repères_2025

REPÈRES (FÉVRIER 2025) – REVUE-GFP N°2 – 2025

BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPÉRATEURS
->Données générales sur les finances publiques

Février 2025 : les prix à la consommation augmentent de 0,8 % sur un an

Dans une note du 28 février 2025, l’INSEE indique que sur un an, selon l’estimation provisoire réalisée en fin de mois, les prix à la consommation augmenteraient de 0,8 % en février 2025, après + 1,7  % en janvier. Pour la première fois depuis février 2021, le glissement annuel serait en deçà de 1 %. Le net ralentissement des prix s’expliquerait par un fort repli des prix de l’énergie : les prix de l’électricité baisseraient nettement sur un mois alors qu’ils augmentaient fortement en février 2024. Sur un an, les prix des services ralentiraient. Les prix des produits manufacturés et du tabac ralentiraient également mais dans une moindre mesure, tandis que ceux de l’alimentation accéléreraient légèrement.

La situation des finances publiques début 2025

Dans un rapport publié le 13 février 2025 relatif à la situation des finances publiques, la Cour des comptes constate que pour la deuxième année consécutive, le déficit public s’est aggravé en 2024 pour atteindre près de 175 Md€, soit 6,0 points de PIB après 5,5 points en 2023 et 4,7 points en 2022. La dette publique culmine désormais à près de 3 300 Md€ et les charges d’intérêt à 59 Md€. Il s’agit d’une dégradation exceptionnelle et inédite alors que la croissance économique est restée continûment positive pendant cette période. Si la faible progression des impôts expliquait en partie la contre-performance de 2023 (v. Infra.), c’est à l’inverse la dynamique des dépenses publiques qui est en cause en 2024, principalement du côté des collectivités locales et de la protection sociale. La France, seule au sein de l’Union européenne à voir ses finances publiques continuer de se dégrader, a obtenu de ses partenaires que le terme de sa trajectoire de retour du déficit sous les 3 points de PIB soit repoussé de 2027 à 2029. Pour la Cour, l’année 2025 est déterminante pour engager l’ajustement budgétaire évalué à 110 Md€, soit plus du double de celui évalué à l’été 2023 avant le dérapage de ces derniers mois. Pourtant, pour cette année, la réduction envisagée de 0,6 point du déficit par la loi de finances pour 2025 repose quasi-exclusivement sur des hausses d’impôts plutôt que sur des économies budgétaires, la dépense publique hors charges de la dette publique continuant de progresser à un rythme proche de sa tendance d’avant-crise. De surcroît, près de la moitié des hausses de prélèvements inscrites en loi de finances pour 2025 est présentée comme temporaire, ce qui reporte sur les années suivantes l’effort structurel de redressement des finances publiques. Pour illustrer l’urgence à respecter les engagements européens dès 2025, la Cour a quantifié deux scénarios alternatifs de croissance (« croissance réaliste ») ou d’ajustement (« la moitié des efforts ») moins favorables que les prévisions gouvernementales mais en ligne avec les tendances passées. Le cumul de ces scénarios conduirait la dette publique à dépasser 125 points de PIB en 2029 et à s’approcher du seuil de 130 points de PIB dès 2031, tandis que sa charge annuelle augmenterait continûment pour atteindre 3,2 points de PIB en 2029 soit 107 Md€, devenant le premier poste budgétaire de l’État loin devant celui de l’Éducation nationale. La Cour des comptes conclut en indiquant que le dérapage du déficit public depuis deux ans place la France au pied du mur. Dès lors, selon les magistrats financiers, tout retard supplémentaire rendrait les ajustements encore plus importants et difficiles. En définitive, l’année 2025 s’annonce cruciale pour enfin amorcer une trajectoire de redressement des finances publiques.

->Procédure budgétaire

Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025

Après un parcours inédit sous la Ve République, la loi de finances pour 2025 a été promulguée le 14 février 2025. Elle a été publiée au JORF du 15 février 2025. Le texte adopté, sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité devant les députés, reprend le texte de compromis trouvé avec les parlementaires en commission mixte paritaire les 30 et 31 janvier 2025. Il ambitionne de réduire le déficit public à 5,4 % du PIB en 2025, après un dérapage à 6,1 % en 2024 et après 5,5 % en 2023. La part de la dette publique atteindrait 115,5 % du PIB. Le déficit de l’État s’élèverait à 139 Md€. Parmi les mesures prévues dans ce texte on peut retrouver notamment quelques mesures fiscales (v. Infra.). A noter que le Conseil constitutionnel a été saisi de cette loi dans sa version d’adoption et s’est prononcé le 13 février 2025. Le juge constitutionnel a considéré conformes à la Constitution dix des dispositions contestées devant lui mais a censuré pour des motifs de procédure dix autres de ses articles. Il a notamment censuré comme cavaliers budgétaires, c’est-à-dire comme ne relevant pas du champ des lois de finances, ses articles 155, 174, 176, 177, 179, 180, 181, 187 et 194. Il a censuré également comme introduite en méconnaissance de la règle dite de l’entonnoir (modification d’un texte qui n’est pas en relation directe avec une disposition restant en discussion) son article 108 (v. Infra).

->Budgets des opérateurs

La trajectoire financière du groupe La Poste

Dans son rapport publié le 17 février 2025, la Cour des comptes a analysé la trajectoire financière du groupe La Poste pour les exercices 2019 à 2023. La Caisse des dépôts et consignations (66 %) et l’État (34 %) sont les deux actionnaires du groupe. Et avec un chiffre d’affaires de 34 Md€ en 2023, le groupe La Poste a connu une forte croissance de son activité, principalement tirée par des acquisitions. Avec près de 233 000 collaborateurs « postiers » dont 60 500 facteurs, le groupe apparaît comme le deuxième employeur public de France après l’État. À travers La Poste SA et par le biais de filiales, La Poste réalise désormais 44 % de son chiffre d’affaires à l’international et opère sur de nombreux secteurs au-delà du courrier. En effet, depuis son plan stratégique 2014-2020, le groupe a cherché à compenser la baisse de son activité traditionnelle en se développant sur la logistique et la banque et l’assurance ainsi que sur de nouveaux relais de croissance dans des secteurs éloignés de son cœur de métier (comme acteur de proximité en matière de santé, autonomie et numérique). La branche Services-Courrier-Colis doit faire face à la chute de l’activité courrier : en 2023, elle ne représente plus que 15 % du chiffre d’affaires du groupe, contre près de 50 % en 2010. Aussi, le législateur confie toujours au groupe La Poste quatre missions de service public : le service universel postal, le transport et la distribution de la presse, une contribution à l’aménagement du territoire et l’accessibilité bancaire. Par rapport aux autres opérateurs postaux européens, les missions de service public confiées au groupe La Poste sont à la fois plus nombreuses et plus exigeantes. Ainsi, la France est un des derniers États européens à réaliser une distribution du courrier six jours sur sept et à maintenir 17 000 points de contact. Les missions de service public sont soumises au droit européen de la concurrence qui autorise la France à verser une compensation financière pour couvrir tout ou partie des coûts qu’elles entraînent. Le montant de la compensation au titre du service universel postal est compris entre 500 et 520 M€ par an en fonction des résultats de qualité de service. La Poste française est ainsi celle qui reçoit le montant le plus élevé tandis que la majorité des opérateurs postaux européens ne reçoivent aucune compensation pour le service universel. Toutefois, le coût de la mission pour le groupe n’est pas compensé à hauteur d’environ 479 M€ en 2023. De même, la mission d’accessibilité bancaire bénéficie d’une compensation élevée (303 M€ en 2023), qui ne couvre toutefois pas les charges supportées par le groupe. Les missions de service public ont donc vu leur rentabilité se dégrader, sans que la hausse des compensations n’enraye la détérioration de leur situation économique. Pour la Cour des comptes, la rentabilité du groupe constitue à terme un élément essentiel afin d’éviter un plus grand impact sur les finances publiques. Selon le rapport, compte tenu des enjeux économiques, sociaux et territoriaux, les différents scénarios de réforme doivent reposer sur des études appréciant l’utilité et le périmètre des missions de service public, identifiant les leviers d’amélioration du groupe et évaluant sa capacité financière à les porter.

->Patrimoine de l’État

La création de la foncière de l’État censurée par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 février 2025 relative à la loi de finances pour 2025, a censuré, parmi les dix cavaliers budgétaires, la création de la foncière de l’État qui avait été introduite au texte par un amendement du Gouvernement. L’article 177 de la loi de finances adoptée prévoyait initialement la transformation de la SA « Agence de gestion de l’immobilier de l’État » en un établissement public national à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle du ministre chargé des domaines. Cet établissement devait avoir notamment pour mission de « gérer, d’entretenir et de rénover les biens immobiliers dont il est propriétaire afin d’optimiser leurs usages et de contribuer aux objectifs de l’État en matière de transition écologique » et de « mettre ces biens immobiliers à la disposition des services de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics de l’État ou de tout organisme public ou privé » dans les conditions prévues par un ou plusieurs contrats de bail ou conventions d’occupation du domaine public. Cette foncière de l’État ne pourra donc être créée que par l’adoption d’une disposition en loi ordinaire.

COMPTABILITÉ PUBLIQUE
->Responsabilité des gestionnaires publics

Nouvel arrêt de la chambre du contentieux de la Cour des comptes en février 2025

Le 6 février 2025, la chambre du contentieux de la Cour des comptes a rendu un arrêt intitulé « Chambre départementale d’agriculture de Loir-et-Cher ». Dans cette affaire, étaient renvoyés devant la chambre du contentieux les présidents et les agents comptables successifs, depuis 2018, de la chambre départementale d’agriculture de Loir-et-Cher. Par l’intermédiaire de leurs avocats, certains des gestionnaires publics renvoyés ont déposé, par mémoires distincts et motivés, quatre questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). La Cour des comptes a décidé, lors de son audience publique du 21 janvier 2025, de transmettre au Conseil d’État la QPC relative aux articles L. 131-16 et L. 131 -17 du CJF. Le premier définit la limite supérieure de l’amende qui peut être infligée à un justiciable salarié, par rapport à sa rémunération. Le second, pour les non-salariés, fixe le plafond de l’amende par référence à la « rémunération annuelle correspondant à l’échelon le plus élevé afférent à l’emploi de directeur d’administration centrale ». La chambre du contentieux a en effet constaté que ces dispositions n’avaient jamais été examinées par le Conseil constitutionnel et qu’elles sont bien applicables au litige. Elle a estimé que le moyen tiré d’une différence injustifiée de traitement entre les justiciables et en conséquence d’une rupture d’égalité devant la loi était sérieux. Pour connaitre les suites de ce dossier, il faut désormais attendre la décision du Conseil d’État.

Deux décisions de la Cour d’appel financière rendues en février 2025

Née avec l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022, la Cour d’appel financière est la juridiction d’appel des jugements rendus par la chambre du contentieux de la Cour des comptes en ce qui concerne le régime de responsabilité des gestionnaires publics. En février 2025, elle a eu l’occasion de rendre deux nouvelles décisions. Premièrement, la Cour d’appel financière a rendu, le 6 février 2025, un arrêt sur l’appel formé contre le jugement de la chambre du contentieux de la Cour des comptes « Département de l’Eure » du 3 mai 2024 (v. Repères, mai 2024). L’appel a été présenté par l’adjoint au comptable public, l’une des deux personnes condamnées à l’amende en première instance, au titre de l’infraction prévue à l’article L. 131-9 du CJF. Il lui était reproché d’avoir payé près de 800 000 € à un escroc qui, se faisant passer pour un nouvel affactureur, s’était substitué au véritable créancier. Le juge d’appel a confirmé la solution donnée à l’affaire par le juge de première instance. Elle a confirmé le montant de l’amende décidé par la chambre du contentieux de la Cour des comptes, soit 2 500 €. Deuxièmement, la Cour d’appel financière a rendu, le 13 février 2025, un arrêt portant sur une QPC soulevée dans le cadre de l’appel formé contre l’arrêt de la chambre du contentieux de la Cour des comptes « Commune de Richwiller » du 16 décembre 2024 (v. Repères, déc. 2024). L’appel émane du maire de cette commune, auquel il est reproché d’avoir réquisitionné le comptable public en vue de payer une indemnité dépourvue de base légale à des employés de la commune. En première instance, l’intéressé avait soulevé une QPC, qu’il réitère en appel à la suite de la décision des premiers juges de ne pas transmettre celle-ci au Conseil d’État. La Cour d’appel financière a confirmé cette décision, au motif que cette QPC ne revêtait pas de caractère sérieux au sens de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 relative à la QPC. La juridiction d’appel doit désormais instruire et juger l’appel au fond, ce qui fera l’objet d’un nouvel arrêt prochainement.

