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REPÈRES (MAI 2024) – REVUE-GFP N°4 – 2024

BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPÉRATEURS
->Données générales sur les finances publiques

En mai 2024, les prix à la consommation augmentent de 2,2 % sur un an

Dans une note publiée le 31 mai 2024, l’INSEE précise que sur un an, selon l’estimation provisoire réalisée en fin de mois, les prix à la consommation augmenteraient de 2,2 % en mai 2024, comme en avril. Cette stabilité de l’inflation s’expliquerait par un léger ralentissement sur un an des prix des services et du tabac compensé par une forte accélération des prix de l’énergie.

Le compte des administrations publiques et les comptes de la Nation en 2023

Dans deux notes du 31 mai 2024, l’INSEE publie des informations chiffrées sur le compte des administrations publiques et les comptes de la Nation.

Concernant le compte des administrations publiques, en 2023, le déficit public s’établit à 153,9 Md€ après 125,8 Md€ en 2022, soit 5,5 % du produit intérieur brut après 4,7 %. Les recettes ralentissent nettement, et baissent en part de PIB, en raison surtout du faible dynamisme de certaines assiettes taxables et dans une moindre mesure des mesures nouvelles de réduction d’impôt. Le déficit des administrations publiques est essentiellement porté par les administrations centrales. Le déficit des administrations publiques locales se creuse cependant, tandis que les administrations de sécurité sociale accroissent leur excédent. La dette publique s’établit à 109,9 % du PIB, après 111,2 % en 2022.

Concernant les comptes de la Nation, l’année 2023 s’est inscrite, dans la continuité de l’année 2022, dans un contexte de forte inflation, particulièrement marquée pour la consommation des ménages. La croissance de l’économie française a été modérée : le PIB a augmenté de 0,9 %, après une croissance de 2,6 % en 2022, tandis que tout au long de l’année 2022, la croissance avait été faible. Le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages augmente de 0,8 %, principalement porté par les revenus d’activité et dans une moindre mesure les prestations sociales, notamment les pensions de retraite et les revenus du patrimoine. Le taux de marge des sociétés non financières reste supérieur à son niveau précédant la crise sanitaire. La vive hausse des taux d’intérêt résultant de la persistance de l’inflation comprime la marge de taux des banques, réduisant d’autant la valeur ajoutée du secteur financier. Finalement, le besoin de financement de la Nation diminue de 0,1 point de PIB en 2023 (soit 48,2 Md€), la hausse du PIB en valeur étant plus forte que celle du besoin de financement de la Nation…

->Procédure budgétaire

Audition de Bruno Le Maire à la commission des finances du Sénat

Afin d’analyser l’importance du déficit public, établi pour 2023 à 5,5 % du PIB contre les 4,9 % initialement prévus, la commission des finances du Sénat auditionnait Bruno Le Maire le 30 mai 2024. En sa qualité de ministre de l’économie et des finances, il a répondu pendant trois heures aux questions des sénateurs. Ces derniers avaient lancé, le 27 mars 2024, une « mission d’information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l’administration et le Gouvernement et les modalités d’information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France ». Au cours de cette audition les débats se sont parfois montrés tendus sur fond d’accusations d’irresponsabilité et de dissimulation de la part du Gouvernement. Le ministre a concédé devant les sénateurs « des erreurs » dans l’appréciation par Bercy des recettes fiscales pour l’année 2023. Le ministre a aussi indiqué aux parlementaires : « j’ai saisi l’ensemble des administrations concernées dans mon ministère à ce sujet, une erreur pareille ne peut pas se reproduire deux fois ». Au-delà des recettes, les sénateurs reprochaient également au ministre de ne pas avoir été informés du possible dérapage du déficit, alors qu’en interne des notes circulaient sur ce risque. Sur ce point, le ministre a indiqué qu’à l’avenir des efforts de transparence seront réalisés. Sur les accusations portées, le ministre a rétorqué : « toutes les informations ont été données en temps utile au Parlement et aux français, et toutes les décisions nécessaires ont été prises en temps utile pour corriger les conséquences de recettes fiscales moins élevées que prévu. (…) J’ai toujours fait preuve, depuis sept ans que je suis ministre de l’économie des finances, de sincérité, d’honnêteté et de sens de la vérité. (…) Toutes les accusations (…) comme quoi j’aurais délibérément dissimulé au Parlement des informations qui étaient à ma disposition sont graves, infondées ». Les sénateurs auditionnaient aussi cette même semaine Thomas Cazenave, ministre des comptes publics, et la commission des finances du Sénat devrait rendre son rapport autour du 10 juin, selon le sénateur Claude Raynal, son président.

->Budgets des pouvoirs publics

Certification des comptes 2023 du Sénat et de l’Assemblée nationale

Le 17 mai 2024, la Cour des comptes a publié les rapports de certification du Sénat et de l’Assemblée nationale. Pour le Sénat, la Cour constate que les états financiers font apparaitre des fonds propres de 1 982 M€, dont un résultat de 25,2 M€. Les magistrats de la rue Cambon certifient qu’au regard des règles et principes comptables, les états financiers du Sénat sont réguliers et sincères. Aucune réserve n’est effectuée mais la Cour procède à deux observations. La première porte sur une dotation de l’État destinée à financer la société « Public Sénat » que le Sénat reverse directement à cette société et qui n’est plus enregistrée en produit et en charge d’exploitation mais uniquement au bilan. La seconde porte sur la constatation d’une provision pour démantèlement du bâtiment modulaire installée dans la Cour d’honneur du Palais du Luxembourg.

Pour l’Assemblée nationale la Cour des comptes constate que les états financiers font apparaitre des fonds propres de 873 M€, dont un résultat de -0,9 M€. Les magistrats de la rue Cambon certifient qu’au regard des règles et principes comptables, les états financiers de l’Assemblée nationale sont réguliers et sincères. Aucune réserve n’est effectuée mais la Cour procède à trois observations. La première porte sur les avances de frais de mandat. La deuxième porte sur deux nouveaux engagements au titre de l’assurance de base relevant des fonds de sécurité sociale des députés et du personnel et au titre du fonds d’assurance mutuelle différentielle d’aide au retour à l’emploi des députés. La troisième porte sur une dotation de l’État destinée à financer la société « LCP – Assemblée nationale » que l’Assemblée nationale reverse directement à cette société et qui n’est plus enregistrée en produit et en charge d’exploitation mais uniquement au bilan.

->Budgets des opérateurs

Le Centre national des arts du cirque

Dans un rapport publié le 22 mai 2024, la Cour publie le résultat de son contrôle des comptes et de la gestion du Centre national des arts du cirque (CNAC) pour la période décennale 2012-2022. Opérateur de l’État, le CNAC est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 et créée le 18 mars 1987. Le Centre est doté d’un budget de 4,9 M€ en 2022 qui est issu pour près de 80 % de subventions publiques (les subventions les plus importantes proviennent du ministère de la culture). La Cour constate que le budget est globalement à l’équilibre dans la période sous revue. Les magistrats financiers déplorent néanmoins une absence de politique volontariste qui viserait à augmenter les ressources propres, qui ne représentent qu’environ 10 % des recettes. Aux côtés d’autres écoles supérieures de cirque, le CNAC axe ses activités dans le domaine du cirque dit contemporain ou de création, un secteur représentant seulement 2000 artistes environ en France, mais jouissant d’un rayonnement international important. Le cursus de formation initiale concerne, sur trois ans, des promotions d’une quinzaine d’élèves. Le rapport de la Cour indique que le coût annuel d’un élève du CNAC apparaît très élevé : il atteint 57 704 € en moyenne sur la période 2015-2022, en raison du faible nombre d’étudiants, des modalités pédagogiques utilisées et du grand nombre de filières différentes requérant chacune des moyens particuliers. Pour la Cour, la formation continue, faiblement développée et très déficitaire, doit faire l’objet d’une réflexion d’ensemble sur ses offres et ses tarifs, afin d’augmenter les ressources propres du CNAC. Enfin, les efforts pour dynamiser les liens avec le monde universitaire et avec les acteurs de la recherche mériteraient d’être intensifiés pour mettre en place de nouveaux partenariats en France ou à l’étranger. Le ministère de la culture, sa tutelle, est resté trop éloigné de la gestion de l’établissement sur la période sous revue et a laissé perdurer une situation conduisant à des dépenses contraires aux règles applicables. Le rapport invite les autorités de tutelle à davantage accompagner le CNAC, afin de mieux suivre les résultats obtenus dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de moyens et de l’aider à renforcer sa bonne insertion dans le paysage local.

