Des déséquilibres accentués et des réformes différées1
Michel le Clainche
Sur fonds de dislocation de l’ordre international, 2024 a été, pour la France, l’année des Jeux Olympiques et l’année de la dissolution de l’Assemblée nationale. Les gouvernements se sont succédés : Elisabeth Borne (jusqu’au 9 janvier), Gabriel Attal (jusqu’au 5 septembre), Michel Barnier (jusqu’au 13 décembre) et François Bayrou. Dans ce contexte incertain, les finances publiques ont accentué leurs déséquilibres et, malgré de nombreux projets, aucune réforme d’ampleur n’est parvenue à son terme. On note cependant la poursuite, trop lente, du verdissement des finances publiques et l’émergence, rapide, de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les services publics.
->Budget de l’État et des opérateurs : une situation préoccupante
La dégradation de la situation budgétaire au premier semestre
La note de l’INSEE du 26 mars 2024 expose les données budgétaires de l’année 2023 : déficit public de 154,0Md€ soit 5,5% du PIB (4,8% en 2022) ; taux de prélèvements obligatoires à 43,5 % (45,2 %) ; dépenses à 57,3 % (58,8 %) ; dette : 110,6 % (111,9 %).
Dès le début de l’année, les prévisions de croissance (1 %) se sont avérées plus faibles que celles retenus pour le PLF (1,4 %).
En février, le Gouvernement ramène sa prévision de croissance à +1 % tout en maintenant sa prévision de déficit à 4,4 % pour 2024 et à 3 % pour 2027. Il procède à une annulation de crédits d’un montant inédit (10,1 Md€) par un décret du 21 février 2024. Il évoque l’éventualité d’un PLFR avant la fin de l’été.
Le rapport public annuel de la Cour des comptes publié le 12 mars 2024 est sceptique sur la trajectoire de retour aux 3 % à l’horizon 2027 et demande au gouvernement de faire preuve de sélectivité dans les dépenses et de compenser tout surcroit de dépense ou toute baisse d’impôt.
Le programme de stabilité présenté au conseil des ministres du 17 avril 2024 prévoit un déficit de -5,1 % en 2024 et maintient les objectifs de 3% pour le déficit et de 113 % pour la dette en 2027. Le Haut conseil des finances publiques considère que cette trajectoire manque de crédibilité et préconise la réduction des dépenses publiques et le réexamen des baisses prévues des prélèvements obligatoires (avis 2042/2 du 17 avril 2024).
Le 31 mai, 2024, l’Agence de notation Standard & Poor’s a dégradé la note de la France de AA à AA- assortie d’une perspective négative.
Le 19 juin 2024, la Commission européenne a recommandé d’ouvrir une procédure pour déficits excessifs vis-à-vis de sept États dont la France.
Le ministre des finances annonce le 11 juillet un nouveau gel de 10 Md€.
L’impossible adoption du budget pour 2025
Le Premier ministre démissionnaire a envoyé le 20 août les lettres plafonds aux ministères en inaugurant un nouveau concept : le budget « réversible », similaire à celui de 2024 mais adaptable par un nouveau gouvernement (492 Md€ avec 10 Md€ d’économies supplémentaires pour compenser l’inflation).
Le 25 septembre, le nouveau ministre du budget et des comptes publics, rattaché au Premier ministre, a annoncé devant la commission des finances de l’Assemblée nationale un calendrier budgétaire légèrement décalé et la parution d’une nouvelle rédaction du « tiré à part », document qui commente les plafonds de dépenses prévisionnelles. Le déficit pour 2024 lui paraît devoir dépasser les 6 % du PIB.
Le projet de loi de finances pour 2025 a été déposé avec un léger retard le 10 octobre à l’Assemblée nationale. Il s’inscrit dans une trajectoire de réduction du déficit à 5% du PIB en 2025 et sous les 3 % en 2029.Il prévoit un effort sans précédent de 60 Md€ répartis, selon le gouvernement, en 40 Md€ de réduction de dépenses et 20 Md€ de supplément de recettes. Deux contributions « ciblées, exceptionnelles et temporaires » sont prévues sur les entreprises de plus de 1Md de chiffres d’affaires et sur les ménages percevant un revenu supérieur à 500 000 €. L’hypothèse de croissance retenue pour 2025 (+1,1 %) paraît fragile au HCFP dans son avis du 8 octobre 2024.En outre, le Conseil estime ne pas pouvoir se prononcer sur les prévisions de recettes faute d’informations suffisantes. D’après ses calculs, l’effort de 60Md€ reposera à 70 % (et non 60%) sur l’augmentation des prélèvements obligatoires (30 Md€, soit un point de PIB) et 30 % (au lieu de 40 %) sur une maîtrise des dépenses (12 Md€ soit 0,4 % du PIB).
Le 19 octobre, la première partie du PLF2025 (recettes) a été rejetéepar la commission des finances de l’Assemblée nationale après avoir été largement amendée : hausse de la fiscalité́ sur les super profits et les super dividendes, renforcement de la taxe sur les rachats d’action, doublement de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises de transport maritime, réduction du périmètre du crédit impôt recherche, rejet de la hausse du malus automobile et de la hausse de la taxe sur la consommation d’électricité proposée par le Gouvernement. Au cours de l’examen en séance publique, les députés ont complètement dénaturé le projet gouvernemental : rejet de la taxe sur les grandes entreprises, considérablement alourdie au cours des débats, rejet l’alourdissement du malus automobile et des taxes sur l’électricité ; inversement, création d’un impôt sur le patrimoine des milliardaires et d’une taxe exceptionnelle sur les dividendes des entreprises du CAC 40, pérennisation de la contribution exceptionnelle des entreprises de fret maritime et plafonnement à 500 M€ de la niche fiscale dont elles bénéficient. Le déficit prévisionnel est ainsi passé de 142 Md€ à 85 Md€ ; notamment grâce à 34 Md€ d’impôts supplémentaires et à la suppression du prélèvement sur recettes au bénéfice de l’Union européenne.
Au cours des débats budgétaires, le Premier ministre, Michel Barnier, a fait diverses concessions : allègement des hausses de taxes sur l’électricité, maintien d’une partie des allègements de cotisations sur les bas salaires, retour à l’indexation des petites retraites, adaptation de l’effort demandé aux collectivités territoriales.
Cette première partie du projet de loi de finances amendé a été rejetée par l’Assemblée nationale, le 22 novembre 2024 et le PLF a été transmis au Sénat qui , après avoir lui aussi fait preuve de créativité fiscale(création d’un impôt sur la fortune improductive, doublement de l’exit tax, augmentation du taux du prélèvement forfaitaire unique, augmentation des accises sur le gaz…) a voté une version transactionnelle plus proche du projet gouvernemental.
Le débat budgétaire a été interrompu par la motion de censure votée le 4 décembre 2024. Diverses personnalités ayant agité la menace d’un « shutdown » à la française, le gouvernement démissionnaire a présenté au conseil des ministres du 11 décembre un projet de loi de finances spéciale, prévu par les articles 47, al.4 de la Constitution et 45 de la L0LF, pour assurer la continuité de la vie nationale et le fonctionnement régulier des services publics après le 1 er janvier, en attendant la promulgation d’une loi de finances et d’une loi de financement de la sécurité sociale. La loi spéciale autorise le gouvernement à prélever les impôts existants et à lever des emprunts par le truchement de l’Agence France trésor et de l’Acoss. Le Conseil d’État avait estimé inutile d’autoriser expressément les prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales et a estimé constitutionnellement impossible une modification du barème de l’impôt sur le revenu. Les parlementaires ont cependant introduit le tableau des prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales dans la loi définitivement adoptée (Loi spéciale n°2024-1188 du 20 décembre 2024). Les dépenses pourront être autorisées par décrets dans la limite des services votés par missions.