PIB : léger Le Conseil d’État exclut le droit à la protection fonctionnelle pour les agents publics faisant l’objet de poursuite devant la Cour des comptes

Dans une décision récente, le Conseil d’Etat a précisé que le droit à la protection fonctionnelle ne s’applique pas aux agents publics faisant l’objet de poursuites devant la Cour des comptes (CE, 29 janv. 2025, Sté UGGC Avocats et a., Req. n° 497840). Il s’agissait d’un recours formé contre une note du Secrétariat général du Gouvernement (SGG) du 2 avril 2024 relative au nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics et à la protection fonctionnelle. Les requérants contestaient la limitation d’une telle protection aux seules poursuites pénales, considérant qu’elle devait inclure également les poursuites engagées devant la juridiction financière. Le Conseil d’État a examiné les dispositions applicables pour déterminer si la protection fonctionnelle pouvait couvrir les poursuites engagées devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes. Il a rappelé à cet égard que le Code général de la fonction publique prévoit cette protection pour les agents publics lorsqu’ils sont poursuivis pénalement pour des faits liés à l’exercice de leurs fonctions, à condition que de tels fait ne constituent pas une faute personnelle détachable du service et, à moins qu’un motif d’intérêt général s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations et outrages dont il est l’objet (CE, Sect., 8 juin 2011, Farré, Req. n° 312700, Lebon avec les concl. ; AJDA 2011. 1175). La haute juridiction administrative a constaté que les sanctions financières prononcées par la chambre du contentieux de la Cour des comptes ne revêtent pas stricto sensu un caractère pénal mais relèvent d’un régime de responsabilité spécifique aux gestionnaires publics prévu par le Code des juridictions financières (CJF), rejoignant ainsi sa position traditionnelle (CE, 15 nov. 2006, Gallet, Req. n° 253904, Lebon ; AJDA 2007. 697, note C. Biscaïno). En conséquence, les 6e et 5e chambres réunies du Conseil d’Etat ont jugé que les agents concernés ne peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle sur le fondement du Code de la fonction publique. Le Conseil d’État a ajouté que ni le Code général de la fonction publique, ni le principe général du droit à la protection fonctionnelle n’imposent à l’administration d’accorder une telle protection à un agent poursuivi devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes. Cependant il a également souligné qu’aucune disposition n’interdit à l’administration d’apporter un soutien à l’agent poursuivi, notamment sous la forme d’une assistance juridique ou technique, ce soutien relevant de sa seule appréciation et non d’une obligation légale.

FINANCES LOCALES
->Données générales sur les finances LOCALes

Rapport sur les dépenses publiques de la Cour des comptes

Dans ce rapport important, les juges financiers reviennent sur le dérapage des comptes des administrations publiques en 2024. Les finances locales participent à cette dégradation avec, pour la Cour des comptes, un « emballement des dépenses locales » (p. 33). Ainsi, ces dernières pèsent à hauteur de 0,2 point de PIB sur le déficit et la hausse des dépenses s’élève à + 5,8 % en valeur (après 7,3 % en 2023). En termes de volume, les dépenses locales se chiffrent à 327 Md€ en 2024. Les dépenses de fonctionnement augmentent, quant à elles, de + 2,6 % et celles d’investissement de +  5,7 %. Par rapport aux prévisions du PLF 2024, en volume, le dépassement des collectivités locales représente 10,7 Md€. Pour les juges financiers, la dérive concerne l’ensemble des postes de dépense avec malgré tout une hausse plus importante pour les achats (+ 9,4 %) et la masse salariale (+ 4,5 %). Ce constat amène logiquement la Cour des comptes à considérer que l’absence de mécanisme d’encadrement de la dépense ou de lutte en cas de dérive explique la hausse importante de 2024.

Impact de la loi de finances pour 2025 sur les finances publiques locales

Cette loi de finances marquera les esprits à plusieurs égards et concernant les collectivités territoriales, celles-ci sont mises au « régime sec ». Le Conseil constitutionnel a validé la loi de finances pour 2025 en censurant certains cavaliers budgétaires impactant les finances locales (notamment des dispositions sur les règles applicables aux subventions). Sur le fond, plusieurs mesures budgétaires impactent significativement les collectivités territoriales. Ainsi, la TVA affectée aux collectivités territoriales est gelée, c’est-à-dire qu’elle n’évoluera pas en 2025 par rapport à 2024. Le manque de recettes fiscales pour les collectivités s’élève à 1,2 Md€. Ensuite, la loi de finances pour 2025 crée un dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales (Dilico) prélevant les collectivités à hauteur de 1 Md€. Enfin, notons que le fonds vert finançant les collectivités baisse quant à lui d’environ 1,3 Md€. En revanche, certaines mesures vont aider les collectivités territoriales dans la mise en place de leurs politiques locales. Ainsi, l’article 118 de la loi de finances pour 2025 permet aux régions de voter un taux concernant le versement mobilité (VM) de 0,15 % pour financer les trains régionaux. Les départements pourront rehausser le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 4,50 % à 5 %. Enfin, notons que la DGF sera abondée à hauteur de 150 M€ pour financer une partie de la hausse des parts de péréquation financière.

->Dépense publique locale

L’impact des prix sur l’investissement local en 2024

Dans le débat sur la hausse de la dépense publique, l’impact de l’inflation revêt une véritable importance. À cet égard, l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) a calculé son propre indice de la hausse des prix fondé sur la construction, les réseaux et voiries, les biens meubles et les terrains. En se fondant sur ce dernier, l’impact de l’inflation sur l’investissement local a été de + 0,9 % en 2024 soit la hausse la plus faible depuis 2019, qui a connu une augmentation de + 3,8 % en 2021, + 7,3 % en 2022 et + 3,2 % en 2023. Ainsi, la hausse des dépenses d’investissement en 2024 pourrait être la plus élevée depuis 2019. Il est intéressant de noter les variations de chiffres entre institutions. Ainsi, pour l’OFGL la hausse pourrait être de + 7 % en 2024 alors que pour la Cour des comptes, l’augmentation relative à l’investissement s’élève à + 5,7 %.

BIS 192 : les dépenses de voirie des collectivités locales entre 2013 et 2023

Dans cette nouvelle analyse, la DGCL revient sur une compétence couteuse pour les collectivités territoriales de l’ordre de 13,3 Md€. Ce poste de dépenses est important depuis les vagues de décentralisation de cette compétence opérée il y a de nombreuses années avec notamment la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Les départements gèrent 5,9 Md€ de dépenses en la matière. De façon globale, la part d’investissement représente 8,8 Md€ avec de fortes disparités entre les départements. En outre, ce poste de dépenses constitue leur dépense principale d’investissement. Ce type d’analyse de la DGCL permet ainsi d’approfondir la connaissance des dépenses d’investissement des collectivités souvent présentées comme fondamentale pour la croissance économique. L’analyse de la pertinence de ces dépenses mériterait également d’être effectuée.

FINANCES SOCIALES
->Situation des comptes sociaux

Rapport du HCFiPS : comment mieux concilier production et redistribution

En juin 2023, l’ancienne Première Ministre, E. Borne, a missionné le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPS) pour analyser la relation entre compétitivité et protection sociale, avec une attention particulière sur l’impact de la protection sociale sur le coût du travail. Le rapport du HCFiPS analyse cette problématique à travers six chapitres. Premièrement, il existe des interactions nombreuses et complexes entre le système de production français et le système de protection sociale : la protection sociale a besoin d’une économie dynamique pour être financée, mais, si elle repose sur des stratégies bien choisies, elle peut soutenir directement et indirectement l’activité économique par des investissements en biens et services, par exemple pour la santé, les personnes âgées… Deuxièmement, la protection sociale a besoin de production pour être financée : reposant encore très majoritairement sur les revenus d’activité, ce financement est sensible à de nombreux paramètres économiques comme le partage de la valeur ajoutée (relativement stable), la productivité (qui se dégrade) et le taux d’emploi (qui est en France plus faible que dans d’autres pays de l’OCDE) ; comme les revenus d’activité constituent la seule assiette de taille importante dont la dynamique est corrélée à celle du PIB, il faut limiter les pertes de recettes liées à des exemptions d’assiette et ne compter sur des assiettes alternatives, comme les taxes comportementales (alcools, tabacs, etc.) qu’à titre subsidiaire. Troisièmement, le « mix financement/prestations » ne doit pas décourager le travail : la demande de travail par les entreprises est affectée par son coût, particulièrement sur les bas salaires du fait de la place du SMIC, même si ce coût a été sensiblement allégé par la politique d’allègement des cotisations sociales, dont la charge budgétaire fait aujourd’hui débat ; l’accroissement de l’offre de travail par les salariés a été favorisé par toutes les réformes incitatives (prime pour l’emploi, RSA, prime d’activité…) qui ont permis de réduire les freins à la reprise d’activité et les trappes à bas salaires ; le HCFiPS propose de réduire les freins plus spécifiques à la reprise d’emploi comme la garde d’enfants et l’accès aux transports, et de créer un « revenu social de référence » pour unifier les bases ressources et limiter les phénomènes de non recours aux prestations.

Quatrièmement, la protection sociale peut être un atout pour le système de production si elle assume son rôle de stabilisateur automatique, libère les acteurs économiques des aléas (distorsions de concurrence…) grâce notamment à la mutualisation de la couverture des risques. Cinquièmement, la dimension préventive des politiques sociales doit être renforcée : pour les auteurs du rapport, la politique de santé au travail bénéficie à tous les acteurs du système, salariés et entreprises, aussi une rénovation de la branche « accidents du travail » est-elle nécessaire, avec une extension aux travailleurs indépendants, une approche plus globale de l’accidentologie et la promotion d’une politique d’amélioration du bien-être au travail. Sixièmement, la régulation des secteurs financés par la protection sociale doit reposer sur une stratégie de moyen/long terme garantissant l’attractivité des secteurs et la qualité de service : la dépense sociale finance des secteurs de l’activité économique (bâtiment, industries du médicament et de l’équipement médical, services à la personne…) où l’offre ne s’ajuste pas spontanément à la demande, ce qui implique notamment une gestion des personnels garantissant un accès de tous les territoires à la couverture médicale, le partage de l’information avec la généralisation des parcours patients, une politique industrielle incitative à l’innovation en santé… Concluant sur la nécessité d’avoir une vision pluriannuelle de l’évolution du système de santé, le rapport est assorti de 57 recommandations. Un commentaire d’actualité du site FIPECO « revoir le financement de la Sécurité sociale pour ses 80 ans » propose à cet effet de clarifier la distinction entre assurance et solidarité, en finançant par l’impôt les dépenses qui relèvent de la solidarité (prestations familiales, assurance maladie et autonomie) et par les cotisations sociales celles qui relèvent de l’assurance (vieillesse et accidents du travail).