COMPTABILITÉ PUBLIQUE
->Règlementation et législation comptable

Rapport Ravignon et le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables publics

Lancée en décembre 2023, la mission confiée par le ministre des comptes publics, Thomas Cazenave, et la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, à Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières et président d’Ardenne Métropole, remettait son rapport ce 29 mai 2024. Ce document vient nourrir le diagnostic établi par Éric Woerth dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par le président de la République et contribue à la réflexion plus globale sur l’organisation territoriale de la France et l’efficacité de l’action publique locale. Au bilan, les travaux menés par Boris Ravignon concluent que l’enchevêtrement des responsabilités et des compétences entre l’État et les collectivités territoriales et de celles-ci entre elles est une réalité et a un coût qui peut être estimé à 7,5 Md€. Et sur un point bien spécifique, le rapport considère que malgré plusieurs réformes récentes, le principe de séparation entre l’ordonnateur et le comptable demeure et emporte des coûts élevés pour l’État et les collectivités territoriales. Le rapport énonce une série de blocages administratifs qu’engendrerait le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables publics. Par exemple, s’agissant des dépenses, le rapport indique que le principe de séparation implique des contrôles en doublon par le comptable public par rapport aux contrôles de l’ordonnateur ou encore que l’existence d’un contrôle a priori réputé exhaustif des dépenses peut avoir un effet déresponsabilisant sur les services financiers des ordonnateurs qui peuvent avoir l’illusion qu’une erreur de leur part sera, soit détectée soit validée par les contrôles du comptable. Prenant ensuite appui sur plusieurs réformes récentes qui ont déjà atténué la portée du principe de séparation entre ordonnateurs et comptables (unification du régime de responsabilité des gestionnaires publics, généralisation prochaine du compte financier unique, rapprochement entre les services de l’ordonnateur et du comptable à travers les centres de services partagés tels que les services facturiers) et sur l’estimation du coût actuellement engendré par la mise en œuvre du principe (soit 1,8 Md€ au total), les auteurs du rapport considèrent qu’une réforme est possible avec une gradation d’options allant jusqu’à l’autonomie financière et comptable des collectivités territoriales. Les trois options envisagées par le rapport sont les suivantes : l’intervention de la DGFiP vers un contrôle a posteriori de la dépense et des états financiers (1) ; l’organisation des processus financiers et comptables au sein d’une agence comptable (2) ; l’autonomie financière et comptable des collectivités territoriales (3). La mission reconnait toutefois que ces options peuvent entrainer un déséquilibre entre, d’un côté, les gains probables pour la DGFiP et l’État et, de l’autre côté, des gains plus limités mais aussi des coûts initiaux et récurrents pour les collectivités territoriales. Face à cette incertitude la mission propose deux solutions : l’expérimentation sur quelques années de chacune des solutions par un échantillon aussi représentatif que possible de collectivités et pas seulement les plus grandes, afin d’identifier précisément les gains et les coûts supplémentaires pour les différentes parties (1) ; l’engagement d’un juste partage des gains nets de la réforme entre l’État et les collectivités, dès lors que ceux-ci auront été identifiés (2). Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables, que certains attribuent aux Carolingiens, voire aux fondateurs de la République romaine notamment en la personne de Publius Valerius Publicola, et que l’on retrouve plus formellement établi à partir de l’ordonnance royale du Vivier-en-Brie de 1320, et considéré comme un « principe cardinal de notre droit public » selon les professeurs Lascombe et Vandendriessche (v. « Plaidoyer pour assurer le succès d’une réforme », RFDA 2004, p. 398) résistera-t-il aux assauts répétés qu’il subit depuis quelques années déjà ?

->Responsabilité des gestionnaires publics

La chambre du contentieux de la Cour des comptes rend trois nouveaux arrêts

Le 3 mai 2024, la chambre du contentieux de la Cour des comptes a rendu publics trois nouveaux arrêts : « Département de la Haute-Saône » ; « Département de l’Eure » ; « Chambre régionale d’agriculture de Bretagne et autre ». Par le premier arrêt, les magistrats financiers ont, pour la première fois sur ce type d’infraction, retenu la responsabilité d’un élu local, ordonnateur d’une collectivité territoriale, qui avait réquisitionné le comptable public en vue d’octroyer à un agent du département de la Haute-Saône un avantage injustifié (une indemnité transactionnelle) en poursuivant un intérêt personnel. Le président du conseil départemental renvoyé devant la Cour des comptes au titre de l’article L. 131-12 du CJF a été condamné à une amende de 9 000 €. Pour la fixation du montant de l’amende, la Cour a retenu une circonstance aggravante car, du fait de l’ancienneté de ses nombreux mandats d’élu local et de sénateur, il ne pouvait méconnaître la portée d’une réquisition de l’agente comptable, ainsi que des avertissements écrits de la préfète, lesquels auraient dû le conduire à reconsidérer la licéité du protocole transactionnel. Dans le deuxième arrêt, dit « Département de l’Eure », la Cour des comptes a, pour la première fois, sous le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, retenu la responsabilité d’un adjoint au comptable public au même titre que celle d’un ordonnateur délégué pour avoir méconnu les règles de contrôle de la dépense qui leur incombaient. Les deux personnes renvoyées ont été condamnées à une amende de 2 500 € chacun. Pour la fixation du quantum de l’amende, la chambre du contentieux de la Cour des comptes a retenu des circonstances atténuantes en relevant notamment que cette affaire s’était nouée dans un contexte d’escroquerie, d’exercice de fonction par intérim pour l’ordonnateur délégué et de lacunes dans l’organisation générale du poste comptable pour le comptable mandataire. Enfin, dans la dernière affaire, dite de la « Chambre régionale d’agriculture de Bretagne et autre », la chambre du contentieux de la Cour des comptes s’est prononcée sur plusieurs questions de procédure dont certaines sont inédites. Sur le fond, elle a également jugé qu’en l’espèce les irrégularités commises en matière de commande publique par un président de chambre d’agriculture traduisaient la poursuite d’un intérêt personnel indirect. En revanche, à l’encontre de la position du Parquet général, la chambre du contentieux a considéré que la seule méconnaissance des règles précitées ne suffisait pas à démontrer l’existence d’une perte de chance sérieuse d’obtenir des offres mieux-disantes et donc celle d’un préjudice irréfutable. Dès lors, en l’absence d’éléments établissant que la chambre d’agriculture avait subi un préjudice causé par l’avantage injustifié octroyé, l’infraction, telle qu’elle résulte de l’application de la loi en vigueur à l’époque des faits (application de la loi pénale la plus douce), n’était pas entièrement caractérisée. Finalement, pour des questions de procédure, la chambre du contentieux a jugé irrecevables les réquisitions à l’encontre du président et des agents de l’association en l’espèce. Quant au président de la chambre d’agriculture, il a été relaxé des fins des poursuites en l’absence de préjudice.

FINANCES LOCALES
->Transferts de l’État

Rapport Woerth remis au Président de la République

Ce rapport, intitulé « Décentralisation : le temps de la confiance », attendu puis rendu fin mai 2024, aborde de nombreux points et notamment une réforme profonde des finances publiques locales. De façon générale, une nouvelle gouvernance serait mise en place, de façon à mettre fin à l’illisibilité du système avec l’instauration d’un dialogue constant avec l’État. Si ce rapport n’est pas favorable à la consécration d’une autonomie fiscale en matière d’impôts locaux, il préconise malgré tout une refonte de la loi organique du 29 juillet 2004, qui préciserait que « la fiscalité nationale contribue au financement des politiques nationales comme locales et qu’elle doit, à ce titre, être partagée entre l’État et les collectivités territoriales ». Une fois n’est pas coutume, ce document propose également que les collectivités territoriales réfléchissent davantage à l’efficacité de leurs politiques publiques. Mais là où ce rapport apporte de nombreuses innovations concerne surtout la fiscalité avec la définition d’un nouveau panier de ressources fiscales. Le bloc local se verrait surtout affecter la plupart des ressources touchant le foncier avec comme mesure emblématique l’affectation aux EPCI des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) relevant actuellement des départements, tout en maintenant inchangée la part communale. Ensuite, les départements bénéficieraient de quatre impôts locaux avec un pouvoir de taux (notamment la contribution solidarité autonomie (CSA) et la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa), assises respectivement sur les revenus d’activité et les pensions). Enfin, les régions se verraient attribuer une fraction de l’impôt sur les sociétés territorialisée avec toutes les difficultés inhérentes à cette opération et en complément, la moitié de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Bien évidemment, ce rapport préconise de réformer la DGF et les critères de péréquation…