Juste avant son départ de Matignon, Michel Barnier a adressé le 12 décembre aux ministres une circulaire appelant à la mise en œuvre d’une régulation budgétaire renforcée et à une mise en réserve des engagements et des crédits de paiement. Les dépenses devront être limitées à ce qui est nécessaire à la continuité des services publics à l’exclusion de dépenses nouvelles (investissements non commencés ou urgents, recrutements non indispensables, dotations et subventions non obligatoires).
Par ailleurs, le projet de loi de fin de gestion et d’approbation des comptes de 2024 a été présenté au conseil des ministres du 6 novembre 2024. La loi n° 20234-1167 du 6 décembre 2024 de fin de gestion a été votée et publiée au JO du 7 décembre 2024.Elle enregistre une croissance de 1,1%, un déficit de 6,1 % (161,2 Md€) et un taux d’endettement de 109,7 %. Elle annule 5 Md€ de crédits gelés et ouvre 4,2 Md€ pour couvrir les dépenses de sécurité des jeux olympiques, les crédits pour la Nouvelle-Calédonie, diverses opérations militaires à l’étranger et le coût des élections législatives anticipées.
L’année 2024 s’achève donc sans budget de l’État, ni budget de la sécurité sociale pour 2025, évènements-dont le seul précédent sous la Ve République a eu lieu en 1979 du fait de l’annulation de la loi de finances par le Conseil constitutionnel.
La dette de l’État et la dégradation de la note de la France sur les marchés
Le 31 mai 2024, l’agence Standard & Poors a dégradé la note de la France de Aa à Aa- avec une perspective stable, s’alignant ainsi sur les deux autres principales agences.
En octobre 2024, les agences de notation, Moodys et Fitch ont maintenu les notes Aa2 et AA- de la France mais avec une perspective « négative » au lieu de « stable ».
Le 29 novembre, Standard & Poors maintient la note de la France AA- et sa perspective stable.
Le 13 décembre 2024, l’agence Moodys dégrade la note de la France à Aa3 avec une perspective stable.
Selon une note de l’INSEE publiée le 20 décembre, à la fin du troisième trimestre 2024, la dette publique atteignait 3.303Md€, soit 113,7 % du PIB. Elle devrait inéluctablement continuer sa progression, le pic ne pouvant être atteint qu’en 2017 à 116,5 % du PIB. Pour 2025, l’Agence France Trésor annonce un programme d’émission de 300Md€.
Des doutes sur la sincérité des évaluations du Gouvernement
La mission d’information de la commission des finances du Sénat sur la dégradation des finances publiques en 2023, lancée le 27mars 2024, a auditionnée les ministres le 30 mai et rendu son rapport (n° 685) le 12 juin 2024. Il dénonce : « la procrastination coupable d’un gouvernement qui ne tient pas compte des alertes de son administration », confirme les soupçons d’insincérité budgétaire et formule 15 recommandations pour améliorer l’information du Parlement.
Le 15 juillet 2024 la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques demande des prévisions plus réalistes et des réformes crédibles.
Le 14 novembre, les ministres chargés des finances et des comptes publics ont annoncé, dans un communiqué, un plan d’action pour améliorer le pilotage des finances publiques et la qualité des prévisions budgétaires. Il sera éclairé par les avis d’un comité scientifique composé d’experts indépendants.
La Commission des finances du Sénat a rendu public, le 19 novembre 2024, son deuxième rapport sur la dégradation des finances publiques en 2023 et 2024 (n° 153, JF Husson). Il est encore plus sévère que le premier. Ce document explique minutieusement la dégradation du déficit public prévu pour 2024, de 3,7% dans la loi de programmation des finances publiques adoptées le 18 décembre 2023 à 6,9 % « si rien n’est fait » soit un écart de 100 Mds€.
Les rapporteurs considèrent que le Gouvernement aurait dû présenter une loi de finances rectificative au premier semestre 2024.Le Gouvernement a préféré prendre le décret d’annulation du 21 février 2024 « hors norme » (10 Mds€ de crédits) tout en maintenant une prévision de déficit à 4,4 %, puis à 5,1 % en avril.10 milliards supplémentaires ont été gelés en juillet. Selon les rapporteurs, le Gouvernement a ainsi fait « un calcul à courte vue » et « le choix d’éviter le Parlement » puis a laissé filer le déficit à un niveau qualifié « d’abyssal et historique ».
Les ministres des finances et des comptes publics ont reconnu des erreurs techniques de prévision mais ont vivement contesté les analyses de la commission sur l’ampleur des dérapages et sur la stratégie budgétaire du gouvernement. Bruno Le Maire a également défendu vigoureusement son action le 12 décembre 2024 lors des auditions de la Commission des finances de l’Assemblée nationale sur l’enquête sur les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires pour les années 2023 et 2024 dont les travaux ne sont pas achevés.
Comment améliorer la préparation et le suivi du budget de l’État ?
La Cour des comptes dans un rapport d’observations définitives du 27 février 2024, recommande un « réarmement de la procédure budgétaire », notamment en rendant les lettres de cadrage plus prescriptives, en mettant en cohérence annuellement les objectifs pluriannuels de différents documents budgétaires, en donnant la priorité à l’arbitrage des mesures nouvelles et des économies, en allégeant les charges annexes de la direction du budget.
Le financement du changement climatique
La Cour des comptes consacre une partie de son rapport du 15 juillet 2024 au financement du changement climatique. Alors que les recettes assises sur l’énergie vont diminuer, que la croissance pourrait fléchir durablement du fait de la transition écologique et du réchauffement, le surcroit d’investissements nécessaires est estimé à 60 M€ par an en 2030. Ces trois facteurs auraient un impact de 7 points de PIB sur le ratio de dette publique en 2030.
Vers une réforme de la politique immobilière de l’État
Le 1er mars 2024, le ministre délégué aux comptes publics lance les travaux de création d’une société foncière de l’État, société à 100% de capitaux publics chargée de gérer de manière autonome et professionnelle le patrimoine immobilier de l’État qui couvre 96 millions de m2, répartis en 194.456 immeubles, d’une valeur nette estimée à 73 Md€. La société serait l’unique propriétaire auprès duquel les ministères loueraient leurs locaux.
Le Gouvernement a présenté en avril le bilan de la politique immobilière de l’État en 2023 :645 biens ont été vendus, d’une valeur de 280M€. Cette politique a été critiquée pour son manque de professionnalisme par un rapport de la Cour des comptes publié le 7 décembre 2023 et par un rapport n° 559 des députés François Jolivet et Kévin Mauvieux, présenté le 14 novembre 2024, qui suggère d’améliorer la connaissance du patrimoine et la gouvernance de la politique immobilière de l’État. Les rapporteurs recommandent une stratégie plus explicite, une séparation entre la direction de l’immobilier de l’État et les Domaines et la création d’une société foncière publique en mesure d’organiser une gestion plus professionnelle du patrimoine immobilier public. Celle-ci était prévue dans le projet de PLF pour 2025.