Situation des finances publiques : dépense sociale et dégradation des comptes publics

Déjà très alarmiste dans son rapport de juillet 2024 sur la situation des finances publiques (v. Repères, juillet 2024), la Cour des comptes, dans son premier rapport de 2025, parle de « situation hors de contrôle » qui « place la France au pied du mur ». Le déficit des administrations publiques s’élèvera à 6% du PIB en 2024, soit une dégradation de 1,6 points par rapport à la cible figurant dans le PLF de 2024 et de 0,5 points par rapport au solde (déficit de 5,5 % du PIB) de l’exercice 2023 qui avait été déjà très mauvais. Les recettes de 2024 ont été « atones » par rapport à celles de 2023, du fait d’une croissance molle (+ 1,1 %), sans pour autant connaître de récession, les moins-values de recettes de cotisations et contributions sociales ayant été somme toute moins importantes que celles que l’État a enregistrées sur l’impôt sur les sociétés et la TVA. C’est surtout la dynamique des dépenses « du cœur », qui, pour la Cour, explique la dégradation du déficit en 2024, cela alors même que les mesures de soutien exceptionnelles pour faire face aux crises sanitaires et inflationnistes disparaissaient. Les charges de l’État ayant été contenues, le dérapage est imputable essentiellement aux dépenses des collectivités locales et à celles de protection sociale : si l’on raisonne en termes de niveau de déficit public, le creusement de celui-ci par rapport à 2023 serait imputable à hauteur de 0,4 points au secteur social. En sont responsables les dépenses, en progression de 5,3 % en valeur (soit un rythme très supérieur à celui du PIB) du fait des revalorisations des retraites intervenues au 1er janvier 2024, de celles des prestations familiales au 1er avril, et, en cours d’exécution 2024, du glissement des dépenses de l’ONDAM (+ 3,6 %) et de l’UNEDIC. La Cour des comptes fait valoir que l’année 2025 sera déterminante pour le redressement des finances publiques et regrette que les économies sur la dépense sociale soient peu documentées, en particulier le montant de 4,3 Md€ annoncé sur des efforts d’efficience et de maîtrise sur les dépenses de médicaments pour limiter la progression de l’ONDAM à 3,3 %. En conséquence, l’objectif de retour sous les 3 % de déficit public en 2029 apparaît très fragile, si les prévisions prévues pour la croissance entre 2026 et 2028 ne se réalisent pas et si les efforts d’ajustement annoncés dans le « Plan structurel à moyen terme » révisé en janvier 2025 ne sont pas au rendez-vous. Si cet effort, qui repose sur un programme d’économies inédit de 110 Md€ d’ici 2029, n’est réalisé qu’à moitié, la cible des 3 % de déficit public ne sera pas atteinte et l’endettement par rapport au PIB ne sera pas stabilisé à la fin de la décennie.

->Lois de financement de la Sécurité sociale

Promulgation de la LFSS pour 2025 après un parcours chaotique

Après que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 28 février 2024, ait validé la quasi-totalité de la LFSS pour 2025, celle-ci a été promulguée et publiée le même jour au JORF, soit plus de quatre mois après sa présentation au Parlement. Le solde des régimes obligatoires de base et du FSV dans la LFSS pour 2025 est finalement arrêté à – 22,1 Md€ (contre – 16 Md€ envisagés dans le PLFSS initié par le Gouvernement Barnier en oct. 2024). Sont en déficit les branches Maladie (-15,4 Md€), Vieillesse (-7,5 Md€) et Autonomie (- 0,7 Md€) ; sont en excédent les branches Accidents du travail et maladies professionnelles (+ 2 Md€) et Famille (+ 0,4 Md€), ainsi que le FSV (+ 0,9 Md€). Les prévisions associées à la LFSS pour 2025 font apparaître la persistance du déficit à ce niveau pour les trois années à venir : – 23,2 Md€ en 2026, – 23 Md€ en 2027 et – 24,1 Md€ en 2028. Le déficit restera porté par les branches Maladie et Vieillesse, seuls la branche Famille et le FSV enregistrant un excédent. Pour 2025, le plafond d’endettement de l’ACOSS est fixé à 65 Md€, niveau à nouveau très élevé, et il n’est pas prévu de nouvelles recettes pour la CADES. Le contenu des principales mesures reste à peu près le même que ce qui apparaissait après la déclaration de politique générale du Premier Ministre de janvier dernier (v. Repères, janvier 2025) : augmentation de l’ONDAM de + 3,4 % (compte tenu de la rallonge de 1 Md€ pour les hôpitaux), réduction de 1,6 Md€ des allègements de cotisations patronales sur les salaires, maintien de l’indexation des pensions sur l’inflation (+ 2,2 %) au 1er janvier 2025, mise en place en 2025 du service public de la petite enfance, renforcement des moyens des EHPAD et actions en faveur du handicap.

->Politiques de l’emploi

La poursuite de la diminution des contrats aidés

Une étude de la DARES fait apparaître à nouveau, en 2023, un net recul (- 25 %) des entrées en contrat aidé (Parcours emplois compétences – PEC – dans le secteur non marchand, contrats uniques d’insertion – CUI-CIE – dans le secteur marchand), pour la deuxième année consécutive. La baisse est surtout marquée dans le secteur marchand, qui ne représente plus que le tiers des entrées. Après avoir été fortement réduit en 2017-2018, le dispositif avait été remanié dans le cadre du plan « un jeune, une solution » en 2020, particulièrement en direction des jeunes en difficulté d’insertion professionnelle. A présent, la part des jeunes de moins de 26 ans baisse régulièrement et le dispositif se recentre sur les publics les plus éloignés de l’emploi. Le budget 2025 prévoit un nouveau tour de vis puisqu’il ne financera plus qu’entre 30 000 et 35 000 nouvelles embauches, et uniquement dans le secteur non marchand, ce qui conduira à 300 M€ d’économies (v. infra). Un « commentaire d’actualité » du site FIPECO fait un rappel historique de la politique des contrats aidés qui a culminé à la fin des années 1990 avec 800 000 contrats, à part à peu près égale entre secteur marchand et non marchand, avant de diminuer jusqu’à un pallier de l’ordre de 300 000 entrées entre 2010 et 2016 (mais les contrats passés par les associations et entreprises d’insertion par l’activité économique sont depuis 2018 comptabilisés à part) et d’être relancée en 2020-2021 ; le commentaire apporte également un éclairage sur l’effet sur l’emploi – très difficile à apprécier – de la politique des contrats aidés.

Loi de finances pour 2025 : lourde ponction dans les crédits de l’emploi et de la formation

Le budget du ministère du Travail est un des grands perdants de la loi de finances pour 2025. Ce ministère perd en effet 4,2 Md€ en AE et 2,6 Md€ en CP par rapport à l’exercice 2024. Au cours de la procédure budgétaire, les enveloppes n’ont cessé de se réduire entre le PLF initial déposé par le Gouvernement Barnier qui avait déjà opéré une ponction de 2,6 Md€, majorée de 0,675 Md€ avant la censure du 4 décembre 2024 à l’Assemblée nationale, et aggravée à la reprise des débats au Sénat en janvier 2025 qui ont rajouté 1,3 Md€ d’économies supplémentaires, augmentées d’encore 0,15 Md€ en commission mixte paritaire. Une des principales économies, finalisée par le décret n° 2025-174 du 22 février 2025, porte sur la prime à l’embauche d’un alternant qui devrait être ramenée de 6000 € à 5000 € pour les entreprises de moins de 250 salariés et à 2000 € pour les entreprises de plus de 250 salariés. Ont été également réduits les crédits pour les contrats aidés (v. supra), pour les « emplois francs » et ceux de l’insertion par l’activité économique Enfin la formation des chômeurs à travers les volets nationaux et régionaux du Plan d’investissement en compétences va être également mise à contribution, comme les formations à la création d’entreprise.

->Retraites

La « mission flash » de la Cour des comptes sur la situation financière des retraites

La Cour des comptes a rendu le 19 février 2025 le « rapport sur la situation financière et les perspectives du système de retraites » que lui avait commandé le Premier Ministre dans son discours de politique générale du 14 janvier dernier. Les conclusions de la Cour ne remettent pas en cause les perspectives générales dressées par le Conseil d’orientation des retraites dans son dernier rapport (v. Repères, juin 2024). Toutefois, il opère des clarifications méthodologiques qui rendent plus lisible sa présentation, tant en ce qui concerne le constat de départ que les perspectives à long terme. Premièrement, s’agissant des hypothèses, la Cour des comptes compartimente le périmètre du système de retraite en six sous-ensembles de régimes obligatoires (de base et complémentaires) dont la situation est très différente : le régime général de base et le régime des salariés agricoles ; les régimes de non-salariés ; les régimes des fonctionnaires civils et militaires de l’État ; les régimes spéciaux ; le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; les régimes de retraites complémentaires et obligatoires ; s’agissant des retraites des personnels de l’État, la Cour des comptes se dégage de la polémique (v. infra) qui commençait à monter, en ne les prenant pas en compte dans la problématique de la réforme au motif que les règles de ce régime sont trop différentes du Régime général et que les conventions comptables sont de toute façon sans incidence sur la charge qui, au final, pèse sur le déficit public global ; pour construire ses projections, la Cour des comptes retient des hypothèses centrales plus prudentes, pour l’évolution de la productivité (+ 0,7 % par an, ce qui est le constat sur la période 2009-2020) et pour le taux de chômage (stabilisation à 7 %), et elle limite l’horizon des perspectives à 2045 (au lieu de 2070 pour le COR).

Deuxièmement, la Cour des comptes fait le constat d’une situation de départ du système de retraites obligatoires à peu près à l’équilibre, grâce aux réformes intervenues et à la dynamique des recettes plus forte que celle des dépenses sur la période 2011-2023 ; en 2023, le solde des retraites obligatoires a été de + 8,3 Md€, et il va être de – 2,4 Md€ en 2024 : toutefois les situations sont très différentes selon les différents régimes : un équilibre précaire pour le régime général (FSV) et celui des salariés agricoles ; un petit excédent pour les régimes de base des non-salariés ; un quasi équilibre pour les régimes spéciaux (mais avec 7,2 Md€ de contribution de l’État, dont 3,2 Md€ pour la SNCF) ; une situation critique pour la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers – CNRACL (- 2,5 Md€ en 2023) ; une situation très favorable des régimes de retraite complémentaires obligatoires – AGIRC-ARRCO ; enfin un régime des fonctionnaires de l’État équilibré par une contribution de 45 Md€. Troisièmement, pour l’avenir, à l’horizon 2045, la situation se dégraderait très sensiblement, en dépit des effets de la réforme de 2023 : le solde du système des retraites obligatoires serait de – 6,6 Md€ dès 2025, de – 14,6 Md€ en 2030 et de – 31,6 Md€ en 2045, les contribution de l’État au régime des fonctionnaires et aux régimes spéciaux restant elles relativement stables autour de 50 Md€ et de 7 Md€, et le rapport actifs/cotisants passerait de 1,77 à 1,54 ; l’essentiel du déficit serait concentré sur le Régime général (- 30 Md€ en 2045), la CNRACL aggraverait fortement son impasse, les régimes des non-salariés restant équilibrés comme les régimes complémentaires; sur la période, la dette du Régime général (non reprise par la CADES) exploserait de 2,4 Md€ en 2023 à 370 Md€ en 2045 et celle de la CNRACL à 125 Md€, mais les réserves des régimes complémentaires se monteraient à près de 350 Md€, excédant sensiblement la règle d’or des six mois de réserves.