->Secteur public local

Rapport Ravignon sur le coût du millefeuille administratif

L’intitulé précis de ce rapport est éclairant : « Coûts des normes et de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités : évaluation, constats et propositions », car il annonce la volonté de revenir sur une problématique classique des finances locales et du droit des collectivités territoriales. Ce document revient sur une question ancienne mais toujours non résolue. Ainsi, dans le domaine économique par exemple, de nombreux départements contournent l’interdiction de participation « en participant au financement d’agences de développement économique ou en soutenant des aménagements de zones d’activités réalisées par le bloc communal ». La mission s’est interrogée plus précisément sur trois points : la comitologie et la schématologie (1) ; la coordination entre les acteurs territoriaux sur une même politique publique (2) ; les financements croisés (3). En termes de dépenses, le coût le plus important est pour les communes soit 4,8 Md€ sur un coût global chiffré par la mission à au moins 6 Md€ pour les collectivités territoriales et au moins 1,5 Md€ pour l’État Malgré cela, pour ce rapport, la dépense publique des collectivités apparait maîtrisée sur la période récente…

Sobriété : vers un nouveau modèle de financement des services d’eau et d’assainissement

Dans un document conjoint de Intercommunalité de France, FP2e et la FNCCR, le constat de départ est celui d’un modèle de financement à bout de souffle, avec deux grands défis : d’une part la question de la sobriété hydrique et d’autre part un mur d’investissement à venir avec un coût estimé à 15 Md€. Ces propositions cherchent à limiter la hausse du prix de l’eau à venir. Cette note propose également de rendre obligatoire le comptage de tous les prélèvements dans le milieu, de consolider la trajectoire d’équipement en compteurs communicants et d’harmoniser à 40 % minimum le plafond de la part fixe pour donner plus de latitude aux élus locaux. En outre, parmi les propositions intéressantes notons la volonté de mettre fin aux tarifs dégressifs de l’eau ou encore d’accompagner les collectivités pour la mise en place de trajectoires de sobriété

->Fiscalité locale

Note de la DGFIP sur les impôts locaux des professionnels en 2023

Dans cette note, la DGFIP revient sur l’importance des impôts fonciers, dans un contexte dans lequel ces impôts demeurent pratiquement les seuls sur lesquels les collectivités peuvent faire varier les taux de fiscalité. Le produit de ces impôts représente un montant de 27 Md€. Le produit de taxe foncière payée par les entreprises en 2023 augmente de 9 % et la CFE de 7 %. L’industrie et le commerce sont les principales entreprises taxées à la CFE. La hausse s’avère quasi généralisée sur l’ensemble du territoire. Comparativement, la CVAE, même si elle n’est pas assise sur le foncier, augmente également de +9 % pour atteindre plus de 9 Md€.

Note du cabinet FSL concernant les taux d’imposition 2024 des grandes collectivités

Dans cette note, FSL réalise un premier point de la situation fiscale en 2024. Le point de départ est la revalorisation forfaitaire des bases imposables de +3,9 % en 2024, expliquant une augmentation de facto des produits de recettes. En matière de taux, « 81 % des territoires de grandes villes (34 sur 42) ont maintenu leurs taux en 2024. Cette proportion est en hausse par rapport à 2023 (76 %) et 2022 (69 %) mais en baisse par rapport aux observations de la période 2017-2021 ». L’utilisation très modérée du levier fiscal se constate concernant tous les impôts. En moyenne, les taux de la taxe d’habitation et des taxes foncières augmentent +1,2 % en 2024 et en matière de CFE, la hausse est inférieure à +0,5 %.

->Contrôle des budgets

Le Conseil d’État a rappelé les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent octroyer des subventions pour une action internationale de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire. En l’espèce, l’association SOS Méditerranée réalise bien une action à caractère humanitaire conforme au droit maritime international. Le Conseil d’État, dans plusieurs décisions rendues le 13 mai 2024, s’est prononcé sur la validité de subventions octroyées par plusieurs collectivités territoriales à l’association SOS Méditerranée. Dans ses décisions, le Conseil d’État a rappelé qu’en vertu de l’article L. 1115-1 du CGCT, les collectivités territoriales peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale à caractère humanitaire dans le respect des engagements internationaux de la France. Ces actions n’ont pas à répondre à un intérêt public local ou à s’inscrire dans les domaines de compétences attribués par la loi aux collectivités territoriales. Elles ne doivent, en revanche, ni interférer avec la conduite par l’État des relations internationales de la France, ni conduire les collectivités territoriales à prendre parti dans un conflit de nature politique. Selon le Conseil d’État, le fait que l’organisation défende des positions dans le débat public n’interdit pas à une collectivité territoriale de prendre part à des actions à caractère humanitaire dès lors que celles-ci ne constituent pas une action à caractère politique et que la collectivité territoriale s’assure que son aide sera exclusivement destinée au financement d’une action à caractère humanitaire. En l’espèce, le Conseil d’État a jugé que l’activité de sauvetage en mer menée par l’association SOS Méditerranée était bien une action internationale à caractère humanitaire et non une action de nature politique. Elle est en effet menée en conformité avec les principes du droit maritime international, qui prévoient l’obligation de secourir les personnes se trouvant en détresse en mer et de les débarquer dans un lieu sûr dans un délai raisonnable, quels que soient leur nationalité ou leur statut. Le Conseil d’État a ainsi validé deux subventions accordées par la Ville de Paris et par le département de l’Hérault. Il a revanche annulé la délibération de la commune de Montpellier qui ne précisait pas la destination de la subvention ; en effet, la convention signée avec l’association indiquait sans plus de précisions, qu’elle était accordée pour le fonctionnement de l’association SOS Méditerranée (CE, 13 mai 2024, Association SOS Méditerranée France, Req. n° 472155 et 473817, n° 474507 et n° 474652).

FINANCES SOCIALES
->Situation des comptes sociaux

Rapport de certification des comptes des organismes de Sécurité sociale pour 2023

La Cour des Comptes a rendu public le 17 mai le rapport sur la certification des comptes 2023 des organismes de Sécurité sociale ainsi que celui du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI). Comme l’année précédente, les plus graves insuffisances concernent la branche Famille. Les comptes 2022 de celle-ci n’avaient pas été certifiés en raison de l’insuffisance de son dispositif de maîtrise des risques, qui engendrait un taux de risque financier résiduel très élevé sur les prestations versées (v. Repères, mai 2023). Pour les comptes de 2023, la Cour se déclare dans l’impossibilité d’exprimer une position, au motif qu’elle ne dispose pas d’éléments probants suffisants pour écarter le risque d’anomalies significatives et identifier l’incidence sur les états financiers. Les insuffisances portent principalement sur le cadre général du contrôle interne, sur la maîtrise des erreurs affectant les prestations légales du fait d’une fiabilisation faible des données déclaratives, sur le contrôle des prestations extra-légales d’action sociale, ainsi que sur le recouvrement des indus sur prestations. La CNAF a certes engagé en 2023 des travaux importants pour définir une nouvelle carte des processus et identifier les risques majeurs, mais le déploiement des outils s’étalera jusqu’en 2025. Il en résulte que le taux de risque financier résiduel relatif aux données déclarées à 24 mois reste très élevé (7,4 % contre 7,6 % en 2022, soit 5,5 Mds d’indus et de rappels qui ne seront jamais détectés) et que le taux de risque afférent aux données entrantes à 9 mois se dégrade, à 10,9% des prestations ; ce risque affecte près de 30 % des montants versés au titre de la prime d’activité, de 20 % des prestations versées au titre du RSA et d’un huitième des aides au logement. Les comptes des quatre autres branches (Recouvrement, Maladie, Vieillesse et Autonomie) sont certifiés avec réserves. Comme les années précédentes, d’une manière générale, la Cour souligne la persistance des insuffisances du contrôle interne, mais avec une incidence variable selon les branches. Le nombre d’erreurs de liquidation augmente dans la branche Vieillesse (1,2 % des prestations liquidées, majoritairement au détriment des assurés), le montant des erreurs de remboursement de frais de santé (3,1 Md€) diminue dans la branche Maladie ; pour la branche Recouvrement, la mesure des erreurs déclaratives liées aux déclarations des cotisants s’élève à 2,5 Md€ et la fraude est évaluée à 4,6 Md€ sur le champ des employeurs du secteur privé. S’agissant enfin des anomalies comptables significatives dans l’ensemble des branches, leur nombre diminue de moitié par rapport à 2022. Par ailleurs la Cour certifie les comptes 2023 du CPSTI avec 7 réserves.