Un budget vert de l’État décevant
(v. infra management public)
->Comptabilité publique : l’ébauche d’une jurisprudence sur la RGP
La mise en place de la responsabilité des gestionnaires publics
La chambre du contentieux de la Cour des comptes et la Cour d’appel financière rendent leurs premiers arrêts qui précisent le régime de responsabilité des gestionnaires publics organisé par l’ordonnance du 23 mars 2022 : CAF 12 janvier 2024, Alpexpo :préjudice financier non significatif ; CC 3 mai 2024 : Département de la Haute-Saône : responsabilité d’un élu local ; CC 3 mai 2024 : Département de l’Eure : responsabilité d’un ordonnateur délégué et d’un adjoint au comptable public ; CC 3mai 2024 :Chambre régionale d’agriculture de Bretagne : diverses questions de procédure ;CC 21 juin 2024 France Médias Monde : méconnaissance des règles du contrôle financier et engagement de dépenses sans habilitation ; CC 24 juin 2024 Régie Gazelec de Péronne :signature de convention sans habilitation, défaut de production des comptes ; CC 2 juillet 2024 Office de tourisme de Strasbourg et de sa région : engagement de dépenses sans habilitation ; CC 5 juillet2024, Régie métropolitaine Parcub devenu Metpark : engagement de dépenses sans habilitation, préjudice financier significatif ; CC 23 juillet 2024, Société anonyme d’économie mixte pour la gestion et l’animation du parc de loisirs de Saint-Cyr : fautes graves de gestion ayant entraîné un préjudice financier significatif, circonstances atténuantes ; CC 7 octobre 2024,Commune de Sainte-Eulalie en Born (Landes) :faute de gestion d’une secrétaire de mairie ayant entraîné un préjudice significatif ; CC 1° octobre 2024, Commune de Felleries (Nord) : gestion de fait ; CC 14 novembre 2024, Commune de Bantzenheim(Haut-Rhin) :avantage injustifié ; CC 16 décembre 2024, Commune de Richwiller (Haut-Rhin) :prime irrégulière, avantage personnel injustifié ; CC 19 décembre 2024, Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement (AgroParisTech) et Direction nationale d’interventions domaniales (DNID) – Vente du mobilier du château de Grignon : réquisitoire d’initiative du parquet, faute grave de gestion, préjudice significatif ; CC 23 décembre 2024, Société anonyme d’économie mixte (SAEM) Marseille Habitat et Société civile immobilière (SCI) Protis Développement faute grave de gestion, absence de préjudice (1), circonstances atténuantes (2).
Pour l’analyse détaillée de cette jurisprudence, on pourra se référer aux chroniques tenues par le professeur Xavier Vandendriessche publiées dans les numéros 2023-1, 2024-2, 2024-3 et 2024-6, et aux analyses et colloques divers consacrés à cette question, qui fait l’objet d’un suivi particulier par la revue (numéros 2023-4 , 2024-1, 2024-3, 2024-6 et 2025-1 à paraître).
Qualité des comptes de l’État : peut mieux faire
Dans un référé S024-1283 publié le 12 décembre 2024, la Cour des comptes fait le bilan des constations effectuées à l’occasion de la certification des comptes de l’État. Elle note des progrès mais aussi des lacunes persistantes. Elle recommande un renforcement des moyens de la DGFiP, une meilleure coordination pour le suivi des plans ministériels, une communication financière de l’État plus complète, une meilleure utilisation de la comptabilité générale de l’État.
Le rapport Ravignon critique le principe de séparation
Le rapport du député Boris Ravignon remis le 29 mai 2024 (v. infra Finances locales) suggère une réforme du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables. Ce principe génèrerait un coût de 1,8 Md€ ; ses inconvénients pourraient être corrigés selon trois options : contrôle a posteriori de la dépense, agence comptable, autonomie financière et comptable des collectivités.
->Finances locales : rien de neuf
Une situation satisfaisante malgré la hausse des dépenses
Les différentes études sur l’état des finances locales convergent. La Cour des comptes dans son rapport sur la situation des finances locales du 22 juillet 2024 constate l’évolution favorable des recettes ( à l’exception des DMTO qui bénéficient aux départements) .Toutefois, le dynamisme des dépenses inquiète aussi bien la Cour dans son rapport de juillet sur la situation et les perspectives des finances publiques que la DGCL qui estime l’augmentation des dépenses de fonctionnement en 2023 à +4,9 % pour les communes ; +7,7 % pour les EPCI ; +6,4 % pour les départements ; +4,9 % pour les régions.
La note de conjoncture de la Banque Postale de septembre 2024 est moins optimiste en raison de la baisse de l’autofinancement (-8,7 %) due à un dynamisme plus fort des dépenses (+4,4 %) que des recettes (+2,3 %).Cependant, les dépenses d’investissement se maintiennent à un rythme élevé (+7 %).
Le cap sur les finances des communes et des intercommunalités en 2023 publié en novembre confirme le dynamisme des recettes et la hausse des dépenses du bloc communal
Une contribution imposée à la maîtrise des dépenses publiques
Le ministre des finances ayant pointé un décalage de 16 Md€ entre les prévisions de la loi de programmation des finances publiques et les dépenses effectives des collectivités, les associations d’élus ont vivement réagi, dans un communiqué du 3 septembre 2024 attribuant principalement l’augmentation des dépenses à des décisions unilatérales de l’État ou à des circonstances imposées :revalorisation du point d’indice, augmentation des coûts de l’énergie et des achats.
Le projet de loi de finances pour 2025, en l’absence de mécanismes contraignants, prévoit une réduction des recettes des collectivités locales de l’ordre de 5 Md€ : création d’un fonds de précaution, gel des transferts de TVA, baisse du FCTVA, réduction du fonds vert…Les associations d’élus ont vivement protesté, voir par exemple un communiqué du 20 novembre 2024, et le Premier ministre a promis une « adaptation » de ce dispositif, notamment pour les départements.
Le verdissement des finances locales
v. infra management public
Des rapports
Un rapport de l’inspection générale des finances, d’octobre 2003 et publié en avril 2024,préconise diverses mesures pour améliorer l’investissement des collectivités locales. Celui-ci représente 54 Md€ en 2022 avec un co-financement de l’État de 9,8 Md€. Les collectivités devront faire face prochainement au renouvellement de leur réseau d’équipement et à la transition écologique dont les besoins sont estimés à 20 Md€ par an.
Le rapport d’Eric Woerth « Décentralisation : le temps de la confiance », remis le 30 mai 2024 sur la décentralisation propose une réforme des finances locales :consécration du principe du partage de la fiscalité nationale, recherche d’une meilleure efficacité des politiques publiques locales, réforme de la DGF et des critères de péréquation, nouveau panier de ressources en correspondance avec les attributions : l’imposition du foncier au bloc communal avec l’affectation des DMTO aux EPCI ; des taxes sociales avec pouvoir de taux aux départements, notamment la contribution de solidarité- autonomie et sa contribution annexe ; des impôts économiques aux régions (part de l’impôt sur les sociétés, une moitié de la contribution foncière des entreprises).
Le rapport, publié en mai 2024, du Député Boris Ravignon sur le coût du millefeuille administratif évalue le coût des normeset de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités à 6Md€ pour les collectivités et 1,5 Md€ pour l’État.
Le rapport de la Cour des comptes sur la DGF publié le 9 octobre 2024 porte sur la réforme de la DGF qui représente 27,2 Md€ en 2024. Parmi les nombreuses recommandations d’adaptation : utiliser des critères plus dynamiques, intégrer des fractions d’impôts nationaux dans le potentiel fiscal, verser la DGF aux intercommunalités pour leur compte et pour celui des communes. La Cour suggère aussi une réforme plus systémique reposant sur deux composantes (forfaitaires et de péréquation) fondées sur des critères contemporains (ressources, population, charges, centralité…).
->Finances sociales : dérive des comptes, paralysie des réformes
La dégradation des comptes
En janvier, le Haut conseil pour le financement de la protection sociale constate un redressement des comptes en 2023 mais annonce une dégradation pour 2024. Lerapport public de la Cour des comptes, publié le 12 mars 2024, donne l’alarme sur les déficits massifs de la sécurité sociale et demande que « des mesures soient prises pour ramener les comptes à l’équilibre à l’horizon 2027 ». L’INSEE dans une note du 26 mars 2024,constate que les administrations de sécurité sociale ont été en 2023 excédentaire de 12,9Md€ mais ce résultat est principalement dû à la bonne tenue des régimes de retraite complémentaire, du régime de l’assurance-chômage et du mode de comptabilisation des opérations de la CADES. En revanche, les déficits du régime général et du FSV (RG+FSV) se creusent. Toutefois, le gouvernement, dans le programme de stabilité présenté au conseil des ministres du 17 avril 2024, continue de prévoir une capacité positive de financement des administrations de sécurité sociale en 2027. Le Haut conseil des finances publiques a critiqué le manque de crédibilité de ces prévisions.
Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, publié en mai 2024, évalue le déficit des régimes obligatoires de base (régime général et fond de solidarité vieillesse) à 10,8 Md€ en 2023 ; pour 2024, il est estimé à 13,8 Md€ essentiellement imputable à la branche maladie. La Commission attire aussi l’attention sur la situation critique du régime de retraites des agents des collectivités locales.
Dans son rapport sur l’exécution des lois de financement de la sécurité sociale du 29 mai 2024, la Cour des comptes évoque « la perte de maîtrise des comptes sociaux » et la « dégradation continue de la trajectoire financière jusqu’en 2027 » imputables aux dépenses de santé et d’assurance-vieillesse. Elle recommande des réformes structurelles : suppression des exonérations de cotisation sur les compléments de salaires, durcissement du régime des arrêts de travail, économies sur la gestion des hôpitaux.
Dans son rapport sur les perspectives et la situation des finances publiques du 15 juillet 2024, la Cour des comptes s’inquiète à nouveau des dérapages de l’assurance-maladie et considère que les efforts d’économie annoncés (-3,5Md€ pour limiter la croissance de l’ONDAM à 3,2%) sont difficilement atteignables.
Dans son rapport d’octobre, la Commission des comptes de la sécurité sociale constate une accélération des dérapages : RoB+FSV -18,5 Md€ pour 2024 et -28,6 Md€ pour 2025.
Dans une communication aux assemblées parlementaires du 6 novembre 2024, la Cour confirme la gravité de la situation et le risque d’une poursuite de la dégradation : d’ici à 2028, le déficit annuel atteindrait 19,9Md€ et la dette sociale 100 Md€.
L’impossible élaboration du PLFSS 2025
Le PLFSS pour 2025 a été présenté au conseil des ministres du 10 octobre. Le déficit pour 2024 est estimé à -18 Md€, et celui prévu pour 2025 à -16 Md€ compte tenu des mesures très volontaristes contenues dans le PLFSS : décalage de l’indexation des pensions (3,6Md€), augmentation de 4 points des cotisations à la CNRACL, progression de l’Ondam limitée à 2,8 %, (3,8 Md€), reprofilage des exonérations de cotisations sociales au-dessous de 1,3 SMIC, (4 Md€), suppression de niches sociales (0,7 Md€), réforme de l’assurance-chômage (0,4 Md€).
Le 6 novembre, l’Assemblée nationale a été dessaisie du projet à l’expiration du délai constitutionnel de 20 jours. Le Sénat a largement amendé le projet du Gouvernement (actualisation des pensions, atténuation de la réduction des allègements de charge, augmentation du ticket modérateur)et a adopté le PLFSS le 26 novembre dont le déficit (RBO +FSV passe de 16 à 18,3Md€ .Un accord a été trouvé entre les deux assemblées en commission mixte paritaire le 29 novembre 2024.
Lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a fait usage de l’article 49, al.3 de la Constitution en engageant la responsabilité de son gouvernement. La motion de censure déposée a été votée le 4 décembre 2024. Le PLFSS n’a donc pas été adopté. La loi spéciale du 20 décembre 2024 (v.supra) autorise l’Acoss à emprunter sur les marchés financiers.
Les mesures d’économies prévues dans le PLF (sous-indexation des retraites (1,4 Md€), augmentation des cotisations à la CNRACL (2,3 Md€), modulation des exonérations de cotisations sur les bas salaires (4 Md€), augmentation du ticket modérateur, réduction des aides à l’apprentissage, rétablissement des jours de carence pour les fonctionnaires, n’entreront donc pas en vigueur au 1er janvier. Le déficit prévisionnel des régimes obligatoires de base s’établirait à -28Md€, sous réserve des dispositions d’une LFSS ultérieure.
La gestion de la dette sociale
La dette (brute) des administrations de Sécurité sociale au sens de Maastricht s’est établie en 2023 à 264 Md€ et elle est portée à hauteur de 153 Md€ par la CADES, de 59 Md€ par l’UNEDIC, ainsi que par l’ACOSS.
Un rapport des députés Stéphanie Rist et Hadrien Clouet, présenté le 2 octobre 2024, analyse la progression prévisible de la dette sociale qui conduira l’Acoss à porter une dette de 70 à 90 Md€ en 2027 et devra conduire à de nouveaux transferts à la Cades et à une nouvelle prolongation de celle-ci (actuellement limitée au 31 décembre 2033 par la loi organique du 7 août 2020).
A la fin de l ’année 2024, la CADES a bouclé son programme de 18 Md€ d’emprunts à moyen terme. Depuis sa création, elle a repris 396Md€ de dettes et en a amorti 258 Md€.
La croissance des dépenses de santé
Dans sa publication des comptes de la santé, le 24 novembre 2024, la DREES évalue celles-ci à 325 Md€ en 2023,soit 11,5 % du PIB , en progression de 3,5 %. Elles sont constituées à 38 % par les dépenses hospitalières, 22 % par les soins de ville et 17% par le poste « biens médicaux, médicaments, matériels ». Elles sont financées à 80 % par la sécurité sociale,12,4 % par les complémentaires santé et 7,5 % par mes ménages.
Comment limiter les dépenses sociales ?
Des revues de dépenses effectuées par les inspections générales des finances et des affaires sociales présentées le 4 septembre 2024 ont ouvert des pistes d’économies. Le coût de la prise en charge des affections de longue durée qui bénéficie à 13,7 millions de personnes (123 Md€ dont un surcoût de 12,3 Md€) pourrait être atténué par une augmentation du ticket modérateur, par l’introduction de deux niveaux de reconnaissance ou par un recentrage sur quatre affections principales. Les dépenses relatives aux dispositifs médicaux pourraient être contenues par une participation plus forte demandés aux usagers, par un effort des fournisseurs et par un meilleur contrôle des prescriptions. Les dépenses relatives à l’apprentissage et à la formation professionnelle qui ont augmenté de 51% depuis 2022 pourraient être réduites par un recentrage sur la suppression des aides pour l’enseignement supérieur, par une plus grande participation des entreprises et des ménages et par un meilleur contrôle. Enfin, les dépenses de soutien à l’emploi et d’accompagnement des chômeurs, hors allègements de charges, pourraient être diminuées , notamment le financement de France Travail et de l’insertion par l’économique.
La réforme de l’assurance-chômage sans cesse reportée puis adoptée
Le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 30 janvier 2024, dans un entretien à TF1 du 26 mars 2024 et dans La Tribune du 26 mai annonce une nouvelle réforme de l’assurance -chômage (après celles de 2021 et de 2023) alors qu’en février l’UNEDIC confirme son redressement financier atténué par les prélèvements au profit de « France Travail » et de « France compétences ». Il envisage une nouvelle réduction de la durée d’indemnisation et un renforcement des règles d’éligibilité qui devraient entraîner une économie de 3,6Md€ à l’horizon de trois ans pour l’Unedic. Après de nouvelles prévisions financières de l’Unedic le 11 juin 2024 qui annoncent des excédents, le gouvernement annonce fin juin qu’il renonce à son projet. En juillet, les dispositions en vigueur sont prolongées jusqu’au 31 octobre. En octobre, le gouvernement demande aux organisations représentatives de reprendre la négociation en se déclarant favorable aux retraites progressives et en ne demandant que 400M€ d’économie. L’accord des organisations représentatives du 14 novembre 2024 sur l’indemnisation du chômage et l’emploi des seniors ( diminution de la cotisation patronale, réduction de la durée d’indemnisation, limitation de l’indemnisation de certains travailleurs frontaliers, relèvement de deux ans des bornes pour une indemnisation longue, retraite progressive à partir de 60 ans, contrat de valorisation de l’expérience) a été approuvé par un arrêté du 19 décembre 2024.à l’exception des dispositions relatives aux travailleurs frontaliers contraires aux règles européennes.
Vers une nouvelle réforme des retraites ?