Quatrièmement, sans faire de préconisation, la Cour des comptes présente ensuite les leviers qui pourraient être mis en œuvre pour rééquilibrer le système. En premier lieu, l’âge légal de départ, qui constitue le levier dont l’effet est le plus rapide : elle souligne l’effet positif de la réforme de 2023, qui atteint son « pic » en 2032, et qui s’accompagne d’un impact positif sur le PIB, et elle chiffre les conséquences qu’aurait son arrêt, en bloquant l’âge légal de départ à 63 ans, à -5,8 Md€ en 2035 (ce qui porterait alors le déficit à plus de 20 Md€). Inversement, si l’âge légal était porté à 65 ans, le déficit en 2035 serait réduit d’entre 4,7 et 8,6 Md€ selon les générations prises en compte ; en second lieu, elle évalue l’effet d’une augmentation de la durée d’assurance requise de 172 à 176 trimestres, qui rapporterait 5,2 Md€ en 2035 ; un relèvement d’un point des cotisations de base aurait un rendement annuel compris entre 4,8 et 7,6 Md€ selon les modalités d’application de la mesure, mais l’effet récessif sur l’économie serait important ; enfin, une sous-indexation d’un point des pensions par rapport à l’inflation rapporterait 3 Md€. Le « conclave » des partenaires sociaux s’est ouvert le 27 février, précédé de l’envoi par le Premier Ministre d’une lettre de cadrage qui fixe l’objectif de retour à l’équilibre du système de retraite à 2030, mais il s’annonce très difficile : la délégation FO a claqué la porte dès la première séance, le patronat est hostile à toute remise en cause des 64 ans, le nouveau président de la CPME se montrant toutefois plus ouvert dès lors que l’âge de départ serait indexé sur l’espérance de vie et que serait introduit un système de capitalisation ; parmi les nombreux commentaires, le prix Nobel d’économie Jean Tirole, dans un article des « Échos  » du 13 février, préconise pour sa part de « concilier équité et financement », l’équité passant par un meilleur traitement de la pénibilité qui n’est actuellement pas assez responsabilisant pour les entreprises.

La controverse sur « la vérité du déficit du régime de retraites »

Le débat sur la « vérité sur le déficit du régime des retraites » est alimenté depuis plusieurs mois par les articles de Jean-Pascal Beaufret, inspecteur général des finances honoraires, publiés par le think thank « Fondapol », et qu’il a synthétisés dans une contribution à la Cour des comptes quelques jours avant la sortie des conclusions de la mission flash. La thèse présentée par M. Beaufret ne postule pas qu’il y aurait un « déficit caché » du régime de retraite qui ferait que celui-ci serait in fine plus important que ce qui est affiché par les organismes officiels (le gouvernement, la Cour des comptes, le COR…), mais il fait valoir qu’il y a un problème de présentation dans les comptes publics, qui affecterait sérieusement la lecture qu’on peut avoir du déficit public global. L’auteur rappelle le principe que les régimes de protection sociale par répartition doivent être financés exclusivement par les cotisations et les impôts affectés. Or il apparaît que les régimes de retraite, pris dans leur ensemble, sont financés à hauteur de 80 % par les cotisations et des impôts affectés, et à hauteur de 20 % par des subventions. Cela correspond en 2024 à un besoin de financement de 81 Md€ couvert à hauteur de 53 Md€ par les employeurs publics (pour combler le déficit des pensions des personnels civils et militaires de l’État – 44Md€ – et celui de la fonction publique territoriale et hospitalière), de 13 Md€ par les subventions aux régimes spéciaux, et enfin de 17 Md€ par les transferts de compensation aux caisses de retraite des autres branches de la Sécurité sociale et de l’UNEDIC au titre des avantages de retraite non contributifs (majoration des pensions pour 3 enfants…). Comme il n’y a pas de regroupement consolidé et individualisé des comptes de retraite, la charge pour l’État (qui est présentée comme une surcotisation avec un taux fictif de 97 % pour ses personnels civils et militaires, sans rapport avec celui de droit commun de 28% pour le régime général) est imputée, en comptabilité nationale, dans le compte des administrations publiques, au sous-secteur de l’État ; il s’ensuit que dans la présentation du déficit public la part imputable à l’État est très surévaluée et celle des administrations de Sécurité sociale – qui apparaissent toujours en excédent jusqu’à présent – sous-évaluée : ainsi, une réimputation des charges et des ressources des régimes de retraite pour le déficit de 2024 (6,1 % du PIB) ferait passer la part de l’État et administrations publiques centrales de 5,4 à 1,6 points de PIB, celle des administrations locales de 0,7 à 2 points de PIB et celle des ASSO de 0 à 2,5 points de PIB. Cette correction serait sans incidence sur le déficit public global qui resterait à 6,1 %, mais elle changerait sensiblement la perception que l’on peut avoir de la responsabilité du déficit public, qui fait incomber à l’État l’essentiel de ce déficit, alors qu’il ne pèse qu’à hauteur de 38 % dans la dépense publique. Selon M. Beaufret, cette présentation exerce un effet d’éviction sur les autres domaines de politiques publiques et surévalue artificiellement l’effort attribuée à celles-ci : pour ne citer que l’exemple de l’effort national de défense – sujet majeur actuellement – les 2 % du PIB qu’il doit représenter comprennent une part de 15 % au titre des surcotisations des pensions militaires. Ceci serait de nature à fausser les arbitrages de la collectivité nationale dans ses choix de politique publique. Selon l’auteur, un autre défaut dans la présentation des comptes de retraite est l’insuffisance de l’information sur les avantages non contributifs (évalués entre 58 et 81 Md€) qui peuvent améliorer généreusement la situation d’un grand nombre de retraités et concourent à la politique de redistribution, rendant difficiles les comparaisons internationales. Il fait 10 suggestions visant à clarifier les présentations, sans avoir à modifier les textes financiers. Le Premier Ministre qui, en tant que Commissaire général au plan dans un rapport de 2022, avait partagé la même analyse sur l’incorporation des surcotisations du régime public, a renoncé à mettre celui-ci dans le champ des discussions du conclave, ce qui aurait soulevé la fronde de l’ensemble des partenaires sociaux et conduit à l’échec de la négociation. A signaler également sur le même sujet une note d’analyse du site FIPECO sur la signification du déficit de la Sécurité sociale.

->Assurance Chômage

La fin des excédents de l’UNEDIC

Les dernières prévisions financières de l’UNEDIC sonnent le glas du redressement spectaculaire du régime qui se profilait depuis deux ans. En effet, selon ces prévisions, le solde financier devrait rester proche de l’équilibre pour les exercices 2024, 2025 et 2026 au lieu de dégager des excédents. En premier lieu, la responsabilité en incomberait à l’augmentation du nombre des chômeurs indemnisés depuis 2024, dont la charge sera toutefois atténuée par l’effet des réformes de l’indemnisation intervenues en 2023 et 2024. Pour mémoire, l’impact de la convention de novembre 2024 (v. Repères, nov. 2024) est estimé à 1,5 Md€ annuels en régime de croisière. En second lieu, vont intervenir l’effet de la diminution des compensations d’exonération par l’État au profit de l’UNEDIC pour assurer le financement de France Travail et de France Compétences, ainsi que celui des changements d’assiette des cotisations des travailleurs indépendants qui vont diminuer les affectations de CSG à l’Assurance chômage. En conséquence, le désendettement du régime va être interrompu, se stabilisant autour de 59 Md€ entre 2024 et 2026, alors qu’il aurait pu être réduit à 46 Md€ sans les prélèvements de l’État.

->Solidarité/Lutte contre la pauvreté/ Revenu universel

Satisfecit de la Cour des comptes à la « contemporanéisation » du versement des aides personnelles au logement

La Cour des comptes a rendu ses observations définitives sur l’opération de « contemporanéisation » des aides personnalisées au logement. La « contemporaneisation » vise à synchroniser le versement de l’aide avec le niveau de ressources de l’allocataire. Avant le 1er janvier 2021, le calcul des aides au logement au titre de l’année n se fondait sur les déclarations fiscales établies en année n-2. Désormais, depuis la réforme, il se fonde sur les ressources de l’année écoulée, du mois m-13 au mois m-2, grâce à l’automatisation des déclarations des revenus perçus. Outre la possibilité de réaliser des économies budgétaires, la réforme vise également à simplifier le parcours-usager des allocataires, et à réduire les différences de traitement entre ceux-ci. Elle a été mise en œuvre par la CNAF dans le cadre de la refonte de son système d’information. L’économie sur le versement des prestations s’est élevée à 1,1 Md€ en 2021 (sur un montant de 17 Md€), au prix d’un investissement informatique évalué à 100 M€, l’économie résultant d’une diminution du nombre des bénéficiaires et non du montant moyen de l’aide servie mensuellement qui est resté constant. Subsistent un certain nombre de questions comme l’imprévisibilité du montant de l’aide qui peut insécuriser les allocataires à activité irrégulière, une certaine complexification du traitement des dossiers et la difficulté de faire des prévisions budgétaires du fait du calcul en temps réel des allocations. Sur le plan structurel, la réforme n’a pas conduit à remettre en cause les lourdeurs intrinsèques du système des aides au logement. Pour autant, la Cour des comptes conclut que « cette modernisation du mécanisme de délivrance des aides a constitué plus qu’un aménagement technique et peut figurer comme un processus de transformation administrative relativement inédit servant d’exemple, sinon de modèle, à d’autres évolutions de la gestion en masse des données administratives ». La « contemporanéisation », qui est un des leviers de la politique de « solidarité à la source », devrait être étendue le 1er mars 2025 au RSA et à la Prime d’activité.

FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->Politique fiscale

Le premier rapport de la Cour des comptes de l’année : des recettes fiscales décevantes ?

La Cour des comptes considère que la France est « au pied du mur » (v. supra.). Il s’agit d’une dégradation exceptionnelle et inédite en période de croissance économique. Si la faible progression des impôts expliquait en partie la contre-performance de 2023, dans son premier rapport sur la situation des finances publiques de l’année 2025, la Cour des comptes souligne que le dérapage de l’exercice budgétaire de 2024 est aussi dû à des recettes fiscales décevantes, même si la flambée de la dépense publique a été principalement pointée du doigt (v. supra.). La dérive des finances publiques, loin de s’être inversée, ni même simplement interrompue en 2024, s’est au contraire accentuée. Ce dérapage s’explique en partie par l’impact sur 2024 de la très mauvaise année 2023, mais l’essentiel de la dérive est imputable à l’année 2024 elle-même. La quasi extinction des mesures d’aides exceptionnelles de soutien face aux crises sanitaire et inflationniste a partiellement masqué une perte de contrôle budgétaire. Les finances publiques apparaissent « hors de contrôle » aux yeux des magistrats financiers. Un nouveau dérapage au cours de l’exercice budgétaire 2025 serait critique. L’urgence des efforts à mener est réelle. De surcroît, près de la moitié des hausses de prélèvements inscrites en loi de finances pour 2025 est présentée comme temporaire, ce qui reporte sur les années suivantes l’effort structurel de redressement des finances publiques. Dans ce contexte, le Premier président de la Cour des comptes s’est dit « inquiet ». Pour la loi de finances pour 2025 tout juste adoptée par le Parlement, qui a pour objectif un déficit public de 5,4 % du PIB, l’effort d’ajustement repose quasi exclusivement sur des hausses d’impôts et de cotisations sociales (v. supra), et le rapport souligne qu’il ne faut pas totalement occulter le rendement budgétaire incertain de certaines mesures fiscales comme la surtaxe des bénéfices des grandes entreprises (v. Repères, janv. 2025). Les dérapages budgétaires des exercices 2023 et 2024, liés à l’instabilité politique à l’Assemblée nationale, et si la France maintient son objectif de réduction du déficit public en-deçà de 3 % du PIB en 2029, rendent l’ajustement budgétaire à réaliser pour la France, comme elle s’y est engagée auprès de l’Union européenne, d’une ampleur inédite (environ 110 Md€). Comme l’a souligné le Premier président de la Cour des comptes, « nous ne pouvons plus nous permettre de reporter nos efforts (…) Si nous ne le faisons pas de manière volontaire, nous finirons par y être contraints ».

Lancement de la préparation du PLF pour 2026 et de son volet fiscal

Le ministère des finances a lancé la procédure de préparation du PLF pour 2026 en maintenant l’hypothèse d’une valeur stable du point d’indice. Après la circulaire adressée le 22 janvier 2025 aux ministères dépensiers par la Direction du Budget, la Direction de la législation fiscale au sein de la DGFIP lance aussi la procédure de préparation des textes fiscaux pour 2026. Si cet exercice a lieu chaque début d’année pour l’année suivante, il s’inscrit cette année dans un contexte exceptionnel de retard de la promulgation de la loi de finances initiale pour 2025, et d’un début d’exercice marqué par le régime des services votés mis en place au sein de l’Administration française. L’adoption tardive de la loi de finances pour 2025 par le Parlement, le 6 février, laisse finalement peu de répit au Gouvernement dans le redressement des comptes publics et la préparation des textes financiers. L’effort doit être important pour ramener le déficit public sous le seuil des 5 % du PIB : sera-t-il sur les recettes ou les dépenses ?