Premier rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale pour 2024

La Commission des comptes de la Sécurité sociale a publié son premier rapport pour 2024. Il prévoit une aggravation de 6 Md€ du déficit 2024 des Régimes obligatoires de base de Sécurité sociale. S’agissant de l’exercice 2023, le déficit des régimes obligatoires de base (ROB) et du FSV s’établit à -10,8 Md€ (par rapport à une prévision corrigée de -8,7 Md €), ce qui est presque deux fois moins que le déficit 2022 (-19,7 Md€), du fait d’une réduction de 10 Md€ des dépenses liées à la crise sanitaire. Le déficit 2023 est totalement imputable à la branche Maladie (-11,1 Md€). Toutes les autres branches du Régime général sont en excédent ou proches de l’équilibre : Vieillesse +FSV : -0,2 Md€ ; Accidents du travail : +1,4 Md€ ; Famille : +1 Md€ ; Autonomie : -0,6 Md€. Hors du périmètre du Régime général, la Commission met particulièrement l’accent sur le déficit de la CNRACL, qui s’élève à -2,5 Md€. Les recettes des ROB ont été moins dynamiques en 2023 qu’en 2022 (+4,8 % contre +5,4 %), en raison d’une augmentation de l’effet des allègements généraux de cotisations, et de la décélération des recettes de TVA affectées à la branche Maladie. Les dépenses de ces régimes (hors COVID) sont restées très dynamiques, en particulier les dépenses de la Maladie avec une progression de 4,8 % des dépenses de l’ONDAM, ainsi que les dépenses de retraite qui ont augmenté de +4,7 %. Pour l’exercice 2024, la Commission prévoit un déficit des ROB et du FSV de -16,6 Md€ (-13,8 Md€ pour le Régime général et le FSV), soit une dégradation de 6 Md€ par rapport à la prévision de la LFSS de 2024 (v. Repères, déc. 2023). Cette dégradation provient essentiellement des recettes, qui ralentissent très nettement en valeur (beaucoup plus que le Gouvernement ne le prévoyait lors de la préparation du PLFSS) du fait de la décélération de l’inflation et de la moindre croissance de l’activité ; mais, effet paradoxal, l’inflation des années antérieures continue d’alimenter les dépenses du fait de l’effet en année pleine en 2024 des revalorisations des retraites et des prestations sociales indexées sur les prix. Pour le Régime général, le déficit de 2024 restera porté principalement par la Maladie (-11,4 Md€), mais il va être majoré par la réapparition d’un important déficit de la Vieillesse et du FSV (-4,2 Md€) ; les autres branches devraient voir fondre leur excédent (Accidents du travail : +0,8 Md€, Famille : +0,2 Md€), à l’exception de la branche Autonomie qui retrouvera un solde excédentaire (+0,8 Md€). Les régimes de base, autres que le RG, vont enregistrer également une dégradation, imputable essentiellement à la CNRACL dont le déficit 2024 pourrait atteindre 4 Md€. S’agissant de la trésorerie, celle de l’ACOSS est restée satisfaisante jusqu’en 2023 grâce à la poursuite des reprises de dettes par la CADES prévues par la loi du 7 août 2020, mais la situation va se retourner avec l’accumulation des déficits à venir puisqu’il n’est pas prévu de dispositif visant à amortir les déficits des branches Maladie et Vieillesse pour 2024 et les années suivantes.

Rapport alarmant de la Cour des Comptes sur l’exécution des LFSS

La Cour des comptes a publié le 29 mai son rapport 2024 sur l’exécution des LFSS. La Cour prend en compte les résultats de l’exercice 2023 et les prévisions pour 2024 établis par la Commission des comptes de la Sécurité sociale (v. supra), mais elle y ajoute une tonalité particulièrement alarmiste en parlant de « perte de maîtrise des comptes sociaux ». Elle exprime son scepticisme sur l’exécution de la LFSS 2024, particulièrement pour l’Assurance maladie dont le respect des objectifs de déficit repose sur une décélération inédite des dépenses de l’ONDAM (+3,2 % contre +4,8 % en 2023), alors que, parallèlement, le déficit de la branche Vieillesse du Régime général devrait se creuser de 3,5 Md€ en raison de l’effet en année pleine de la revalorisation des pensions intervenue au 1er janvier 2024, et que l’excédent des branches Famille et AT-MP pourrait se réduire. Surtout, la Cour relève la dégradation continue de la trajectoire financière jusqu’en 2027, sans véritable perspective de redressement structurel, dégradation principalement imputable à la branche Vieillesse (déficit de -10,8 Md€ en 2027) en raison des effets très lents de la réforme des retraites: pour la Cour des comptes, un tel niveau de déficit est un « point de bascule, car le financement de la Sécurité sociale n’est plus assuré à terme », dans la mesure où il va conduire à un « portage » croissant du déficit par l’ACOSS, ce qui devra impliquer une prolongation indéfinie de la durée de vie de la CADES. La Cour considère que la trajectoire actuelle est devenue insoutenable et qu’il est indispensable de mettre en œuvre des réformes structurelles, qui sont détaillées dans 9 rapports thématiques. Deux domaines porteurs d’économies potentielles ont particulièrement donné lieu à commentaires. Les niches sociales que représente l’exemption de cotisations sociales, et, dans certains cas, de la CSG, dont bénéficient les compléments de salaires de base comme la prise en charge par l’employeur de contrats de complémentaire santé, de prévoyance ou de retraite, ainsi que les aides directes sous forme de titres restaurant, chèques vacances et frais de transport, les dispositifs de partage de la valeur (intéressement, « Prime Macron »), les heures supplémentaires et les indemnités de rupture de contrat de travail ; ces compléments ont représenté un montant d’équivalent salaire de 87,5 Md€ en 2022, leur progression depuis 2018 a été le double de celle des salaires de base et la perte de recettes ainsi induite pour la Sécurité sociale correspond pratiquement à la dégradation des comptes sociaux hors Covid-19 ; la Cour recommande donc de revenir, pour l’assujettissement de ces compléments de salaire, à des conditions de droit commun. En second lieu, la Cour vise le régime des arrêts de travail, qui ont coûté 12 Md€ à la Sécurité sociale en 2022, avec une augmentation de 56 % par rapport à 2018 ; prenant acte des mesures mises en œuvre par la CNAM notamment pour responsabiliser les prescripteurs, elle propose de simplifier la réglementation devenue trop complexe et occasionnant des coûts de gestion excessifs, ainsi que de modifier la répartition de la charge entre la Sécurité sociale, les entreprises et les salariés, ce qui qui passerait par une augmentation du délai de carence et pourrait aller jusqu’à la suppression de l’indemnisation pour les arrêts inférieurs à huit jours. Les autres pistes de réforme porteuses d’économies concernent la gestion des médicaments anticancéreux, le recours à l’intérim médical dans les hôpitaux, et la stratégie de réduction du nombre de lits hospitaliers. La Cour s’est également penchée sur la compensation démographique entre régimes de retraite, qu’elle juge complexe, artificielle et mal gérée.

->Politique d’allègement des charges et du coût du travail

Moindre succès de la prime Macron

Selon des informations publiées dans « Les Échos », la « Prime Macron » devenue « prime de partage de la valeur » connaît beaucoup moins de succès depuis qu’à partir du 1er janvier 2024 les avantages sociaux et fiscaux liés à son versement par les entreprises ont été sensiblement réduits. L’exonération des cotisations sociales a été maintenue mais non celle de la CSG et de la CRDS ; par ailleurs l’exonération de l’impôt sur le revenu dont bénéficiaient les salariés gagnant jusqu’à 3 fois le SMIC n’a été conservée que pour ceux travaillant dans une entreprise de moins de 50 salariés et, pour les autres, sous condition d’affecter sa prime à un plan d’épargne. En conséquence, le montant de primes versées au premier trimestre 2024 est, selon l’INSEE, tombé à 490 M€ contre 1,2 Md€ au premier trimestre 2023 (le montant total versé en 2023 s’est élevé à 6 Md€). Cette évolution est à mettre en parallèle avec le mouvement de progression des salaires horaires qui est observé depuis quelques mois.

->Dépenses de santé/Hôpital/Assurance maladie

Rapport de la Cour des comptes sur la politique de périnatalité

La Cour des Comptes a publié un rapport public thématique sur la politique de périnatalité. Le constat de départ de la Cour est que, malgré l’accroissement des moyens consacrés à la politique de périnatalité (9,3 Md€ en 2021, soit +9 % par rapport à 2016), les résultats sont médiocres puisque la France se situe au 22e rang européen pour la mortalité néonatale (taux de mortalité de 2,7 pour mille), avec une dégradation continue depuis 2012 malgré le contexte de baisse de la natalité; cela correspond à une perte de plus de 2000 nouveaux nés par rapport à une situation où notre pays se situerait au meilleur standard européen. La Cour attribue cette situation à quatre facteurs : la persistance en France de risques importants pour les grossesses avec de fortes disparités sociales et territoriales (notamment en outre-mer), faute d’un système de suivi et d’information suffisant ; une offre de soins inadaptée aux enjeux de la périnatalité, la stratégie des « 1000 premiers jours » arrêtée en 2021 ne prenant pas suffisamment en compte la qualité et la sécurité des soins périnatals ; l’insuffisance des actions de prévention ; les lacunes dans l’accompagnement parental. La Cour propose sept recommandations, dont la plus notable est un renforcement des contrôles et des exigences sur les maternités à faible activité (moins de 1000 accouchements par an).