Le comité d’orientation des retraites, après avoir révisé les paramètres et la présentation de ses prévisions en avril 2024, a remis son rapport annuel le 11 juin 2024 qui prend en compte les effets de la réforme de 2023. Le solde des régimes de retraites serait excédentaire en 2023 (+3,8 Md€) mais un déficit interviendrait dès 2024 (-5,8 Md€) et se poursuivrait (-14 Md€ en 2030). De nouvelles mesures devraient être mobilisées pour rétablir l’équilibre financier :recul de l’âge légal de départ, réduction du niveau moyen des pensions, augmentation des cotisations. Dans les débats en vue des élections législatives de juin, le Rassemblement national et le Nouveau front populaire se sont prononcés pour l’abrogation de la réforme de 2023.
En juillet 2024, le Comité de suivi des retraites a exploré diverses voies d’ajustement. Après avoir écarté l’hypothèse d’un relèvement des cotisations, il présente favorablement l’idée d’un rapport stable entre âge de départ et espérance de vie ainsi que le principe de la fixation d’une norme d’indexation.
En octobre 2024, la CNAV a chiffré le coût de l’abrogation des deux mesures paramétriques de la réforme de 2023 (recul de l’âge de départ à 64 ans et augmentation de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein) à 3,4 Md€ en 2025 et 16 Md€ en 2032, ce qui porterait le déficit de l’assurance vieillesses à 32 Md€ dans huit ans.
Dans sa déclaration de politique générale du 1er octobre 2024, Michel Barnier a ouvert la porte à une négociation sur des aménagements limités à la réforme des retraites.
Le 28 novembre 2024, la proposition de loi tendant à l’abrogation de la réforme des retraites présentée par le groupe LFI n’a pu aboutir en raison de l’abondance des amendements présentés par le centre et la droite.
Lors des discussions qui ont suivies sa nomination et avant sa déclaration de politique générale, François Bayrou, le nouveau Premier ministre ,semble avoir entrouvert la voie à une adaptation et peut-être à une suspension ou un gel de la réforme qui fixe actuellement l’âge de départ à taux plein à 62 ans et demi.
La politique d’allègement du coût du travail en question
Les économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer ont présenté le 25 avril 2024 un rapport intermédiaire sur la pertinence de la politique d’exonération de charges sociales sur les bas salaires mises en place depuis 1990 et d’un coût de 82 Md€ en 2022 et de 76 Md€ en 2023.Leur effet est plutôt positif sur l’emploi pour les bas salaires mais ont un effet négatif de « trappe à bas salaires ». Elles sont peu efficaces pour les salaires plus élevés. Le Premier ministre Gabriel Attal s’est donné pour objectif la « désmicardisation ». Le rapport définitif, remis le 3 octobre, recommande, à coûts constants, une réduction de 4 points des allègements au niveau du SMIC, une suppression pour les salaires supérieurs à 2,5 SMIC et une légère augmentation pour les rémunérations intermédiaires.
Un document de travail du Haut conseil du financement de la protection sociale de juillet 2024 sur les freins à la progression salariale documente l’effet négatif du « coin fiscal » sur la progression des bas salaires : l’écart entre le coût pour l’employeur et le salaire effectivement perçu par le salarié est de 15 % au niveau du smic et de 53 % à 3 smic.
Une étude de la DREESS parue en octobre étudie en détail cette problématique du « coin fiscal » : pour augmenter le revenu disponible de 100 €, le coût pour l’employeur (salaire +charges) est de 442 €.
Une note du Haut conseil des rémunérations, de l’emploi et de la productivité du 17 décembre 2024 approuve les analyses du rapport Bozio-Wasmer en attirant l’attention sur l’impact sur des réformes envisagées sur l’emploi et sur la nécessité de prendre en compte la prime d’activité dans l’étude.
L’expérimentation de la solidarité à la source et des contreparties au RSA
En juillet, l’expérimentation de procédures allégées pour bénéficier du RSA et de la prime d’activité ont été lancées dans 5 départements. Elle vise à réduire les fraudes, les non-recours et les versements indus.
L’expérimentation du RSA, conditionné par l’engagement du bénéficiaire d’effectuer 15 heures par semaine d’activités concourant à sa reprise d’emploi, a été prévue par une loi du 18 décembre 2023 et lancée dans 17, puis dans une trentaine de départements. Sa généralisation est prévue pour 2025.
L’aggravation de la pauvreté et des inégalités
Parmi d’autres, le rapport du Secours catholique « Quand la solidarité s’éloigne », du 14 novembre 2024, l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’effectivité des droits sociaux, présenté le 27 novembre 2024 et le rapport bisannuel de l’Observatoire des inégalités, publié le 3 décembre 2024 ,constatent une montée lente de la pauvreté et demandent un desserrement des critères d’aide, une politique de lutte contre les non-recours, le développement d’une assistance de proximité et des alternatives aux procédures numériques.
L’intensification de la lutte contre les fraudes
Le ministre chargé des comptes publics a présenté le13 mars 2024 un bilan de la fraude aux prestations sociales : en 2023, le montant détecté et redressé s’est élevé à 1,050 Md€. Le Premier ministre a présenté le 20 mars le bilan du plan de lutte contre les fraudes fiscales, sociales et douanières et a annoncé un renforcement des moyens des URSSAF et un meilleur ciblage des contrôles. Il a fixé un objectif de détection de 2,4 Md€ entre 2024 et 2027 en ciblant notamment les surfacturations et les dérives des centres de santé.
Le rapport du Haut conseil pour le financement de la protection sociale, présenté le 25 septembre 2024, dresse un tableau complet des fraudes sociales. Elles sont estimées à 13 Md€ dont 2,1 Md€ sont détectées et redressées et seulement, et 0,6 Md€ recouvrés. Les droits éludés concernent, dans l’ordre, les cotisations, puis les prestations sous condition de ressources (RSA et prime d’activité) et, enfin, les fraudes des professions de santé. Classés par prescripteurs, la majorité des actes délictueux proviennent des entreprises et des travailleurs indépendants (56%), suivis des ménages (34 %) et, des professionnels de santé (10 %).
->Fiscalité et procédures fiscales : le « carnaval fiscal »
Les rentrées fiscales en déclin
Le conseil des ministres du 24 janvier 2024 a constaté la baisse du rythme d’encaissement des recettes fiscales (impôt sur le revenu, TVA, impôt sur les sociétés et DMTO) tout en maintenant sa prévision de déficit à -4,9 % pour 2023 et-4,4 % pour 2024.
En mars, le rapport public de la Cour des comptes constate une réduction inédite des recettes fiscales en 2023 due tant aux baisses d’impôts (dernière étape de la suppression de la TH, diminution de la CVAE) qu’à la conjoncture (ralentissement de la croissance et baisse de l’inflation) et dénonce la précarité de la trajectoire de prévision de recettes pour 2024.
Le 15 juillet 2024, la Cour des comptes, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, analyse très précisément l’évolution des prélèvements obligatoires 2023 qui n’augmentent que de 2 % (31 Md€) alors que le PIB progresse de 6,3 %.
L’évolution spontanée (à législation inchangée) est plus faible notamment en raison d’une baisse de l’élasticité des recettes (0,4) : la TVA n’augmente que de 3% en raison d’importantes demandes de remboursement, les droits de mutation à titre onéreux chutent de 22 %, la TICPE diminue de 2,4% en raison d’une baisse de la consommation de carburants, l ’impôt sur le revenu, dont l’actualisation sur l’inflation coûte 6,2 Md€ en 2023, n’augmente que de 1,2 %, le rendement de l’impôt sur les sociétés baisse de 15,9 % en raison d’une baisse des résultats effectifs et anticipés des entreprises. Seuls, les taxes foncières (+5,1 %) et les droits de mutation à titre gratuit (+14,1 %) connaissent une forte augmentation spontanée.