Sondages : un appel à la stabilité fiscale ?

Selon un sondage Élabe pour le journal « Les Échos », si les contribuables sont soulagés de disposer d’une loi de finances pour 2025, environ deux tiers d’entre eux (64 %) estiment qu’il est important que la France retrouve une forme de stabilité fiscale alors même qu’ils estiment imparfait le texte financier dernièrement voté par le Parlement. L’opinion publique serait-elle redevenue raisonnable ? D’une part, les citoyens semblent désormais avoir conscience que la France a un problème d’endettement public qu’il convient de résoudre. D’autre part, ils souhaitent désormais que le législateur traite des autres sujets qui les préoccupent. Politiquement, l’adoption par le Parlement du PLF et du PLFSS pour 2025 satisfait les électeurs d’Ensemble (90 %), de LR (78 %) et, dans une moindre mesure, du RN (60 %). Finalement, seule la gauche apparaît divisée sur ce sujet. Les sympathisants socialistes sont satisfaits de la situation après les concessions obtenues auprès du Gouvernement (72 %), ce qui n’est pas le cas des sympathisants de LFI (31 %), dont les motions de censure déposées par les députés LFI n’ont pas réuni de majorité derrière elles à l’Assemblée nationale. Les contribuables sont partagés sur l’effort fiscal exigé pour le redressement des finances publiques. Seule une courte majorité d’entre eux (53%) est favorable au maintien de la hausse de la fiscalité pour les ménages les plus aisés et les grandes entreprises pour les prochaines années. Le sujet est donc source de discorde. En effet, d’autres contribuables (46 %) considèrent, au contraire, que ces hausses d’impôts doivent demeurer exceptionnelles et limitées dans le temps. On observe une oscillation au sein de l’opinion publique entre ceux qui expriment un « ras-le-bol fiscal » et ceux qui ressentent un sentiment d’injustice fiscale. Faut-il rappeler que parmi les 40,7 M de foyers fiscaux en France, seuls 17,6 M d’entre eux sont imposés, alors que 18,4 M ne le sont pas (selon le dernier rapport d’activités de la DGFIP, v. Repères, juin 2024). Toutefois, une majorité (58 %) a parfaitement conscience que l’augmentation des impôts pour les plus fortunés et les grandes entreprises peut entraîner une perte d’attractivité et une dégradation de la situation économique de la France par rapport aux États voisins. De son côté, le patronat a publiquement critiqué les hausses d’impôts décidées dans le cadre du PLF pour 2025. Pour 75 % des dirigeants d’entreprises, le PLF pour 2025 est dépourvu de stratégie économique de long terme, selon un sondage OpinionWay pour le journal « Les Échos ». Il y a consensus en leur sein pour considérer qu’il s’agit d’un texte financier imparfait pour l’économie, pour l’emploi, fait dans l’urgence et dans un contexte politique incroyablement instable (v. Repères, janv. 2025). Les industriels français tirent la sonnette d’alarme, dénonçant des impositions nettement plus fortes qu’ailleurs pesant sur l’économie française. Les droits de douane annoncés par l’administration Trump compliquent une situation déjà délicate pour l’industrie en France. Aujourd’hui, la taxation directe et indirecte en France est la plus élevée au sein de l’Union européenne…

Validation par le Conseil constitutionnel de la loi de finances pour 2025

Par sa décision (Cons. const., décis. n° 2025-874 DC, 13 févr. 2025), le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de finances pour 2025, dont il avait été saisi par deux recours émanant chacun de plus de 60 députés (RN et LFI). Était notamment contestée par l’un des deux recours la procédure d’adoption de la loi de finances pour 2025. Les députés requérants reprochaient en particulier au Gouvernement d’avoir méconnu les délais impartis pour la présentation d’un rapport du Gouvernement, avant le 15 juillet (art. 48-I LOLF), notamment sur les plafonds de crédits envisagés pour l’année à venir pour chaque mission du budget général ; et pour le dépôt du PLF pour 2025, avant le premier mardi d’octobre (art. 39 LOLF). Ils faisaient également valoir que le Gouvernement aurait refusé de communiquer certains documents budgétaires au président et au rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale (art. 57 LOLF), notamment les lettres plafonds (v. Repères, sept. 2024). Statuant au regard des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, le Conseil constitutionnel rappelle que, selon une jurisprudence constante, une éventuelle méconnaissance des dispositions organiques ainsi invoquées ne saurait faire obstacle à l’examen du PLF concerné. La conformité de la loi de finances à la Constitution doit alors être appréciée au regard tant des exigences de continuité de la vie nationale que de l’impératif de sincérité qui s’attache à l’examen des lois de finances pendant toute la durée de celui-ci. Il relève que, s’il ressort des travaux préparatoires que le rapport précité et le PLF pour 2025 n’ont pas été transmis au Parlement dans les délais requis (10 oct. au lieu du 1er oct.), il n’en est pas résulté, compte tenu des circonstances exceptionnelles ayant conduit à la formation tardive du Gouvernement, de la date de dépôt effective du PLF pour 2025 et de ses conditions d’examen, d’atteinte substantielle aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. Le Conseil constitutionnel juge en outre que, si les députés requérants soutiennent que certains documents n’auraient pas été fournis au président et au rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale malgré leurs demandes, ils n’établissent pas que, pour très regrettable qu’elle ait été, cette circonstance aurait porté une atteinte substantielle aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. De l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel déduit que les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire n’ont pas été méconnues. Par conséquent, la loi de finances pour 2025 a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.

Au nombre des dispositions contestées de la loi déférée, figurait notamment son article 17 instaurant une taxe assise sur certains revenus de l’exploitation des centrales électronucléaires historiques et prévoyant les modalités de son reversement au consommateur final d’électricité. Selon les auteurs de l’un des recours, l’entrée en vigueur de ces dispositions n’étant fixée qu’à compter du 1er janvier 2026, ces dispositions méconnaissaient le principe d’annualité budgétaire et n’avaient pas leur place en loi de finances en ce qu’elles traitaient de la régulation et à la fixation des prix et des tarifs d’électricité. Le Conseil constitutionnel rappelle que selon le texte organique (art. 34-I-2e LOLF) dans la première partie, la loi de finances de l’année « comporte les dispositions relatives aux ressources de l’État ». Il relève que le législateur précise les missions et prérogatives attribuées à la Commission de régulation de l’énergie dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle taxe sur l’utilisation de combustible nucléaire pour la production d’électricité. Le Conseil constitutionnel juge que ces dispositions, relatives à la répartition de cette ressource et à son contrôle, constituent, avec celles instituant la taxe et celles précisant son assiette, les éléments indivisibles d’un dispositif d’ensemble. Elles en sont, dès lors, inséparables et doivent être regardées comme ayant leur place en loi de finances au titre des dispositions relatives aux ressources de l’État. La loi déférée, qui prévoit notamment que les dispositions contestées entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2026, ne méconnaît ni ces exigences organiques ni le principe de l’annualité de la loi de finances.

Enfin, il censure comme « cavaliers budgétaires » c’est-à-dire comme ne relevant pas du champ des lois de finances défini par la LOLF, ses articles 155, 174, 176, 177, 179, 180, 181, 187 et 194. Il censure également comme introduite en méconnaissance de la règle dite de l’entonnoir son article 108. Le Conseil constitutionnel valide donc l’essentiel de loi de finances pour 2025, ouvrant la voie à sa promulgation par le Chef de l’État. On retrouve donc au sein de celle-ci : l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation (+ 1,8 %), afin de neutraliser ses effets sur le niveau d’imposition des ménages, ce qui aurait représenté 3,7 Md€ d’impôts supplémentaires cette année. Pour rappel, cette disposition n’avait pas pu apparaître dans la loi spéciale de décembre 2024 (v. Repères, déc. 2024). La taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) dite est rehaussée à partir du 1er mars 2025. Une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE) est instituée pour un an (contre deux ans initialement). Elle cible 400 entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 1 Md€ et qui sont redevables de l’impôt sur les sociétés (IS). Cette surtaxe devrait rapporter 8 Md€.

->TVA

Recul du Gouvernement sur les seuils d’assujettissement TVA des petits entrepreneurs ?

Le Gouvernement va-t-il être contraint de faire marche arrière sur la définition des nouveaux seuils d’assujettissement de TVA pour les petits entrepreneurs ? Plusieurs épisodes sont venus rythmer ce feuilleton médiatique au cours du mois de février. Dans un premier temps, au début du mois de février, après une semaine de controverses, au « 20 heures » de France 2, une concertation interministérielle a été annoncée dans l’urgence par le Gouvernement, la mesure fiscale étant suspendue le temps de celle-ci. En effet, la loi de finances pour 2025, adoptée définitivement par le Sénat le 6 février 2025, prévoit l’instauration d’un seuil unique d’exemption de TVA pour les petites entreprises, fixé à 25 000 € de chiffre d’affaires annuel, bien plus bas que les seuils actuellement en vigueur (L. n° 2025-127 du 14 février 2025, art. 32). Il est évident qu’une telle évolution législative contraint des milliers d’autoentrepreneurs. Avant l’entrée en vigueur de ce texte, les autoentrepreneurs étaient dispensés de collecter la TVA quand leur chiffre d’affaires annuel de l’année précédente ne dépassait pas 85 000 € pour les activités commerciales et 37 500 € pour les activités de prestations de services (v. par ex. X. Cabannes, Droit fiscal, Dalloz, coll. « Mémentos », 17e éd., 2023, 220 p.). La création d’un seuil unique fixé à 25 000 € vient contraindre près de 200 000 autoentrepreneurs à la TVA. Le président de la Confédération nationale des petites et moyennes entreprises (CPME) a réclamé le retrait de cette mesure, source de complexités, prise sans aucune concertation, venant pénaliser les travailleurs les plus modestes. D’autres organisations professionnelles défendent au contraire cette mesure au nom de la lutte contre les distorsions de concurrence, notamment dans le secteur du bâtiment. Par ailleurs, le Gouvernement espérait un rendement budgétaire de 0,4 Md€ de recettes fiscales supplémentaires avec cette mesure (et 0,8 Md€ en année pleine). Dans un communiqué, la DGFIP a précisé que cette mesure visait à « réduire les distorsions de concurrence entre professionnels qui exercent en franchise de TVA et ceux qui y sont soumis pour une même prestation de service ou de travaux » et se justifiait par « une évolution importante des règles européennes en matière de TVA applicable depuis le 1er janvier 2025 ».

Dans un second temps, à l’issue de cette première concertation, et après avoir consulté une cinquantaine de fédérations professionnelles, cette disposition, inscrite dans la loi de finances pour 2025, faisant largement polémique, le Gouvernement a annoncé une prolongation pour trois mois du gel de la mesure jusqu’au 1er juin 2025. Cette disposition, inscrite dans la loi de finances pour 2025, devait entrer en vigueur au 1er mars 2025. Le Gouvernement recherche avec les parlementaires des réponses adaptées aux préoccupations exprimées lors de cette concertation. Durant cette période, les entreprises et autres organismes concernés par cette réforme ne sont pas tenus d’effectuer les nouvelles démarches déclaratives en matière de TVA. Un commentaire devrait être publié au BOFIP avec effet au 1er mars, assurant aux contribuables qui auraient pu être visés qu’ils n’auront rien à acquitter, ni aucune formalité à effectuer. Allons-nous vers l’abrogation de la disposition ? Le Gouvernement regarde avec une attention toute particulière les entreprises de services à la personne, qui pourraient bénéficier en priorité d’un assouplissement, sous l’œil vigilant du Parlement. À suivre…

->Impôt sur le capital

Vers une « taxe Zucman » de 2 % sur les patrimoines les plus significatifs ?