Rapport de la Cour sur l’organisation territoriale des soins de premier recours

La Cour des comptes a publié un rapport public thématique sur l’organisation territoriale des soins de premier recours. Cette problématique, qui recouvre celle des déserts médicaux et de la crise des urgences, procède d’abord du constat d’un accès aux soins de plus en plus contraint du fait des évolutions des effectifs et des comportements des professionnels de santé, ainsi que de celui de l’évolution de la demande de soins (croissance des pathologies chroniques qui augmente le besoin de soins programmés). Depuis une trentaine d’années, diverses initiatives ont été conduites : rôle de pivot donné aux médecins généralistes « traitants », aides à l’installation versées aux professionnels de santé pour faciliter leur installation dans les zones moins dotées, puis, à partir des années 2010, développement des structures de soins coordonnés (maisons de santé…), recherche de l’optimisation du temps médical… La loi du 21 juillet 2009 dite « Hôpital, santé, territoires » a confié aux ARS la responsabilité de l’organisation coordonnée des soins de premier recours, mais sans leur donner les moyens juridiques et financiers suffisants pour bâtir une stratégie d’ensemble ; cette priorité a été réaffirmée par la « Stratégie nationale de santé 2017-2022 ». La Cour propose une série de sept recommandations, en particulier la priorisation des aides à l’implantation d’assistants médicaux sur des critères territoriaux, l’encouragement des médecins à venir exercer à temps partiel dans les zones les moins bien dotées et, à terme, la conditionnalité des nouvelles installations dans les bassins les mieux dotés à l’exercice à temps partiel dans des zones moins favorisées, ainsi que l’autorisation donnée aux hôpitaux de déployer des centres de santé polyvalents.

Accord sur les tarifs des consultations médicales

Après de longues semaines de négociations, le principal syndicat de médecins généralistes, « MG France », a accepté le relèvement de la consultation médicale de 26,50 € à 30 € proposée par la CNAM ; toutefois cette augmentation ne sera pas conditionnée à de nouveaux engagements individuels des praticiens en termes de suivi des patients ou d’ouverture des cabinets. Par ailleurs, une « consultation longue » à 60 € pour les patients âgés de plus de 80 ans serait proposée, consacrée à des situations bien précises (sortie d’hospitalisation, réduction du nombre de prescriptions…). Le nouveau tarif devrait s’appliquer à partir du 1er décembre.

->Assurance chômage

Les difficultés financières de l’Association de garantie des salaires.

Les chiffres du premier trimestre 2024 communiqués par l’Association de garantie des salaires (AGS), qui assure la continuité du paiement des salaires en cas de redressement judiciaire ou de liquidation des entreprises, font apparaître une poursuite de la progression des défaillances d’entreprises qui donnent lieu à ouverture de dossiers par l’organisme (+20 % entre le premier trimestre 2023 et le premier trimestre 2024), particulièrement dans les secteurs de l’enseignement, de la santé et de l’action sociale ; c’est un niveau supérieur à celui constaté avant la pandémie, le régime avait en effet connu une « embellie » avec la diminution des faillites permise par la politique du « quoi qu’il en coûte ». Une augmentation de la cotisation des entreprises de 0,05 points, portant celle-ci à 0,20 points de la masse salariale, est intervenue au 1er janvier 2024 mais elle risque d’être insuffisante compte tenu de l’envolée du montant des avances versées par l’AGS (2,1 Md€ prévus pour 2024 contre 1,7 Md€ versés en 2023), et une nouvelle majoration pourrait être rendue nécessaire dès cet été, alors même que les entreprises n’ont pas pu bénéficier d’une baisse de la cotisation à l’Assurance chômage en raison de l’échec de la négociation sur l’emploi des seniors (v. Repères, avril 2024).

Nouveau tour de vis en perspective pour l’Assurance chômage

Dans la « Tribune dimanche » du 26 mai, le Premier ministre a annoncé les grandes lignes de la troisième réforme de l’Assurance chômage depuis sept ans, qui devrait intervenir par décret d’ici le 1er juillet 2024, complétée par un projet de loi sur l’emploi des seniors. La principale disposition en serait un nouveau resserrement des conditions d’affiliation : pour être indemnisé, il faudra désormais avoir travaillé au moins 8 mois (au lieu de 6 actuellement) sur les 20 mois (24 mois aujourd’hui) précédant la perte de son emploi ; la durée d’indemnisation maximale va passer de 18 à 15 mois pour les chômeurs de moins de 57 ans. Conséquence du report de l’âge légal de la retraite, les dispositions applicables aux chômeurs âgés vont s’appliquer à partir de 57 ans, avec une période d’affiliation ramenée à 30 mois et une durée d’indemnisation limitée à 22,5 mois (27 mois actuellement). Un nouveau seuil de « contracyclicité » a été fixé à 6,5% de la population active, qui pourra conduire à ramener à 12 mois la durée d’indemnisation pour les personnes de moins de 57 ans si le taux de chômage tombe en deçà de ce niveau. Selon l’entourage du Premier ministre, cette nouvelle réforme pourrait entrainer une économie de 3,6 Md€ à l’horizon de 3 ans pour l’UNEDIC, dont les deux précédentes réformes ont déjà bien amélioré la situation financière.

FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->Politique fiscale

Des dialogues sur la fiscalité à l’Assemblée nationale ?

Après le plaidoyer de Camille Landais pour les hausses d’impôts le mois dernier (v. Repères, avril 2024), le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui est un membre de l’opposition parlementaire, rappelons-le, dans un entretien aux « Échos », vient à son tour défendre cette orientation. Il souhaite relancer le débat parlementaire sur les hausses d’impôts, mis en sommeil par le Gouvernement. Avec l’appui du député centriste Mattei, et après les élections européennes, le député Coquerel souhaite organiser des « Dialogues sur la fiscalité » à l’Assemblée nationale. Ces dialogues consisteraient en plusieurs réunions de travail sur des sujets fiscaux précis comme l’impôt sur le revenu, la TVA, la taxation du capital, les dépenses fiscales, la fiscalité locale, la fraude aux prélèvements obligatoires… Le président de la commission des finances espère aboutir à des propositions fiscales permettant une meilleure redistribution, un meilleur rendement budgétaire et une hausse des recettes fiscales. Selon lui, plusieurs amendements, votés en commission des finances à l’Assemblée nationale, mais écartés du texte final du PLF pour 2024, pour lequel le Gouvernement a eu recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, auraient généré 15 Md€ de recettes : taxation des rachats d’action et des superdividendes, retour de l’exit tax dans sa version antérieure. Le député Coquerel envisage également de diminuer certaines dépenses fiscales, en réformant le crédit d’impôt recherche par exemple. Au final, le président de la commission des finances à l’Assemblée nationale ambitionnerait d’encaisser 40 Md€ de recettes fiscales supplémentaires avec ses propositions. N’est-ce pas utopique ? Le débat sur les finances publiques, fin avril à l’Assemblée nationale, suite à la présentation du programme de stabilité par le Gouvernement (v. Repères, avril 2024), a déjà démontré l’existence de véritables lignes de clivage politique entre les partisans d’une politique de l’offre et leurs détracteurs. Le pari du député Coquerel est donc antagonique au choix gouvernemental. En effet, le Gouvernement s’est clairement positionné sur un refus de toute hausse d’impôts et il entend privilégier sa réflexion autour de l’efficacité de la dépense publique, puisque la France se trouve sous la double injonction de réduire ses déficits publics excessifs et de développer des services publics plus performants. Les termes du débat sont clairement posés.

La note du rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale sur les baisses d’impôts

Le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, qui appartient à la majorité, vante pendant ce temps les baisses massives des impôts locaux décidées par le législateur sous la mandature Macron. Si du côté des entreprises, les baisses sont significatives (disparition programmée de la CVAE, réduction de la CFE, etc.), entre 2017 et 2023, chaque ménage français a observé une baisse des impôts locaux de 340 € en moyenne selon les calculs du rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale. L’explication principale de ce recul est la disparition définitive de la taxe d’habitation sur les résidences principales en 2023 (baisse des impôts locaux de 22 % pour chaque ménage en moyenne). Et cela, alors même que de nombreuses communes ont voté une augmentation significative des taux de la taxe foncière (v. par ex. la ville de Paris, v. Repères, oct. 2023). A l’approche des échéances électorales, le rapporteur général du budget a décidé d’administrer une piqûre de rappel aux contribuables qui auraient été frappés d’amnésie depuis lors.