S’y ajoute l’effet des baisses d’impôt (10,3 Md€ en 2023) : fin de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (2,5 Md€),suppression partielle de la CVAE(4,2Md€).
Dans son avis du 6 novembre 2024, n° 2024-05, le Haut conseil des finances publiques évalue à 41,5Md€ le décalage entre les recettes fis cales inscrites dans le PLF pour 2024 et le projet de loi de finances de fin de gestion 2024 (1 250,7 Md€ au lieu de 1 292,2 €).La moitié de ce décalage provient du point de départ dû à la situation dégradée de 2023 et le reste (18,9 Md€) à des moins – values propres à 2024.
Dans un rapport publié le 23 décembre 2024, la Cour des comptes note que les écarts entre prévisions et réalisations sont concentrés sur l’impôt sur les sociétés, les « autres recettes fiscales » et, en raison de leur volume, la TVA et l’impôt sur le revenu. Trois causes contribuent à ces écarts : des erreurs d’estimation de l’année N-1, une incompréhension de certaines évolutions spontanées de la base (élasticité), notamment pour l’IS et la non-prise en compte de mesures nouvelles (exemple de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité).
Le concours Lépine
Dès le premier trimestre, un débat s’amorce sur les moyens de la maîtrise des déficits publics, soit par la réduction des dépenses publiques, soit par un réexamen des allègements des prélèvements obligatoires déjà décidés ou par une hausse de la fiscalité. En mars, l’économiste Camille Landais, président délégué de CAE, le Gouverneur de la Banque de France et le Haut conseil des finances publiques émettent des positions divergentes. Fin avril, le débat à l’Assemblée nationale sur le programme de stabilité inaugure une vague de propositions pour augmenter les recettes fiscales. En mai, le président de la commission des finances de l’Assemblée national propose d’organiser des « dialogues sur la fiscalité » autour de ses propositions tendant à générer 40Md€ de recettes supplémentaires. Parmi les idées évoquées : gel partiel du barème de l’impôt sur le revenu, alourdissement de la contribution sur la rente infra marginale des producteurs d’électricité (CRIM) qui, en 2023, a rapporté 0,3Md€ au lieu des 12,3 Md€ attendus, réduction du crédit impôt-recherche, taxation des rachats d’action.
En juin 2024, les programmes des partis politiques regroupés en trois blocs ont été largement exposés et chiffrés.
Pour le Rassemblement national :renforcement du quotient familial, exonération d’impôt sur le revenu des jeunes actifs de moins de 30 ans, baisse des taux de TVA sur les produits pétroliers, le gaz et l’électricité et sur certains produits de première nécessité, baisse des impôts de production(CVAE et C3S).Le Nouveau Front populaire propose d’augmenter le prélèvement fiscal unique et l’exit tax, d’augmenter fortement la progressivité de l’IR et de rendre la CSG progressive, de taxer les super-profits et d’augmenter la taxe sur les transactions financières. Le bloc Ensemble majorité présidentielle soutient la stabilité fiscale et ne propose que la suppression des DMTO pour les primo-accédants les plus jeunes et l’augmentation des abattements aux droits de succession, sujet sur lequel la Cour des comptes a rendu public le 3 septembre un rapport tendant à améliorer l’équité du dispositif à rendement constant.
Une note du Conseil d’analyse économique ( Quelle trajectoire pour les finances publiques françaises ? Auclert, Philippon, Ragot) du 24 juillet 2024 énumère diverses mesures, notamment : la suppression des exonérations de cotisations sociales au-dessus de 2,5 SMIC, la réduction du crédit d’impôt-recherche pour les grandes entreprises (2,5 Md€), la suppression du dispositif d’exonération sur les droits de succession (9 Md€), la désindexation du barème de l’impôt sur le revenu, des retraites et du point d’indice de la fonction publique (20Md€).
Dans le cadre des revues de dépenses, l’inspection générale des finances a remis le 4 septembre 2024, son rapport sur les aides aux entreprises dans lequel de nombreux gisements d’économies sont identifiés : les taux minorés de TVA (7 Md€), les tarifs préférentiels sur les carburants et bio-carburants (1 Md€), le périmètre du crédit-impôt recherche (420m€), l’avantage du pacte Dutreil.
Rompant avec la pratique macroniste de stabilité fiscale, Michel Barnier a annoncé dans sa déclaration de politique générale le 1er octobre 2024 « un effort ciblé, limité dans le temps et partagé dans une exigence de justice fiscale » qui serait supporté par les très grandes entreprises et les contribuables les plus fortunés.
Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1Md€, le projet de loi de finances prévoit une contribution exceptionnelle sur le bénéfice au taux de 20,6 % pour le premier exercice clos en 2025 et 10,3 % pour le suivant. Ces taux sont doublés au-delà̀ de 3 Md€ de chiffre d’affaires. Les grandes entreprises de transport maritime relèvent d’un dispositif adapté. Par ailleurs, la suppression définitive de la CVAE est reportée à 2030. Enfin, taxe sur le rachat de titres par les grandes entreprises (1 Md€ de CA) est instaurée. Pour les particuliers, le Gouvernement propose une contribution différentielle sur les revenus supérieur à 250 000€ (500 000€ pour un couple) pour assurer un taux d’imposition minimum de 20 %.
Dans une optique plus détachée de la conjoncture, le Conseil des prélèvements obligatoires a rendu public le 14 octobre 2024 un très riche rapport intitulé « conforter l’égalité des citoyens devant l’imposition des revenus ». Les propositions se regroupent en quatre axes : aménager la prise en compte des charges familiales (notamment élévation du plafond du quotient familial et recentrage des autres demi-parts), assurer plus d’égalité entre les différentes catégories de revenu (limiter les compléments de salaires exonérés, concentrer l’abattement de 10% sur les pensions modestes, évaluer le prélèvement fiscal unique, rapprocher la fiscalité des locaux nus et meublés); atténuer la concentration sur certains contribuables des avantages et réduction d’impôts (emploi d’un salarié à domicile, dons, investissements outre-mer , frais de scolarité) ; lutter contre la fraude (échange d’informations entre États, limiter la concurrence fiscale entre États, coordonner les administrations fiscales et sociales entre elles et avec l’action juridictionnelle).
Le Conseil a également publié le 23 décembre 2024 une note tendant à simplifier et à rationaliser la fiscalité des jeux d’argent et de hasard.
La lutte contre la fraude fiscale
Le gouvernement a présenté en mars le bilan de la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Malgré la hausse des redressements (15,2 Md€ en 2023), le montant des sommes réellement encaissées reste stable depuis 2021 (10,6 Md€ en 2023). Un renforcement des moyens est annoncé: effectifs (1500 agents supplémentaires d’ici à 2027),création de l’Office national antifraude aux finances publiques, recours accru aux algorithmes.
Le rabotage de la niche fiscale Airbnb
De nombreux maires s’inquiètent des effets de la multiplication des locations saisonnières sur leur territoire. La loi de finances pour 2024 avait réduit l’avantage fiscal de ces locations, un rapport d’Annaïg Lemeur, sénatrice (Prop.1176 du 28 avril 2023) et un arrêt du Conseil d’État du 8 juillet 2024 ont posé les jalons d’une réforme.
En octobre, les parlementaires ont trouvé un accord sur le texte amendé de la proposition de loi transpartisane qui instaure un alignement de la fiscalité des locations de courte durée sur celles de longue durée. En application de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, le propriétaire d’un logement meublé de tourisme non classé bénéficiera désormais d’un abattement de 30 %, dans la limite de 15.000 € de chiffre d’affaires par an (pour les meublés de tourisme, 50 % avec un plafond de 77 700 €). Par ailleurs, les conseils municipaux pourront baisser le nombre maximal de jours de locations touristiques des résidences principales dans la limite de 90 jours.