Une proposition de loi, déposée par les députés écologistes, pour instaurer une imposition dite « taxe Zucman » de 2 % sur les patrimoines les plus significatifs a été débattue à l’Assemblée nationale. Inspirée par les travaux de l’économiste Gabriel Zucman (qui a rédigé sa thèse intitulée Trois essais sur la répartition mondiale des fortunes sous la direction de Thomas Piketty, 2013), cette mesure établirait un impôt minimum de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 M€. L’idée de G. Zucman repose sur un constat établi depuis longtemps par les économistes de gauche (C. Landais, T. Piketty, E. Saez, Pour une révolution fiscale ; un impôt sur le revenu pour le XXI siècle, Seuil, 2011). Invité dernièrement au Vatican pour discuter de justice fiscale aux côtés du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, le constat de G. Zucman est le suivant : en France, les 0,0002 % des contribuables les plus riches s’acquittent en moyenne d’un taux d’imposition global de 26 %, contre 46 % pour les 0,1 % les plus fortunés. Cette disparité est due à des stratégies d’optimisation fiscale, qui permettent aux plus grandes fortunes de minimiser leur charge fiscale. On peut citer, par exemple, l’utilisation de sociétés écrans, de holdings, de trusts offshore, ou l’exonération fiscale sur certains types de revenus (comme les plus-values). G. Zucman cherche donc à instaurer un impôt plancher sur le patrimoine, s’assurant que les 0,01 % les plus riches contribuent au minimum à hauteur de 2 % de leur fortune, sur des patrimoines excédant 100 M€. Si la mesure défendue par les députés écologistes était appliquée, elle concernerait environ 1 800 personnes en France et pourrait rapporter entre 15 et 25 Md€ par an à l’État, selon les députées Autain et Sas. Le 20 février 2025, l’Assemblée nationale a adopté cette proposition de loi (116 voix contre 39) avec le soutien des députés PS et de la gauche radicale, et l’abstention du RN. Les groupes Ensemble et LR à l’Assemblée nationale ont, quant à eux, largement dénoncé une mesure « confiscatoire et inefficace ». La proposition de loi est désormais en attente d’un vote du Sénat, qui n’a pas encore inscrit le texte à son ordre du jour, et il est possible qu’il le rejette pour ces mêmes motifs s’il venait à l’examiner.

Ou vers un « impôt minimal différentiel » proposé par le Gouvernement ?

Pendant ce temps, le Gouvernement prépare un texte visant à lutter contre la suroptimisation fiscale, avec une approche sensiblement différente, affirmée suite à la déclaration de politique générale du Premier ministre (v. Repères, janv. 2025). Opposé à la proposition de loi défendue par les députés écologistes, le Gouvernement propose une alternative plus limitée : un « impôt minimal différentiel » égal à au moins 0,5 % du patrimoine – hors biens professionnels, qui ne rapporterait que 2 Md€ par an à l’État. En effet, le Gouvernement craint l’exil fiscal massif des contribuables les plus fortunés, impliquant une perte de capitaux, d’entrepreneurs et d’attractivité pour l’économie française comme cela a déjà été observé par le passé. Ce sont ces mêmes arguments qui militent depuis 2018 pour l’IFI en remplacement de l’ISF, et pour le prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values mobilières. La ministre des comptes publics, A. de Montchalin a donc indiqué à la presse que la contribution dite « taxe Zucman », est « une très mauvaise idée qui va rater sa cible ». Elle a annoncé que le Gouvernement entend lancer une concertation pour affiner le mécanisme qu’il entend mettre en place dans le prochain PLF pour 2026 pour éviter les phénomènes de suroptimisation fiscale. L’entrée en vigueur d’un impôt minimum mondial sur les multinationales en 2024, sous l’impulsion de l’OCDE, démontre qu’un consensus international sur la fiscalité est possible. Une coordination entre les États européens afin de limiter la concurrence fiscale et assurer une taxation plus juste des grandes fortunes est évoquée depuis longtemps au sein de l’Union européenne mais elle reste difficile à mettre en œuvre en raison des divergences entre les États membres. La France ne risque-t-elle pas de faire cavalier seul comme avec la taxe GAFA en 2019 ? En attendant, l’Assemblée nationale devra poursuivre les débats et potentiellement affronter la résistance du Sénat et du Conseil constitutionnel sur la contribution dite « taxe Zucman », possiblement abandonnée au profit du dispositif gouvernemental dont les lignes peuvent encore bouger.

->Impôt sur les sociétés

Taxe GAFA : l’administration Trump entend intimider la France, Bercy reste ferme

our mémoire, les USA ont signé avec la France et d’autres États une prolongation de leur accord de non-agression sur la taxe GAFA en février 2024 (v. Repères, févr. 2024). Ce compromis trouvé en 2021 pour éviter une guerre commerciale doit prendre fin lorsqu’une taxe mondiale sur les profits des multinationales sera instituée. En effet, les USA, la France, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni avaient annoncé l’an passé, dans un communiqué commun, prolonger « l’Accord transitoire relatif aux taxes nationales sur les services numériques ». Rappelons qu’en 2019 la France était l’un des premiers États à adopter une taxe sur les services numériques (L. n° 2019-759 du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques dite taxe GAFA) visant à imposer les géants du numérique sur leur chiffre d’affaires en France. A l’époque, en rétorsion, l’administration Trump avait menacé de taxer les produits français comme le vin ou le luxe. Le bras de fer s’était conclu en octobre 2021 par un accord politique avec l’administration Biden, prolongé en 2024. Les signataires s’engageaient à s’efforcer de résoudre toute nouvelle divergence de vues par un dialogue constructif. Les États ayant adopté une taxe GAFA, s’engageaient à y mettre fin progressivement lorsque sera adopté le pilier 1 de la réforme sur la fiscalité internationale menée par l’OCDE et le G20. L’administration Trump a été accusée à l’époque de volontairement faire durer des discussions déjà extrêmement complexes. Grâce à une administration Biden plus ouverte à la discussion, l’aboutissement de ces négociations (et donc la fin des taxes GAFA) était prévu pour une signature en 2022, une entrée en application en 2023. Depuis février 2024, le programme est en cours de finalisation des travaux de l’OCDE/G20. En décembre 2024, l’avenir du « Montant A », volet le plus médiatisé du Pilier 1 de la réforme de la fiscalité internationale initiée par l’OCDE, était toujours aussi incertain. En France, la taxe GAFA rapporte environ 0,8 Md€ chaque année depuis sa mise en œuvre. Elle serait maintenue par la France si les discussions devaient encore s’éterniser. C’est pourquoi la taxe GAFA est à nouveau dans le viseur de l’administration Trump…

Accroissement de la fiscalité sur les tabacs, boissons sucrées et jeux d’argent

Les parlementaires ont interdit « les puffs » considérés comme une porte d’entrée vers le tabac classique chez les jeunes. En outre, il se trouve que ces produits jetables et parfumés sont un véritable fléau environnemental. Constitués de composants particulièrement nocifs (métaux lourds, lithium, nicotine, etc…), aucune filière de collecte n’existe et les « puffs » ne sont donc pas recyclables. Ces produits, présentés comme inoffensifs, entraînent les jeunes sur le dangereux chemin du tabac, responsable à lui seul de 68.000 nouveaux cancers chaque année et 46 000 décès par cancer. Les parlementaires ont donc opéré un tour de vis fiscal sur l’univers du tabac selon un objectif dissuasif. Les sénateurs ont adopté un amendement au PLFSS pour 2025 visant à porter, dès l’an prochain, le prix du tabac à un niveau qu’il aurait dû atteindre en 2027. Avec cette fiscalité renforcée, les sénateurs espèrent dégager en 2025 environ 200 M€ supplémentaires, rejoignant les conclusions d’un récent rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (MECSS) de la commission des affaires sociales du Sénat, lequel « préconise de renouer avec une augmentation des prix du tabac significativement supérieure à l’inflation », afin notamment de « conforter la forte baisse de la prévalence du tabagisme quotidien chez les lycéens », passée de 30,8 % en 2011 à 6,2 % en 2022. La mesure a été largement validée par 241 voix contre 2. Par ailleurs, les sénateurs ont aussi créé un nouvel impôt sur les sachets de nicotine (les « snus » ou « pouches »), en complément du projet d’interdiction par décret, prévu par le Gouvernement, de la commercialisation de ceux qui dépasseraient la limite de 16 mg. Concernant la fiscalisation, il est proposé de fixer l’accise à 22 € pour 1 000 grammes, dans un premier temps. Pour une boîte de 20 sachets contenant entre 8 et 16 grammes de substances à consommer, le montant de l’accise serait ainsi compris entre 18 et 35 centimes. Sachant qu’une boîte de 20 sachets est vendue environ 7 €. Le montant de l’accise devra ensuite être progressivement augmenté, pour atteindre 44 € pour 1 000 grammes en 2026 et 66 € pour 1 000 grammes en 2027. Le niveau de fiscalisation prévu pourrait rapporter là encore près de 200 M€ dans les prochaines années, selon les sénateurs. Enfin, la taxe soda sur les boissons sucrées a été alourdie, tout comme la fiscalité sur certains jeux d’argent…

->Fiscalité locale

La gestion numérique à distance des anomalies sur les erreurs de bases fiscales signalées

Les irrégularités sur les bases fiscales provoquent des pertes financières significatives pour les collectivités territoriales et l’Etat chaque année. Les signalements des collectivités territoriales seront désormais mieux pris en compte sur une plateforme collaborative nommée « Passerelle ». Elle est ouverte aux collectivités territoriales dans le périmètre des directions départementales des finances publiques (DDFIP) participant à l’expérimentation. Une fois définies les fiches spécifiques à chaque signalement pour l’assiette foncière, les collectivités vont s’attaquer à l’occupation des locaux professionnels et des logements d’habitation. Ainsi, ce sont quatre collectivités territoriales du secteur communal et intercommunal (Paris, la communauté d’agglomération du Pays basque, la métropole Aix-­Marseille-Provence, la métropole européenne de Lille) à avoir initié la création d’une plateforme de traitement des signalements pour la fiscalité locale, regroupant 346 communes au total et environ 5,5 millions d’habitants. À la suite d’un rapport de la Cour des comptes de 2017, qui demandait à la DGFIP de mieux prendre en compte les signalements des collectivités territoriales pour le suivi et la fiabilisation des assiettes des impôts, proposant la mise en place d’un véhicule numérique, le projet est lancé, avec l’accord de la DGFIP en 2020. Cela peut représenter plusieurs millions de recettes fiscales par collectivités, avec près de 200 à 250 signalements traités annuellement par DDFIP partenaire en lien avec les collectivités concernées. À suivre…

MANAGEMENT PUBLIC
->Fonction Publique d’État

La Cour des Comptes alerte sur la dérive des finances publiques

Dans son rapport sur la situation des finances publiques, la Cour des comptes alerte sur la détérioration des finances publiques. Elle rappelle que le déficit public s’est élevé à 175 Md€ en 2024 (6,0 % du PIB), alors même que d’autres États européens amorcent leur redressement. Cette situation est aggravée par la baisse des recettes fiscales (v. supra.) et par des dépenses publiques dépassant les objectifs. Les magistrats notent également que les dépenses des collectivités territoriales continuent d’augmenter sans qu’un mécanisme d’association de ces organisations à l’effort de redressement des finances publiques n’ait encore été trouvé. Pour la Cour des comptes, si le Gouvernement vise un déficit de 5,4 % du PIB en 2025, l’ajustement repose principalement sur des hausses de prélèvements temporaires (pour plus de 30 Md€) et, sans mesures structurelles, la dette publique pourrait dépasser 125 % du PIB d’ici 2029. La Cour plaide pour une meilleure maîtrise des dépenses publiques, notamment au niveau des collectivités locales, et un effort budgétaire plus crédible pour limiter la charge de la dette.

