l’Angleterre où le Parlement, déjà, votait l’impôt et discutait de la dette. Quant aux pensions de la monarchie au XVIIIe siècle, le chapitre qui décrit leur fonctionnement et leur évolution rappelle en conclusion que les inégalités dans leur attribution rallièrent au tiers état, en 1790, la noblesse militaire de province convaincue d’être lésée par rapport à la noblesse de cour.

La seconde partie, consacrée à « la transparence de la dette publique », détaille les outils de la connaissance des trois volets de la dette publique (État, secteurs social et local) que l’Europe réunit dans un même indicateur mais qui obéissent néanmoins à des mécanismes spécifiques et recouvrent des montants très différents : les 2 587 Mds de dette enregistrés à fin 2020 concernent l’État à hauteur de 80 %, et les secteurs social et local respectivement pour 9 et 11 %. L’analyse des chiffres et des caractéristiques de la dette garantie de l’État est donc particulièrement utile, notamment dans le contexte du « quoi qu’il en coûte » qui a vu le recours extensif aux prêts garantis par l’État. De même, la connaissance – encore imparfaite – des détenteurs de cette dette, majoritairement non-résidents quoique principalement européens, permet d’approcher la mesure du risque attaché à ces financements. Le secteur local quant à lui se caractérise par un encadrement consécutif à la crise des emprunts structurés de 2013, tandis que la connaissance – progressive – de la dette sociale et sa reconnaissance comptable nous sont expliquées à travers la description de ses composantes et des mécanismes de la CADES.

Connaître la dette publique, c’est aussi se pencher sur les institutions qui y sont intéressées. Le Parlement tout d’abord, qui n’est informé que de manière fragmentaire et devrait légitimement pouvoir en débattre. L’Union européenne ensuite, qui s’appuie sur Eurostat pour s’assurer de la fiabilité et de l’homogénéité des données fournies par les États membres

La quatrième partie enfin traite de l’inscription de la dette comme instrument juridique de sa connaissance. On y retrouve la figure symbolique du Grand livre de la dette publique, créé par la loi du 24 août 1793 à l’instigation de Joseph Cambon et où sont inscrites les pensions des fonctionnaires : une dette hors bilan désormais retracée dans un compte d’affectation spéciale

On le voit, les créanciers de l’État sont de nature et d’importance diverses, depuis le fonctionnaire retraité jusqu’à l’investisseur étranger. Cette variété relativise l’approche strictement juridique des obligations de l’État à leur égard, mais rend plus que jamais nécessaire d’en connaître le montant, le statut, le périmètre et les supports. L’ouvrage dirigé par Xavier Cabannes et Christophe Pierucci y contribue très efficacement et doit être recommandé aux étudiants et à tous ceux qui veulent comprendre nos engagements envers les générations futures. ■

melanges-en-l-honneur-de-michel-lascombe
Écrits de droit public, financier et constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Michel Lascombe, Dalloz, 2020, 504 pages

L’hommage rendu à un professeur qui part à la retraite, sous forme de Mélanges, c’est-à-dire de contributions libres et volontaires, est un objet littéraire très particulier. Il réunit des articles très variés, qui reflètent à la fois la diversité des domaines d’intérêt des contributeurs et de leurs origines, et l’itinéraire professionnel et scientifique de leur destinataire. Les Mélanges recueillis en l’honneur de Michel Lascombe témoignent ainsi d’une carrière et de travaux exceptionnellement riches, marqués par un rayonnement pédagogique et scientifique reconnu et une ouverture intellectuelle qui l’ont conduit à embrasser, avec la même rigueur et un souci constant de partage, l’ensemble des branches du droit public.

L’ouvrage est introduit par le professeur Vincent Dussart, qui célèbre dans son ancien directeur de thèse « la passion de savoir et de faire savoir », et fait l’éloge d’une pensée ouverte, originale, construite au prisme d’une carrière d’enseignant-chercheur assortie de publications nombreuses dont témoignent les 144 titres référencés en tête de l’ouvrage. Il s’ouvre avec un hommage de l’ancien Premier président de la Cour des comptes Didier Migaud, qui témoigne de son « ambition constante (…) de nouer un dialogue étroit entre le monde académique et les responsables de l’action publique ».

Les deux premières parties (Droit et droits, Droit public financier et État de droit) illustrent bien cet équilibre et cette ouverture, en associant les contributions de praticiens et d’universitaires de renom. La troisième, Droit constitutionnel financier et démocratie représentative, est exclusivement académique.

Toutes trois reflètent l’ouverture et la cohérence d’une pensée qui a su explorer l’ensemble des problématiques des finances publiques et de la comptabilité publique, son domaine d’excellence, dans le contexte plus large du droit constitutionnel et administratif, sans négliger la dimension internationale, soutenue par une rigoureuse approche comparée. Depuis Paul Amselek, dans l’ordre alphabétique, jusqu’à Jean Waline, 33 articles rendent compte de cette richesse, et dévoilent en creux le rayonnement intellectuel et humain de Michel Lascombe, reconnu aussi bien par les étudiants qu’il a formés que par tous ceux qui l’ont côtoyé.

Plusieurs de ces auteurs contribuent activement aux publications de la Revue Gestion & Finances publiques. Quant à Michel Lascombe lui-même, la Revue s’honore de sa participation à l’équipe rédactionnelle, qui s’enrichit ainsi de son expérience et de son savoir. Elle avait déjà bénéficié de son concours pendant près de vingt ans, grâce à sa participation aux Chroniques consacrées à la jurisprudence de la Cour des comptes et de la Cour de discipline budgétaire et financière, ainsi qu’à la jurisprudence du Conseil d’État ou de la Cour européenne des droits de l’Homme, en matière financière.

Un bel itinéraire intellectuel et humain, à parcourir avec le regard de ceux qu’il a inspirés. ■ D.L.