La nécessaire remise en ordre des taxes affectées
Le Conseil des prélèvements obligatoires a rendu public en septembre 2024 une note sur les taxes affectées qui s’élèvent à 462 Md€, soit plus que les recettes fiscales nettes de l’État (323 Md€). Il recommande d’affecter les taxes comportementales participant aux politiques de santé publique exclusivement à l’assurance-maladie, de concentrer les affectations de TVA sur les secteurs local et social (ce qui implique de revoir le financement de l’audiovisuel public), de supprimer les multi-affectations, de mettre fin aux affectations au profit de l’audiovisuel, des opérateurs de l’État et des fonds sans personnalité juridique.
Les limites des taxes sur l’énergie
La Cour des comptes, dans un rapport d’observations définitives du 6 septembre 2024 dresse un bilan des taxes sur l’énergie qui, en 2021, ont rapporté 60Md€ (TVA incluse). Ce sont en partie des taxes de rendement mais aussi des taxes incitatives depuis l’introduction, en 2014, d’une composante carbone dans les accises sur la consommations énergétiques, suspendue en 2018 après le mouvement des gilets jaunes. Ces taxes paraissent trop décorrélées des enjeux climatiques et forment un ensemble complexe, injuste et incohérent. La Cour recommande de clarifier la stratégie fiscale en liaison avec la politique environnementale et les évolutions au niveau de l’Europe (réforme du marché des quotas).
L’incitation aux dons pour Mayotte
Un communiqué du 17 décembre a annoncé que la réduction d’impôt au titre des dons serait relevée de 60 à 75 % du montant versé dans la limite de 1000€ pour les dons et versements effectués entre le 17 décembre 2024 et le 17 mai 2025 au profit des organismes venant en aide aux victimes du cyclone Chido.
->Management public : des évolutions tirées par le numérique
Poursuite de la transformation de l’action publique
Le 26 janvier 2024, un rapport de la Cour des comptes dresse un bilan mitigé d’ Action publique 2023, programme qui lui paraît manquer de cohérence et d’ambition et qui n’est pas suffisamment mobilisé pour la maîtrise des dépenses publiques.
Le 12 mars, une convention managériale des cadres dirigeants de l’État trace quelques axes sans grande originalité sinon une relance de la simplification administrative et de l’amélioration de la qualité du service rendu. La feuille de route du ministre de la transformation et de la fonction publique, publiée le même mois traduit ces orientations.
Le Comité interministériel de la transformation publique du 23 avril 2024 regroupe des mesures autour de trois axes : mettre l’intelligence artificielle au service des Français ; débureaucratiser l’administration ; ramener les services publics sur le terrain.
Le 28 mars 2024, le Gouvernement a publié le plan de transformation écologique de l’État qui comprend 15 engagements.
De très nombreuses interventions du Président de la République, des Premiers ministres successifs et des ministres chargés de la transformation publique et, expressément des « simplifications administratives », ont remis ce thème à la mode avec celui de l’allègement des normes. Un projet de loi de simplification de la vie des entreprises a été présenté au conseil des ministres du 24 avril 2024 par le ministre de l’économie et des finances. Il a été examiné en juin et voté le 22 octobre 2024 par le Sénat. Une circulaire du 28 octobre 2024 demande aux préfets de faire remonter à la DiTP 4 ou 5 projets qui feront l’objet d’un « contrat de simplification ».
Le programme France Services continue de se déployer avec désormais un objectif de 3000 points d’accueil. La Cour des comptes a rendu le 4 septembre 2024 un rapport faisant état de la satisfaction des usagers et recommandant une consolidation des perspectives de développement du dispositif qui gagnerait à être mieux adapté à la diversité des territoires et des populations.
La réforme de la fonction publique sans cesse différée
En février 2024, le ministre chargé de la fonction publique relance son projet de réforme d’amélioration de l’efficacité de la fonction publique qui inclut la rémunération au mérite, la suppression des catégories A, B, C au profit d’une classification des métiers, la facilitation du licenciement des agents pour insuffisance professionnelle, le respect du temps de travail minimum légal, la semaine de quatre jours. En mai les syndicats boycottent les réunions de concertation. Les négociations sont suspendues en juillet. Le 7 novembre 2024,le nouveau ministre chargé de la fonction publique annonce l’abandon de la réforme des catégories et l‘ouverture de négociations sur la rémunération au mérite et les licenciements pour insuffisance professionnelle.
Des effectifs en hausse mais un déficit d’attractivité
Une étude de l’INSEE publiée le 12 avril 2024 fait apparaître une légère augmentation des effectifs de la fonction publique (+17 300 agents, soit un total de 5,723 millions d’agents.
Une note de la DGAFP du 31 mai 2024 montre que 15% des postes offerts au recrutement externe n’ont pas été pourvus (19 % dans l’enseignement) contre 7 % en 2021. En conséquence, la sélectivité des concours externes se réduit (1 admis pour 5 présents).
Un rapport de France Stratégie publié le 9 décembre 2024 réunit plusieurs études sur les déterminants de l’attractivité : image, carrières, rémunérations, conditions de travail, management, en insistant sur la nécessité de repenser la hiérarchie et la lisibilté des rémunérations.
La réforme des IRA
Le décret du 18 mars 2024 et l’arrêté du 12 décembre 2024 organisent la nouvelle scolarité dans les Instituts régionaux d’administration qui modifie la réforme de 2019 en organisant une seule session par an avec 8 mois d’enseignement à l’Institut, 6 semaines de stage en administration et 6 mois sur le futur poste d’affectation.
L’émergence d’un nouvel outil : l’IA
Les expériences et les études sur l’usage de l’intelligence artificielle générative se multiplient en 2024.
En février, la DGFiP présente son outil « LLaMendement » pour gérer les amendements à la loi de finances ; en mars, le ministère de la défense annonce la création de l’Agence ministérielle pour l’IA de défense ; en avril, le 8éme CITP affirme la volonté d’intensifier les usages de l’IA en mettant en avant les applications conversationnelles « Tchap » et le projet Albert pour les relations avec le public et la gestion des données; la délégation à la prospective du Sénat poursuit ses travaux thématiques sur l’IA et l’avenir du service public; en mai, un rapport de l’INET estime que 45 % des postes de la fonction publique territoriale seront concernés par l’IA ; en juin, la DGAFP présente une stratégie pour encadre l’usage de l’IA dans la gestion des ressources humaines.
Le 22 octobre, la Cour des comptes a publié un rapport sur l’intelligence artificielle en prenant pour exemple le ministère des finances. Les nombreux projets, dont « Signaux faibles » pour détecter les difficultés des entreprises et « Foncier innovant » pour repérer les biens non déclarés, ont généré 20M€ d’économies en 2022. La Cour met en garde contre l’inégal usage de l’IA selon les directions (la DGFiP et l’AIFE sont les principaux utilisateurs) et contre les risques éthiques et environnementaux. Elle recommande une IA « de confiance, frugale et soutenable ».
L’étude publiée par La Poste et la Banque des Territoires , « Tendance 2024 – Data, Intelligence Artificielle et Cybersécurité dans les territoires », le 8 novembre 2024,montre que 36 % des collectivités territoriales ont déjà mené des projets utilisant l’IA dans des domaines très variés.
Le 13 novembre 2024,un rapport de la Défenseure des droits, intitulé « Algorithmes, systèmes d’A et services publics : quels droits pour les usagers ? » décrit « l’algoritmisation » rapide de l’administration (pour attribuer des droits ou calculer des montants, lutter contre la fraude ou alerter sur des risques, réaliser un appariement entre une offre et une demande , aider à la décision des usagers). Les conditions et droits fixés par la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, le RGPD et le code des relations du public avec les administrations doivent être respectés. Le rapport formule des recommandations visant à assurer la garantie de l’intervention humaine dans la conception des outils et dans la prise de décisions individuelles et une transparence plus effective des systèmes de décision automatisés.
Transition écologique : des petits pas
Deux circulaires des 28 décembre 2023 et du 14 mars 2024 détaillent, à l’intention des préfets de région, les modalités d’attribution aux collectivités territoriales du fonds d’accélération de la transition écologique (fonds vert) dans les territoires.