Les recommandations fiscales du FMI adressées à la France

Une mission du Fonds monétaire international (FMI), dirigée par Manuela Goretti, a mené des entretiens en France du 13 au 22 mai dans le cadre des consultations 2024 au titre de l’article IV. La reprise économique devrait s’amorcer en 2025, tandis que le processus de désinflation se poursuit. Si les risques sont désormais plus équilibrés, les perspectives restent soumises à des incertitudes. Les services du FMI prévoient que le déficit public restera élevé à 5,3 % du PIB en 2024 et diminuera légèrement à 4,5 % en 2027. De nouvelles mesures de consolidation budgétaire sont recommandées à moyen terme en commençant dès 2024, afin de ramener la dette sur une trajectoire descendante, tout en laissant la place à des dépenses ciblées favorisant la croissance. Cela permettrait à la France de sortir de la procédure de déficit excessif (PDE) d’ici fin 2027, comme le prévoient actuellement les autorités, procédure qui devrait être initiée un peu plus tard dans l’année. Le FMI préconise des mesures ciblées sur les dépenses publiques – sur les aides aux entreprises, les niches fiscales, les collectivités territoriales notamment – pour réduire le déficit, rejetant la piste de hausses générales d’impôts. La trajectoire budgétaire du Gouvernement nécessite un « ajustement significatif » selon l’institution internationale. Comme le souligne le FMI, compte tenu des niveaux d’imposition déjà élevés en France, la consolidation budgétaire devrait continuer à se concentrer sur des mesures ciblées visant à réduire les dépenses courantes. Les dépenses fiscales peuvent également être réformées pour en accroître l’efficacité économique, tout en réduisant les coûts budgétaires. La suppression progressive des taux réduits et les exemptions fiscales sur les combustibles fossiles, pourraient améliorer l’efficacité des dépenses fiscales vertes et réduire les coûts budgétaires. Selon le FMI, les autorités devraient également évaluer la possibilité de rationaliser les dépenses fiscales existantes en faveur de la R&D et de l’innovation en se concentrant sur les dispositifs ayant l’impact le plus élevé.

Quelle fiscalité pour le financement de l’audiovisuel public ?

Lors du conseil des ministres du 31 mai 2024, la ministre de la Culture a présenté une communication relative à la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public. Le Gouvernement rejoint l’initiative du sénateur Laurent Lafon qui a porté une proposition de loi visant à la création d’une holding de l’audiovisuel public, adoptée au Sénat en juin 2023. Le Gouvernement souhaite donc s’inscrire dans la continuité de ces travaux parlementaires en proposant de prolonger la création de la holding par une fusion des entreprises de l’audiovisuel public au 1er janvier 2026. La commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale a adopté ce projet d’aboutir à une entreprise unique. Selon le Gouvernement, l’avantage de l’entreprise unique est de réduire substantiellement les lourdeurs liées aux coopérations entre structures juridiques différentes, et de mettre en œuvre facilement une stratégie pleinement coordonnée. Enfin, le Gouvernement souhaite que la réforme de la gouvernance s’accompagne de la sécurisation du financement du secteur afin d’en garantir l’indépendance. Le Gouvernement soutiendra donc la proposition de loi organique déposée par les députés Bataillon et Gaultier. Alors que le projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoyait, dans sa version initiale (v. Repères, août 2022), la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) et un financement par le budget général de l’État, les parlementaires ont proposé une solution transitoire consistant à affecter au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » une fraction du produit de la TVA. Cette solution fut alors acceptée par le Sénat avec l’ajout de la limite temporelle du 31 décembre 2024, et une réserve avait été formulée par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 12 août 2022, décis. n° 2022-842 DC, § 30) invitant le législateur à intervenir pour la période postérieure au 31 décembre 2024, à fixer le montant de ces recettes afin que les sociétés et l’établissement de l’audiovisuel public soient à même d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées. La proposition de loi organique déposée par les députés Bataillon et Gaultier vise donc à définir un nouveau mode de financement pérenne des organismes de l’audiovisuel public, en permettant qu’ils bénéficient d’un prélèvement sur les recettes de l’État. Une modification de la LOLF est nécessaire afin d’étendre aux seuls organismes de l’audiovisuel public définis dans la loi n° 861067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication la possibilité d’instituer les prélèvements sur les recettes de l’État. Les entités de l’audiovisuel public pourront ainsi continuer à bénéficier à compter de 2025 d’un niveau de recettes sécurisé grâce au vote par le Parlement chaque année en loi de finances d’un montant en euros, sans réserve de précaution. Ce nouveau dispositif de financement permet de maintenir les garanties d’indépendance du secteur selon leurs auteurs. Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi organique modifie le quatrième alinéa de l’article 6 de la LOLF afin d’étendre la possibilité d’instituer un prélèvement sur les recettes de l’État au profit des organismes de l’audiovisuel public.

->Impôts sur les sociétés

Vers une réforme de la CRIM et de la CES ?

Les députés chargés par le Premier ministre de travailler sur la taxation des rentes des énergéticiens veulent davantage frapper les « surprofits ». Ils espèrent percevoir 2 Md€ supplémentaires. Le droit dérivé de l’Union européenne laisse à chaque État membre une certaine latitude sur l’application de la « contribution temporaire de solidarité » (CES) qui vient frapper les « superprofits » des secteurs des combustibles fossiles, distincte de la taxation des rentes infra-marginales sur la vente d’électricité (CRIM). Il en résulte une très grande hétérogénéité dans l’application de la mesure au niveau des États au sein de l’UE. Par exemple, en Espagne, la mise en œuvre du dispositif aurait généré 6 Md€ de recettes par an. En France, sa mise en œuvre dans le PLF pour 2023 sous une forme moins ambitieuse n’a pas généré un volume de recettes fiscales significatif. Les chercheurs de l’Institut des politiques publiques (IPP) ont analysé pourquoi la CRIM n’a pas généré autant de recettes fiscales en 2023 qu’ils ne l’avaient espéré initialement (v. note intitulée « L’impôt sur les superprofits en quête de recettes », IPP, mai 2024). Ils avaient calculé un rendement budgétaire de l’ordre de 3 Md€ pour la France (v. Repères, déc. 2022), soit une erreur d’une ampleur significative. L’administration fiscale avait, déjà à l’époque, indiqué que ladite contribution ne générerait que seulement 200 M€ de recettes environ. Le décalage significatif entre l’estimation des recettes fiscales espérées par l’IPP et la réalité décevante à leurs yeux reposerait sur une erreur dans la détermination de l’assiette, qui résulterait d’une interprétation plus étroite qu’initialement envisagée. D’autre part, l’organisation des groupes pétroliers qui approvisionnent les consommateurs français est tellement intégrée que la part des profits pétroliers européens localisée en France est pratiquement nulle, ce qui avait été déjà souligné à l’origine par le patron de Total lors de son audition par les assemblées parlementaires. Errare humanum est, perseverare diabolicum.

->Procédures fiscales

Présentation par le Gouvernement du plan de lutte contre la fraude fiscale et douanière

Après un premier bilan du précédent plan gouvernemental en la matière (v. Repères, avril 2024), le ministre chargé des comptes publics a indiqué que le Gouvernement présenterait un nouveau projet de loi à l’automne pour lutter contre la fraude aux aides publiques (dans le PLF pour 2025 ?). Un an après la présentation du précédent plan « antifraude » du Gouvernement (v. Repères, mai 2023), le Gouvernement évoque deux « angles morts » à couvrir : la fraude aux aides publiques et le faible taux de recouvrement effectif. S’agissant du premier objectif poursuivi par le Gouvernement, le dispositif « MaPrimeRénov’ » va être davantage surveillé. Des signalements frauduleux à hauteur de 400 M€ ont été effectués. Pour rappel, le coût budgétaire de celui-ci devait initialement s’accroître de 1,6 Md€, portant l’aide totale à 5 Md€ en 2024. Suite au décret d’annulation de crédits pris par le Premier ministre, l’augmentation ne sera finalement que de 600 M€, ramenant son coût total pour l’année à 4 Md€. La complexité du dispositif « MaPrimeRénov’ », qui n’aurait pas permis de produire les résultats escomptés, a fait l’objet de nombreuses mises en garde de la part de tous les acteurs du secteur (FFB, Capeb, etc.). La simplification de « MaPrimeRénov’ » apparaît donc comme un levier prioritaire du Gouvernement face aux risques de fraudes. Le Gouvernement entend également surveiller le compte personnel de formation (CPF), les aides à l’apprentissage ou encore les certificats d’économie d’énergie. Après un signalement de Tracfin, le Gouvernement souhaite pouvoir suspendre plus facilement et provisoirement le versement des aides. Un durcissement des contrôles liés à la possession de cryptoactifs (comme le bitcoin) pourrait également être envisagé. La Banque centrale européenne (BCE) estime que 5 millions de contribuables français utilisent des cryptoactifs alors que la DGFIP ne recense que 150 000 déclarations annuelles. L’administration fiscale soupçonne donc les contribuables français de sous-déclarer leurs avoirs en bitcoins et autres crypto-actifs. L’intervention du législateur pourrait aligner les pouvoirs de l’administration fiscale sur ce qui se pratique déjà avec les comptes bancaires détenus à l’étranger. En matière de fraude douanière, le Gouvernement va exiger des compagnies maritimes davantage d’informations sur les marchandises transportées, à l’image de ce qui se pratique dans le secteur aérien. Le Gouvernement promet de nouveau des redéploiements d’effectifs et surtout de nouveaux équipements scanners mobiles (dix contre trois en opération en 2022) capables de vérifier le contenu d’un conteneur le plus brièvement possible. Enfin, l’objectif est d’améliorer le taux de recouvrement de la fraude fiscale dans les caisses publiques. Vers une dissolution prochaine des entreprises sans liquidation ? La saisie des avoirs des personnes gardées à vue, notamment en matière de trafic de stupéfiants, est envisagée comme autre piste d’évolution du droit des procédures fiscales.