Le premier ministre appelle à une évaluation des missions de l’État

Lors des « Rencontres des cadres dirigeants de l’État » réunissant les directeurs d’administration centrale, les directeurs d’opérateurs et les chefs d’inspections générales, le Premier ministre a annoncé le lancement d’une revue des missions administratives. Dans son discours, il a pointé l’insatisfaction croissante des citoyens quant à la qualité des services publics et il a demandé à chaque ministère et administration de définir précisément ses missions et de les rendre accessibles aux Français. Ces missions seront ensuite évaluées rapidement (en quelques semaines) en impliquant les différentes parties prenantes (citoyens, professionnels, fonctionnaires). L’objectif final est d’évaluer la pertinence et l’efficacité de ces missions, avant de réfléchir à d’éventuelles réorganisations. Ce travail s’inscrit dans une volonté de rationalisation sans augmentation des dépenses publiques. Le gouvernement prévoit de traiter dans un second temps la question de l’organisation administrative et des blocages structurels. Un Comité interministériel de la transformation publique pourrait être organisé au printemps sur cette thématique.

Bercy publie ses orientations pour le contrôle interne financier

Le 28 janvier 2025, la Direction du Budget et la DGFIP ont publié les orientations du contrôle interne financier (CIF) pour 2025. Le document rappelle que la mise en œuvre du nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics implique une meilleure maîtrise des risques financiers au sein des ministères. Il rappelle également les travaux engagés au cours de l’année 2024 (travail sur l’outil de « diagnostic de la maîtrise des risques (DMR) », premier groupe de travail sur la thématique du « service fait fictif, absent ou erroné »). Pour 2025, un groupe de travail approfondira la thématique du « défaut de pilotage financier des engagements à risques » abordé dans le cadre du processus « commande publique ». Les acteurs sont donc appelés à documenter les dispositifs de maîtrise des risques mis en œuvre dans le cadre de ce processus au sein de leur administration. Par ailleurs, les acteurs devront reconduire en 2025 l’auto-évaluation réalisée dans le cadre du panorama du déploiement du CIF.

->Fonction Publique Territoriale

Les départements inquiets de l’impact financier de la « solidarité à la source »

Le 27 février 2025, l’Assemblée des départements de France a publié un communiqué pour dénoncer le décret de la ministre du Travail, de la Santé des Solidarités et des Familles actant la généralisation de la « solidarité à la source » au 1er mars 2025. La réforme de la « solidarité à la source », qui vise à préremplir automatiquement les déclarations de ressources pour l’attribution du RSA et de la prime d’activité, suscite de vives critiques des départements. Expérimenté dans cinq territoires, le dispositif sera donc généralisé malgré un avis défavorable unanime du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN). Les départements, principaux financeurs du RSA, dénoncent une mise en œuvre précipitée, sans évaluation suffisante de l’impact financier. Ils redoutent une hausse significative des dépenses liée à la diminution du non-recours et réclament une compensation de l’État. L’Assemblée des départements de France regrette l’absence de concertation et aurait préféré un report de six mois, comme prévu pour les bénéficiaires de la MSA. Le gouvernement, tout en reconnaissant les tensions budgétaires, n’a pas précisé les modalités d’un éventuel accompagnement financier des collectivités concernées.

->Transitions

La France se dote d’un institut de surveillance de l’IA

Le 31 janvier 2025, le Gouvernement annonce la création de l’Institut national pour l’évaluation et la sécurité de l’Intelligence Artificielle (INESIA – v communiqué de presse, n° 94). Conformément aux priorités établies dans la Déclaration de Séoul adoptée en mai 2024, cet institut sera chargé de l’évaluation et de la sécurité de l’intelligence artificielle (IA). La structuration de cet institut est confiée au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et à la Direction générale des entreprises (DGE). L’INESIA devra notamment structurer un écosystème d’experts et d’organismes nationaux tels que l’ANSSI, l’Inria, le LNE et le PEReN. Trois missions principales sont assignées à cet institut. Premièrement, l’analyse des risques systémiques liés à l’IA. Deuxièmement, l’appui à la mise en œuvre des régulations en la matière. Troisièmement, l’évaluation de la performance et de la fiabilité des modèles d’IA. L’objectif est de garantir un développement sécurisé et maîtrisé de l’IA, en particulier dans des secteurs sensibles comme la santé, l’éducation et l’industrie. L’INESIA s’inscrira dans une dynamique internationale en rejoignant le réseau des AI Safety Institutes.

Le déploiement de l’IA se poursuit dans les administrations… en ordre dispersé

Alors que l’IA générative mise au point par la DINUM était déjà en phase de test dans plusieurs administrations (v. Repères, sept. 2023), le Gouvernement a annoncé la généralisation d’« Albert », un agent conversationnel destiné aux 5,7 millions d’agents publics. Inspiré de ChatGPT, cet outil vise à faciliter la rédaction, la synthèse et la recherche documentaire. Les ministères devront intégrer l’IA dans leurs processus et un point d’étape est prévu en juin pour évaluer leur progression. Une formation adaptée aux usages de l’IA sera également mise en place pour accompagner les agents. Cependant, l’IA développée par la DINUM ne fait pas l’unanimité et certaines administrations préfèrent développer leur propre projet d’IA. C’est par exemple le cas du Ministère des Armées qui a annoncé le 10 février 2025 le lancement de sa plateforme d’IA générative (« GenIAl.intradef ») disponible pour l’ensemble des armées et utilisable par tous les services et directions. France Travail a également annoncé le 4 février 2025 le lancement d’un partenariat avec Mistral AI dans le but de développer un chatbot sur le modèle de chatGPT (« ChatFT ») et un modèle de matching (« MatchFT ») permettant de rapprocher les offres et les demandeurs d’emploi.

Le SGPE met en place des indicateurs de suivi des COP Régionales

Alors que les COP régionales ont permis de décliner la stratégie nationale de transformation écologique (v. Repères, mars 2024) au niveau territorial, le SGPE travaille sur l’identification d’indicateurs permettant de suivre de façon harmonisée la mise en œuvre régionale de chacun des 43 leviers identifiés (« Suivi des COP Régionales – État des lieux des indicateurs « physiques » de suivi », 26 février 2025, Secrétariat Général à la Planification Écologique). En collaboration avec le Commissariat général du développement durable (CGDD), le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a mené un travail d’identification d’indicateurs physiques (1 à 2 indicateurs maximum par levier) en privilégiant les indicateurs préexistants, notamment ceux suivis dans le cadre des Politiques prioritaires du gouvernement (PPG). Des indicateurs (ou des proxy) ont pu être identifiés pour 75 % des leviers et 15 % des leviers ne peuvent pas être suivi régionalement de façon harmonisée. Désormais, 18 jeux de données permettront d’évaluer concrètement les avancées territoriales sur la transition écologique, avec des mesures comme la consommation d’énergie fossile des bâtiments ou le taux de véhicules électriques. Ces données pourront servir à la réalisation de tableaux de bord régionaux dans le cadre du suivi des COP régionales, chaque année.

FISCALITE EUROPEENNE ET INTERNATIONAL
->Fiscalité européenne

Le Parlement européen adopte la proposition de directive DAC 9/Pilier 2

Le 12 février 2025, le Parlement européen a adopté sans l’amender la proposition de directive « DAC 9 », visant à simplifier les obligations déclaratives des groupes soumis aux règles « Pilier 2 » issues de la Directive (UE) n° 2022-2524 du 14 décembre 2022, transposant elle-même les règles modèles arrêtées par l’OCDE en décembre 2021. Ces obligations s’appliquent aux groupes multinationaux dont le chiffre d’affaires dépasse 750 M€ afin d’assurer le paiement d’un impôt minimal mondial.

L’Union européenne maintien sa liste noire

Lors de sa réunion du 18 février 2025, le Conseil a confirmé la liste de l’UE des Etats et territoires non coopératifs à des fins fiscales qui comprend donc toujours les mêmes 11 pays et territoires figurant dans la dernière version : Samoa américaines, Anguilla, les Fidji, Guam, Palaos, le Panama, la Russie, Samoa, Trinité-et-Tobago, les Îles Vierges américaines et le Vanuatu. Le même jour, le Conseil a adopté un nouveau certificat électronique d’exonération de la TVA destiné à remplacer les formulaires papier.

->Fiscalité internationale

Réciprocité des droits de douane

Le 14 février, la Commission européenne a déclaré que la politique commerciale serait basée sur la réciprocité vis-à-vis de la politique tarifaire avec les États-Unis, écartant notamment les critiques de l’administration Trump contre la TVA au sein de l’Union européenne.

->Monnaies

La Banque d’Angleterre baisse ses taux directeurs

Le 6 février, malgré les tensions inflationnistes persistantes, la Banque d’Angleterre anticipe la baisse des pressions inflationnistes et réagit à la baisse de la croissance en réduisant son taux directeur à 4,5 %, annonçant d’autres baisses cette année. La guerre commerciale lancée par la nouvelle administration américaine participe des craintes sur les prévisions de croissance exprimées par toutes les Banques centrales.

FINANCES PUBLIQUES EUROPÉENNES 1
->Politique européenne

Le financement de la défense européenne

Dans un contexte marqué par les positions de la nouvelle administration américaine, l’UE est confrontée à un enjeu crucial concernant le financement de sa défense. Selon la Commission européenne, la base industrielle et technologique de défense européenne souffre de décennies de sous-investissement. Entre 1999 et 2021, les dépenses de défense combinées de l’UE ont augmenté de 22 % contre 66 % aux États-Unis, 289% en Russie et 579 % en Chine. L’engagement des Etats membres, également membres de l’OTAN, de porter leur effort de défense à au moins 2 % de leur PIB – que tous n’ont pas respecté  – apparaît aujourd’hui en-deçà des exigences au regard du défi de sécurité et des déclarations du Président Donald Trump appelant les États membres à contribuer davantage – à hauteur de 5 % de leur PIB – aux dépenses de l’Alliance atlantique. Le Secrétaire général de l’OTAN M. Mark Rutte a, pour sa part, évoqué un objectif à un peu plus de 3 % lors du sommet sur la défense européenne, le 3 février dernier.

Outre un nouveau plan d’aide militaire à l’Ukraine, le Conseil européen extraordinaire, convoqué le 6 mars prochain, devrait permettre d’approfondir plusieurs pistes de financement de la défense européenne. Une première piste pourrait consister dans une flexibilité accrue des règles du Pacte de stabilité et de croissance afin de dégager des marges de manœuvre supplémentaire pour la défense. La Commission européenne a d’ores et déjà rappelé que, dans le cadre des nouvelles règles du Pacte, il était possible aux Etats membres d’opter pour un ajustement budgétaire plus progressif en l’étayant par un ensemble de réformes et d’investissements, y compris le renforcement des capacités de défense. Ils peuvent ainsi choisir un programme budgétaire étalé sur 7 ans au lieu de 4 ans (choix déjà opéré par l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie et la Roumanie). La présidente de la Commission européenne a évoqué, le 14 février, de manière plus volontariste, une « suspension » des règles budgétaires pour les investissements dans la défense, par analogie avec la suspension des contraintes du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) entre 2020 et 2024 pendant la pandémie de Covid-19. Le Livre blanc sur la défense européenne, que la Commission présentera à la mi-mars devrait donner plus de précisions sur l’application des règles budgétaires de l’UE au regard de soutien des Etats membres à leurs dépenses militaires. Une autre piste pourrait consister à solliciter davantage la Banque européenne d’investissement (BEI) afin qu’elle adapte ses pratiques pour soutenir l’industrie de défense. La présidente de la Commission européenne a annoncé, le 24 février, un plan global visant à accroître la production d’armes et les capacités de défense de l’UE. Ces démarches multiples devront aussi s’articuler avec le programme d’investissement pour la défense actuellement en discussion au niveau européen. Un emprunt européen pour financer la défense pourrait constituer une autre piste mais qui demande de surmonter les réticences de certains Etats membres dans un contexte où l’UE doit aussi trouver les moyens de rembourser l’emprunt contracté pour financer le plan de relance Next Generation EU (v. supra). La création de produits d’épargne fléchés vers la défense peut aussi être une voie à explorer. Enfin le prochain CFP devrait, à compter de 2028, faire une place renforcée aux enjeux de la défense européenne.