Un décret du 16 juillet 2024 prescrit aux collectivités locales de plus de 3.500 habitants une annexe budgétaire retraçant l’impact de leur budget pour la transition écologique (budget vert).
Dans son panorama des financements climat des collectivités locales, publié le 19 septembre 2024, l’Institut I4CE constate la progression, mais aussi l’insuffisance, des investissements des collectivités locales pour la transition écologique.
En septembre, le ministère des finances a présenté une nouvelle méthode d’analyse des dépenses de l’État au regard de la transition écologique : « Les coûts d’abattements : euros dépensés par tonne de CO2eq évitée ».
Le 24 octobre 2024, le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’Etat a publié les résultats du budget vert de l’État. En 2023, les dépenses favorables (812 M€) ont diminué alors que les dépenses brunes (1,892 M€) ont augmenté de 171 M€. Le PLF 2025 prévoit une hausse de 42,6 M€ de dépenses vertes mais 91% des dépenses de l’État demeurent non cotées.
Le plan national d’adaptation au changement climatique a été présenté le 25 octobre 2024 et ouvert à la consultation. Il est fondé sur l’hypothèse d’un réchauffement de +4°C par rapport à l’ère préindustrielle et prévoit 51 mesures répartis en 12 domaines-clés.
La Cour des comptes a publié le 6 décembre 2024 un rapport sur la prise en compte des enjeux de développement durable dans les marchés publics (2016-2023). La Cour constate les progrès de l’État en la matière et note qu’en 2023, 55 % des marchés comportaient une clause environnementale et 25 % une clause sociale. Elle recommande un meilleur suivi de ces clauses, des indicateurs plus précis et des formations spécialisées.
L’avenir des concessions d’autoroutes
Les sept principales concessions des autoroutes construites entre les années 1950 et la fin des années 1970 expirent entre 2030 et 2036 alors que l’Autorité de régulation des transports estime à 50 M€ le montant des péages indus depuis 1976 et à 1 Md€ les investissements nécessaires aux ouvrages d’art existants. Le rapport du Sénateur Hervé Maurey présenté le 23 octobre 2024 invite l’État à préparer cette échéance et à réviser le système des concessions en le rééquilibrant davantage au service des usagers et des intérêts patrimoniaux de l’État.
La réforme de la politique immobilière de l’État
V. supra Budget de l’État et des opérateurs
->Europe : adaptation des règles
Facilité pour l’Ukraine
Le 29 février 2024, le Parlement et le Conseil ont institué un nouvel instrument financier dédié au soutien de l’Ukraine et doté de 50Md€ accordé principalement sous forme de prêts et non exclusif d’autres aides.
Révision à mi-parcours du Cadre financier pluriannuel 2012-2027
Le règlement 2024/765 du 29 février 2024 révise significativement le cadre financier pluriannuel par le relèvement des plafonds de crédits (environ 23Md€) et par le canal des instruments spéciaux dits « hors cadre » (instrument EuRI pour le paiement des intérêts de l’emprunt commun et réserve pour l’Ukraine).
Réforme du Pacte de stabilité
Trois actes, dont le règlement 2024/1264, fixe la réforme du Pacte de stabilité lancée en février 2020 par la Commission. Le dispositif est plus personnalisé selon la situation des États, plus progressif et assorti de sanctions plus réalistes mais il reste toujours aussi complexe. Le volet préventif est axé sur la maîtrise des dépenses nettes (dépenses publiques moins les dépenses d’intérêts, les mesures cycliques et temporaires et les dépenses relatives aux programmes de l’Union…).Le plan budgétaire et structurel des États, transmis chaque année en septembre à la Commission, fixera une trajectoire pluriannuelle pour une période de 4 ou 5 ans qui sera appréciée par rapport à une trajectoire de référence définie par la Commission pour chaque État et visant le respect ou le retour aux ratios de base qui restent inchangés (dette inférieure à 60% du PIB et déficit public au-dessous de 3 %).Une période d’ajustement de 4 ans, pouvant être portée à 7 ans, avec des étapes chiffrées permettra à la Commission de suivre les engagements des États et, le cas échéant, de provoquer des recommandations du Conseil qui pourraient aller jusqu’à la fixation d’une trajectoire de correction des dépenses nettes et des amendes dont le montant est ramené à 0,05 % du PIB pour une première période de six mois.
Surtaxe sur l’importation de voitures électriques
Le 4 juillet 2024, la Commission a adopté une surtaxation des véhicules électriques importés de Chine en distinguant les entreprises « coopératives » et les autres. Le JOUE du 30 octobre 2024 a publié le règlement augmentant les droits de douane supplémentaires sur l’importation des voitures chinoises qui pourraient aller jusqu’à 35%. La Chine a saisi l’OMC.
Le rapport Draghi et l’avenir de la taxe carbone
Le 9 septembre, Mario Draghi a rendu à la Commission européenne son rapport sur l’avenir de la compétitivité de l’Union. En posant le problème des prix de l’énergie, « trop volatiles et trop élevés », Mario Draghi évoque l’extension du marché du carbone programmée en 2027 qui doit être accompagnée d’une taxe carbone sur les ménages.
La Cour de justice confirme la condamnation d’Apple
Le 10 septembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a prononcé des sanctions définitives à l’encontre de Apple et Google. Dans le premier arrêt, la Cour confirme la condamnation en 2016 par la Commission européenne de rescrits fiscaux accordés entre 1991 et 2004 par l’Irlande à Apple, désormais obligée de lui rembourser 13 Md€. Le second arrêt concernait un abus de position dominante.
->International : la baisse des taux
L’imposition minimale des multinationales, début d’application
Le 1er janvier 2024, l’impôt minimal de 15% sur les bénéfices des multinationales, adopté par 140 États dans le cadre de l’OCDE, entre en vigueur dans l’Union européenne.
La liste des paradis fiscaux légèrement restreinte
Le 20 février 2024, le Conseil de l’Union européenne a retiré trois États de la liste noire et retiré six États de la liste grise à laquelle ont été ajoutés deux État. Après le retrait de Antigua-et-Barbuda, le 8 octobre 2024,il reste 11 États dans la liste noire des États et territoires non coopératifs et 10 États dans la liste grise.
Fiscalité internationale : un changement d’orientation ?
L’OCDE a publié, le 1er octobre 2024, son rapport sur les politiques fiscales : elle relève que la tendance générale (mais pas en France)à la baisse des prélèvements obligatoires sur les entreprises et les particuliers a cédé la place à des politiques orientés davantage vers des objectifs à long terme. Son secrétaire général a remis le 16 au G20 son rapport sur la fiscalité dans lequel il fait le point notamment sur les deux piliers de la lutte contre l’optimisation et sur les avancées du projet BEPS.
En novembre, d’après les statistiques des recettes publiques de l’OCDE, le taux des prélèvements obligatoires ont diminué en 2022 et s’étalent de 17,7 % du PIB au Mexique à 43,8 % en France.
Baisse des taux des banques centrales
Le 6 juin 2024, la BCE a réduit son taux directeur de 4 % à 3,75 %.
Le 23 août 2024 à Jackson Hole, le président de la FED annonce une baisse des taux comme les banques centrales d’Angleterre, du Canada, de Suède, de Suisse, et la plupart des États d’Europe centrale.
Le 17 octobre et le 12 décembre, la BCE a baissé son taux directeur de 25 points de base soit 3 %. Le 7 novembre 2024, la Banque d’Angleterre a de nouveau abaissé ses taux.
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1 Ces repères annuels, qui n’engagent que leur auteur, ont été établis sur la base de la chronique mensuelle, coordonnée par Aurélien Baudu et à laquelle ont participé : Fabrice Bin, Florent Gaulier-Camus, Léonard Gourbier, Matthieu Houser, Aymeric Potteau et Yves Terrasse.
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