Fraude fiscale « CumCum » : des parlementaires déposent une proposition de loi

Avec un objectif législatif transpartisan, des parlementaires ont présenté début mai une proposition de loi visant à lutter contre des pratiques de fraudes ou d’évasion fiscale reposant sur des échanges de titres (v. texte n° 554, Sénat, 26 avril 2024). L’objectif est que le rendement budgétaire de cette mesure, soit 3 Md€ par an, permette de lutter contre les déficits publics excessifs. Cette proposition de loi vise des pratiques révélées en 2018 par un consortium de médias européens dans les « CumEx Files », mêlant plusieurs mesures fiscales sur les dividendes. Cette pratique dite « CumCum » consiste à échapper à l’imposition sur les dividendes dont doivent s’acquitter les détenteurs d’actions d’entreprises françaises résidant à l’étranger. Ces derniers prêtent leurs titres à une banque française ou située dans un État bénéficiant d’une convention fiscale internationale favorable avant la collecte des dividendes. Les titres échappent ainsi à l’imposition. Les détenteurs récupèrent ensuite les titres et partagent l’impôt ainsi économisé est distribué avec les intermédiaires. En France, plusieurs banques sont poursuivies par le parquet national financier pour ces pratiques. Des redressements pour un total de 2,5 Md€ ont été notifiés aux établissements bancaires selon les auteurs de la proposition de loi. Ces derniers proposent donc d’appliquer une retenue à la source de 30% à tous les flux financiers partant à l’étranger, et un contrôle accru des demandes de remboursement. A suivre à l’automne…

Déclaration des biens immobiliers : suite et fin de la série noire ?

Visiblement, cette question est un véritable serpent de mer (v. Repères, août 2023). Depuis 2023, tous les propriétaires de biens immobiliers bâtis à usage d’habitation, qu’ils soient des particuliers ou des professionnels, doivent déclarer chacun de leurs locaux à l’administration fiscale. L’objectif est de permettre à celle-ci d’identifier les biens immobiliers qui sont redevables de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, de la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) et de la taxe sur les logements vacants (TLV). Le ou les biens dont le contribuable est propriétaire seront affichés, et pour chacun d’eux, ils devront cliquer sur « Déclarer » et renseigner les informations demandées. Chaque fois qu’une déclaration est nécessaire, une pastille bleue « Déclaration attendue » sera visible. Elle disparaîtra dès la déclaration validée. La déclaration devra être effectuée d’ici le 30 juin 2024, mais seuls les propriétaires ayant connu des changements depuis leur dernière déclaration – modification de l’état d’occupation d’un logement, ou changement de locataires – seront concernés. En clair, si la situation n’a pas changé depuis la première déclaration, les contribuables n’ont aucune démarche à accomplir. Un an après le lancement difficile du service « Gérer mes biens immobiliers », deux députés jugent encore sa mise en œuvre « trop précipitée », dans un rapport provisoire dévoilé à la presse. Dans ce document encore non finalisé, la députée Pirès Beaune et le député Reda tentent d’identifier les causes et conséquences de ce démarrage compliqué, tout en soulignant la pertinence de l’outil. Au plan national, 73 millions de locaux d’habitation et professionnels sont concernés par cette obligation déclarative, pour 34 millions de titulaires de droits. Mais nombre de déclarants concernés n’ont pas pris conscience de cette nouvelle obligation. C’est pourquoi des « difficultés techniques » ont conduit l’administration fiscale à repousser la date limite de déclaration en juin puis en août 2023. Selon eux, sa mise en œuvre s’est faite de manière trop précipitée et a manifestement manqué de pédagogie. Les rapporteurs pointent l’absence d’étude d’impact et de tests préalables au lancement de l’outil. Traduction de la mise en œuvre difficile de l’outil et des déclarations d’occupation erronées ou défaillantes, de nombreux contribuables ont reçu des avis d’imposition erronés. Par exemple, selon les députés, 16 500 mineurs ont ainsi reçu des avis de taxe d’habitation sur des résidences secondaires. Les rapporteurs saluent néanmoins plusieurs mesures déployées par l’administration fiscale pour mettre fin à la série noire en 2024 : renforcement de la communication, possibilité de télécharger un document récapitulatif à l’issue de la déclaration et création d’un formulaire papier pour les contribuables en indélicatesse avec le numérique. Attendons le prochain bilan…

MANAGEMENT PUBLIC
->Fonction Publique d’État

Le rapport Ravignon sur l’enchevêtrement des compétences étatiques et locales

Le 29 mai 2024, le rapport Ravignon sur le « millefeuille administratif » a été remis au Gouvernement (« Coûts des normes et de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités : évaluation, constats et propositions », mai 2024). Ce document dénonce le niveau de complexité de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités territoriales. En plus d’être illisible pour le citoyen, la mission évalue le coût de cet enchevêtrement à 7,5 Md€ par an. Le rapport regrette que l’État continue d’intervenir dans un certain nombre de politiques décentralisées et qu’il ait même réinvesti un certain nombre de compétences locales au cours des dernières années (lutte contre la pauvreté notamment). Le rapport regrette également que l’État continue d’orienter l’action des collectivités dans certaines politiques publiques, par le biais de la contractualisation notamment. Quant au coût de cet enchevêtrement, il pèse principalement sur les collectivités territoriales (6 Md€) ; le coût pesant sur le budget de l’État est dû principalement à la gestion financière locale (1,5 Md€). Aussi, le rapport appelle à une clarification des rôles de chaque strate en réalignant responsabilités, compétences et moyens. Il appelle également à revoir le financement des différentes collectivités territoriales et à renforcer le rôle du préfet comme interlocuteur unique des collectivités dans les territoires. Enfin, le rapport appelle à associer les collectivités dans le processus de simplification des normes qui pèsent sur elles (commande publique, gestion des ressources humaines, comptabilité publique, normes émanant des fédérations sportives).

Des tensions autour de la réforme de la fonction publique voulue par le gouvernement

Dans une interview accordée à Public Sénat, le ministre de la transformation et de la fonction publique a confirmé les orientations de la réforme de la fonction publique voulue à l’automne par le gouvernent Attal. La réforme défend l’objectif de rendre la fonction publique attractive et plus moderne et prévoit plusieurs pistes irritantes pour les syndicats telles que la facilitation des licenciements pour insuffisance professionnelle, la rémunération au mérite ou encore la suppression des catégories A, B et C. Aussi, quatre syndicats (CGT, Force ouvrière, FSU et Solidaires) se sont abstenues d’assister à la réunion prévue avec le ministre le 21 mai. Les syndicats critiquent le fond de la réforme (notamment la suppression des catégories et le développement de la rémunération au mérite) mais également la forme, estimant que le calendrier est précipité, que les discussions ont été insuffisantes et trop superficielles et que le ministre passe par la presse pour faire des annonces plutôt que de négocier avec eux.

La Cour des comptes veut renforcer la visibilité des évaluations de politiques publiques

Le 13 mai, la Cour des comptes a lancé une plateforme recensant 944 évaluations de politiques publiques réalisées depuis 2008. Cette initiative vise à améliorer l’accessibilité et l’utilité de ces évaluations pour les décideurs publics et la société civile, et à éviter les redondances. La plateforme regroupe des rapports de 37 organismes, couvrant 16 thématiques telles que l’emploi, l’éducation et la santé. Chaque évaluation est synthétisée en une page téléchargeable pour en faciliter la consultation. La Cour des comptes a lancé cette initiative pour pallier la perte de visibilité des évaluations précédentes, comme celles du grand plan d’évaluation des politiques publiques de 2015, dont les documents ont été supprimés lors de la refonte d’un site gouvernemental. L’institution souhaite également se positionner comme un acteur clé dans l’évaluation des politiques publiques, conformément à la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 et à la loi dite « 3DS » du 21 février 2022, qui impose aux chambres régionales des comptes de consacrer 20% de leurs ressources aux évaluations d’ici 2025. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de valoriser les évaluations existantes et de mieux orienter les futures évaluations.