La simplification de la législation européenne

Dans le programme de travail qu’elle a présenté le 12 février 2025, la Commission a annoncé onze initiatives de simplification de la législation européenne. Cette priorité doit permettre de réduire d’au moins 25 % les charges administratives, et même d’au moins 35 % pour les PME d’ici la fin du mandat de la Commission. Elle se traduira au cours de l’année par la présentation de trois « paquets omnibus ». Dans un premier « paquet » présenté le 26 février, la Commission a proposé de reporter d’un an le projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD), qui avait suscité l’opposition du secteur privé, et de deux ans les exigences de reporting, prévues par la directive CSRD, pour les entreprises intégrées dans le champ d’application du texte, qui auraient dû produire un rapport à partir de 2026 ou 2027. Elle envisage également de réduire les obligations de déclaration de la taxonomie de l’UE (qui vise à orienter les investissements sur des activités durables en établissant une classification des activités économiques ayant un effet favorable sur l’environnement), en les limitant aux plus grandes entreprises. La commission entend par ailleurs optimiser l’utilisation de plusieurs instruments financiers – dont InvestEU – afin d’accroître les capacités d’investissement de l’UE. Selon la Commission, les mesures qu’elle propose devrait permettre de mobiliser 50 milliards d’euros d’investissements supplémentaires. A cette fin, elle prévoit d’augmenter le montant de la garantie de l’UE de 2,5 Md€ et de favoriser l’utilisation combinée de la garantie InvestEU et des capacités disponibles dans le cadre de trois programmes existants (le Fonds européen pour les investissements stratégiques, l’instrument de prêt du Mécanisme d’interconnexion en Europe et le mécanisme de prêt InnovFin) ce qui permettrait de soutenir de nouvelles opérations de financement et d’investissement de l’instrument financier InvestEU. Cette rationalisation stimulerait la croissance et l’innovation dans des secteurs clés tels que les technologies propres, la numérisation et les infrastructures durables.

Le Pacte vert pour l’industrie

La commission européenne a présenté, le 26 février, son pacte pour une industrie propre qui poursuit le double objectif d’accélérer la décarbonation tout en relançant la compétitivité de l’industrie européenne. Le Pacte mobilisera plus de 100 Md€ en soutien de procédés de fabrication propre au sein de l’UE. Ce montant inclura 1 Md€ supplémentaire de garanties au titre du cadre financier pluriannuel en cours d’exécution.

La commission indique qu’elle adoptera un nouveau cadre pour les aides d’État concernant le pacte pour une industrie propre. Les mesures nationales pour le déploiement des énergies renouvelables pourront ainsi être approuvées plus simplement et plus rapidement. Ce nouveau cadre permettra, selon la Commission, de développer la décarbonation industrielle et de disposer de capacités de production suffisantes en matière de technologies propres.

Par ailleurs, la Commission européenne envisage de renforcer le Fonds pour l’innovation et de proposer une banque de la décarbonation industrielle, qui serait dotée d’une capacité de financement de 100 Md€. La modification du règlement InvestEU (v. supra) permettra, en outre, de mobiliser jusqu’à 50 Md€ d’investissements publics et privés supplémentaires, notamment dans les technologies propres, la mobilité propre et la réduction des déchets. Enfin, la Banque européenne d’investissement (BEI) lancera de nouveaux instruments financiers concrets à l’appui du pacte pour une industrie propre.

Le projet d’Union de l’épargne et de l’investissement

Le rapport d’Enrico Letta, ancien président du Conseil italien, sur le marché unique (avril 2024) a mis en évidence le flux annuel d’épargne européenne qui, chaque année, s’oriente vers l’économie américaine au détriment du financement de l’économie européenne. Ce flux est estimé à 300 Md€ par an. Ce phénomène illustre, selon le rapport Letta, une inefficacité significative dans l’utilisation de l’épargne européenne qui si elle était redirigée vers nos économies contribuerait, de façon substantielle, à réaliser les objectifs stratégiques de l’UE. En réponse, le rapport préconise une Union d’épargne et d’investissements qui non seulement retiendrait l’épargne européenne mais qui rendrait aussi l’investissement en Europe plus attractif à la fois pour les résidents de l’UE et pour les investisseurs des États tiers. Il rappelle les tentatives des dernières années pour bâtir une Union des marchés de capitaux, lancée en 2015 et revue en 2020, qui ne s’est pas concrétisée dans des résultats tangibles en l’absence d’une mobilisation politique forte pour aller au-delà de la dimension de l’intégration des marchés financiers. Il propose d’onc une nouvelle ambition qui ne soit pas limitée à une intégration renforcée au bénéfice du secteur financier et qui soutienne le financement d’objectifs communs qui, à défaut, seraient inatteignables.

Le rapport de Mario Draghi (novembre 2024) sur la compétitivité de l’UE estime pour sa part les besoins d’investissement de l’UE à 750-800 Md€ chaque année. Il propose de réduire la fragmentation des marchés de capitaux en Europe et préconise aussi l’achèvement de l’Union des marchés de capitaux ainsi que le lancement d’une dette commune, sur le modèle du plan Next Generation EU de 2020, afin de mieux orienter l’épargne européenne.

Le 3 février 2025, la Commission européenne a lancé un appel à contribution dans le but de recueillir les avis des parties prenantes (autorités des États, partenaires sociaux, entreprises, consommateurs) sur la mise ne place de l’Union de l’épargne et de l’investissement. Elle prévoit de présenter une communication sur le sujet le 19 mars prochain.

->Budget européen

La préparation du prochain cadre financier pluriannuel

Dans une communication du 11 février 2025, la Commission européenne a présenté la « voie » qu’elle estime devoir être suivie pour le prochain cadre financier pluriannuel qui devrait être lancé en janvier 2028. À l’appui de ses analyses, elle fait valoir les attentes croissantes à l’égard de l’action de l’Union européenne (UE) qui justifient de repenser son cadre budgétaire. Selon la Commission, le budget européen devrait se concentrer sur les défis communs en recherchant la plus grande valeur ajoutée des dépenses européennes. Parmi les défis à relever, elle identifie la compétitivité encore entravée par les obstacles qui subsistent au sein du marché unique, qui ont été mis en évidence par les récents rapports d’Enrico Letta, ancien président du Conseil italien, et de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne. Dans un contexte géopolitique lourd de menaces grandissantes pour la sécurité, l’Union européenne devra aussi agir pour renforcer sensiblement son effort de défense et, en particulier, remédier au sous-investissement dont souffre sa base industrielle et technologique de défense. D’autres défis, non moins considérables, se présenteront tels que la question de la migration irrégulière vers l’Europe, la capacité du marché unique à profiter à tous les citoyens et à toutes les entreprises d’Europe, la sécurité alimentaire et la protection de la nature, ainsi que les catastrophes liées au climat, qui seront plus fréquentes et plus dramatiques avec de lourdes conséquences économiques et sociales.

Dans ce contexte, la Commission européenne suggère de faire le choix d’un budget « plus simple, plus ciblé et plus efficace ». Le budget européen, plus ciblé, devrait permettre de garantir des synergies entre les politiques de l’UE et l’action financière de celle-ci, tout en assurant mieux la promotion de ses intérêts stratégiques. La simplification devrait profiter tout à la fois aux bénéficiaires des fonds européens, encore trop souvent confrontés – en dépit des mesures introduites dans le CFP actuel – à la multiplicité des règles et des critères et à une meilleure organisation administrative par une réduction du nombre de documents de programmation. Enfin, un accent accru sera mis sur la performance, ce qui sera en particulier un défi majeur pour financer la transition écologique en maximisant les investissements publics et en mobilisant les capitaux privés. Elle ira de pair avec la simplification et l’obligation de rendre des comptes.

Parallèlement, le budget européen devra trouver le bon équilibre entre la prévisibilité nécessaire pour les investissements de long terme et la flexibilité indispensable pour réagir aux crises, comme, par exemple, la pandémie de Covid-19 ou la réponse à la crise ukrainienne.

La Commission européenne pose, par ailleurs, la question du financement du budget de l’UE, en soulignant le dilemme que l’UE doit résoudre : rembourser le plan de relance Next Generation EU et promouvoir un budget à hauteur des ambitions affichées ne sauraient se concilier avec des contributions financières nationales stables et l’absence de nouvelles ressources propres. Elle rappelle ainsi qu’avec Next Generation EU, l’UE est désormais le cinquième émetteur du marché européen des capitaux avec une notation de crédit élevée. Pour rembourser le principal et les intérêts de la dette liés à ce plan de relance, environ 25 à 30 Md€ pourraient être nécessaires au cours du prochain CFP, soit près de 20% du budget annuel actuel. La Commission européenne relève donc que, dans l’accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020, le Parlement européen, le Conseil et la Commission sont convenus d’une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres. Elle-même a respecté ses engagements en mettant sur la table des propositions révisées sur le système d’échange de quotas d’émission et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ainsi qu’une ressource propre liée aux bénéfices des entreprises et une autre fondée sur le pilier I de l’accord OCDE/G20 sur la réforme du cadre fiscal international. Elle invite, en conséquence, le Conseil à reprendre d’urgence les travaux sur la question de nouvelles ressources propres.

Les objectifs de simplification, de meilleur ciblage et de plus grande efficacité ne sont pas vraiment nouveaux. Ils ont émaillé les programmations pluriannuelles successives sous des formes diverses et avec des résultats pas toujours aboutis. La Commission n’en affiche pas moins un volontarisme affirmé en considérant que le statu quo n’est pas envisageable. Plus originale est la nouvelle approche qu’elle préconise qui prévoirait notamment un plan par Etat membre, assorti de réformes et d’investissements clés et axé sur les priorités communes, y compris la promotion de la cohésion économique, sociale et territoriale. La Commission entend ainsi pérenniser un schéma déjà mis en œuvre dans le cadre de Next Generation EU. Elle préconise par ailleurs la création d’un fonds européen pour la compétitivité qui regroupera les principaux programmes sectoriels et qui contribuera aussi à mobiliser les investissements privés, un financement remanié de l’action extérieure, des garanties solides pour la protection de l’Etat de droit ainsi que des recettes renforcées et modernisées, notamment avec de nouvelles ressources propres.

Si elle est originale, cette nouvelle approche peut aussi susciter des oppositions – déjà perceptibles au Parlement européen ou en France – sur les thèmes du risque de regrouper de manière excessive les fonds existants, de renationaliser la PAC en la privant d’un budget dédié, d’encourager 27 agendas nationaux au détriment de la plus-value européenne.

À partir de cette première ébauche, la Commission européenne entend poursuivre un dialogue continu et structuré avec les représentants des États et souligne le rôle important du Parlement européen. Elle souhaite aussi associer toutes les parties prenantes à travers une série de consultations publiques thématiques. Une plateforme de participation citoyenne constituera une première étape vers la création d’un panel de citoyens sur le futur budget à long terme. La Commission européenne présentera ensuite, en juillet 2025, ses propositions pour le prochain cadre financier pluriannuel. S’en suivra une longue négociation qui trouvera son point d’aboutissement dans les ultimes arbitrages qui seront rendus par le Conseil européen, c’est-à-dire la réunion des Chefs d’État et de gouvernement, en vue d’une application en janvier 2028.

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1 – Nous précisons de nouveau que les propos tenus ou les opinions exprimées dans ces colonnes n’engagent pas l’institution sénatoriale.

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Aurélien BAUDU (Fiscalité et procédure fiscale – Coordination)

Fabrice BIN (International et Fiscalité européenne)

Florent GAULLIER-CAMUS (Budget de l’État et opérateurs – Comptabilité publique)

Léonard GOURBIER (Management public)

Matthieu HOUSER (Finances locales)

Philippe DELIVET (Finances publiques européennes)

Yves TERRASSE (Finances sociales)