->Fonction Publique Hospitalière

« Mon Espace Santé » continue son développement…

Un décret paru le 24 mai 2024 au Journal officiel (Décr. n° 2024-468 du 24 mai 2024 relatif à la mise en œuvre de l’espace numérique de santé) autorise désormais « l’utilisation de l’espace numérique de santé à des fins de prévention personnalisée des assurés sociaux ». Concrètement, les données renseignées par les professionnels de santé et les patients eux-mêmes pourront être utilisées pour envoyer à ces derniers des notifications personnalisées à des fins de prévention. Le ministère de la Santé espère ainsi agir sur la consommation de tabac et d’alcool, l’alimentation, l’activité physique ou encore la santé des français en ayant recours à des outils issus des sciences comportementales (v. Repères, août 2023). La liste des documents devant être versés par les professionnels de santé dans le dossier médical a d’ailleurs été élargie (actes de kinésithérapie, d’actes infirmiers, de pédicurie, d’orthophonie et d’orthoptie).

malgré des résultats contrastés

Ce développement de « Mon Espace Santé » intervient dans un contexte de publication, le 29 mai 2024, du rapport annuel de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale (v. La Sécurité sociale – Rapport sur l’application des LFSS, v. supra) qui pointe les limites actuelles du dispositif. La Cour reconnaît le caractère ambitieux de la démarche mais alerte sur son coût important (700 M€ de coûts directs et 2 Md€ du Ségur du numérique en Santé). Les magistrats mettent également en lumière les limites actuelles du dispositif qui devront être dépassées pour garantir le succès de la réforme : (1) assurer la sécurité des données de façon très stricte, (2) développer l’appropriation de la plateforme par les professionnels de santé (seulement 148 millions de documents ont été versés en 2023 contre 250 millions prévus) et (3) développer l’appropriation par les patients (en décembre 2023, seulement 15 % de la population avait activé son compte).

->Fonction Publique Territoriale

Les conclusions du Rapport Woerth sur la décentralisation

Très attendu, le rapport Woerth a été remis, le 30 mai 2024, au Chef de l’État dans le cadre d’une mission consacrée à la décentralisation (v. supra). Le rapport émet 51 propositions sur des champs variés allant de la clarification des compétences au renforcement de la déconcentration. Le rapport propose notamment de clarifier la répartition des compétences en spécialisant les trois échelons territoriaux (le bloc communal pour les services de proximité, le département pour les solidarités et la région pour le développement économique et la planification). Il appelle à revoir le mode de financement des collectivités pour plus de lisibilité et d’équité entre les territoires. Cela passe notamment par une mise en cohérence du financement de chaque strate et l’attribution à chaque collectivité d’un pouvoir de taux effectif. Le rapport recommande également de renforcer la démocratie locale, notamment en généralisant l’élection au scrutin de liste paritaire pour les communes et en réduisant de 20 % le nombre de conseillers municipaux. Ce renforcement démocratique passe également par le retour du cumul des mandats « député-maire » et « sénateur-maire ». Il recommande de renforcer le pouvoir règlementaire local en revoyant notamment l’article 21 de la Constitution. Le rapport recommande également de renforcer l’intercommunalité, notamment autour d’un statut juridique unique associé à une liste unique de compétences obligatoires. La Région Ile-de-France verrait ses actuels EPT remplacés par des EPCI afin de devenir, à terme, une région-métropole. Enfin, le rapport recommande d’aller plus loin dans la déconcentration et de renforcer le rôle des préfets en tant qu’interlocuteurs uniques des collectivités dans les territoires. Ces 51 propositions doivent alimenter la loi de décentralisation annoncée par le Gouvernement d’ici la fin de l’année.

Les métiers de la fonction publique territoriale menacés par l’IA

L’Institut national des études territoriales (INET) a publié une cartographie des métiers concernés par l’intelligence artificielle (« Un outil de cartographie des métiers concernés par l’intelligence artificielle dans les collectivités ». INET. Avril 2024). Les élèves de l’INET ont mené une étude dans la ville de Lyon pour estimer que 45% des postes seraient concernés par l’IA (5 % très concernés ; 15 % concernés ; 25 % peu concernés). Les métiers les plus concernés sont ceux d’agent d’accueil et d’assistant de gestion. Les filières administratives et culturelles sont également plus concernées que les autres du fait de la capacité des IA à effectuer des tâches de bureau ou de création. En ce sens, les directions générales « ressources » ou « supports » seraient les plus impactées. Le rapport de l’INET formule également quatre propositions à la ville témoin : (1) « mettre en place un plan de sensibilisation des agents aux enjeux de l’IA », (2) « anticiper les impacts de l’IA sur les métiers en développant des formations en lien avec le CNFPT », (3) « former un ou plusieurs des dirigeants des RH de la Ville grâce à la formation « Faire de l’intelligence artificielle un levier de performance RH » » et (4) « associer les partenaires sociaux aux travaux sur la question de l’IA ». Ces conclusions rejoignent celles d’autres rapports qui pointaient l’exposition très forte des métiers de la fonction publique au développement de l’IA (v. Repères, déc. 2023).

->Transitions

Des résultats décevants sur l’achat responsable des administrations

En mai 2024, la direction des achats de l’État a publié un bilan de la commande publique sur l’exercice 2022 (« L’État acheteur – Chiffres clefs », ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, mai 2024). En 2022, l’État et ses opérateurs ont dépensé 42 Md€ en commandes publiques, excluant les secteurs de la défense et de la sécurité. Parmi ces dépenses, l’État central a utilisé 22,5 Md€, et les services déconcentrés 8 Md€. Les établissements publics, quant à eux, ont dépensé 19,2 Md€. Les principaux postes de dépenses sont l’immobilier (9 Md€), les prestations et fournitures générales (5 Md€), l’informatique et la télécommunication (4 Md€), les véhicules et transports (3 Md€) et l’énergie (2 Md€). En matière d’achats durables, seulement 21,2 % des marchés supérieurs à 40 000 € incluaient une considération environnementale, bien loin des objectifs de la loi dite « Climat et Résilience » du 22 août 2021. De plus, les clauses sociales ne concernaient que 8 % des marchés, alors que l’objectif minimum était fixé à 30 %.

FISCALITÉ EUROPÉENNE ET INTERNATIONAL
->Fiscalité européenne

La Commission propose de nouvelles procédures de retenue à la source pour les investissements transfrontaliers

Le 19 juin 2023, la Commission européenne avait déposé une proposition de directive « FASTER », pour instaurer de « meilleures » procédures de retenue à la source pour stimuler les investissements transfrontaliers et contribuer à lutter contre la fraude fiscale. Elle inclut notamment un certificat de résidence fiscale numérique commun à l’ensemble des États membres de l’UE, deux procédures accélérées complétant la procédure standard de remboursement existante, la création de registres nationaux des intermédiaires financiers certifiés et d’un portail européen pour ceux-ci, ainsi qu’une standardisation des obligations déclaratives. Le 14 mai 2024, elle a été approuvée par le Conseil, seul législateur dans le cadre de la procédure législative spéciale en matière fiscale.

->Relations multilatérales

Prévisions de croissance des Institutions internationales et alerte sur la dette

Le 2 mai 2024, l’Organisation (OCDE) a publié des prévisions de croissance du PIB mondial plus optimistes à 3,1 % cette année, dans le même sens que le FMI qui, le 29 mai, a révisé à la hausse sa prévision de croissance chinoise à 5,1 %. Comme l’OCDE en début de mois qui a alerté sur les risques de dérive des comptes publics, le FMI a mis en garde la France le 23 mai en prévoyant un déficit public de 4,5 % du PIB en 2027, « nettement supérieur » aux 2,9 % prévus par le Gouvernement.

->Monnaies

La Fed ferme la porte à une baisse des taux en 2024

Face à une inflation qui n’est pas encore assez redescendue et depuis janvier, est surtout repartie à la hausse, à 2,7 % sur un an en mars, la Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé mercredi 1er mai de maintenir ses taux directeurs à leur niveau le plus haut depuis vingt ans entre 5,25 et 5,5 %. Dans un entretien, Michelle Bowman, une des gouverneures de la banque centrale américaine a d’ailleurs déclaré que ces taux ne seraient pas baissés cette année, contrairement à ce qu’envisagent la Banque d’Angleterre et la BCE.

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Aurélien BAUDU (Fiscalité et procédure fiscale – Coordination)

Fabrice BIN (Fiscalité européenne et International)

Florent GAULLIER-CAMUS (Budget de l’État et opérateurs – Comptabilité publique)

Léonard GOURBIER (Management public)

Matthieu HOUSER (Finances locales)

Aymeric POTTEAU (Finances publiques européennes)

Yves TERRASSE (Finances sociales)