repères_2025

REPÈRES (JANVIER 2025) – REVUE-GFP N°2 – 2025

BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPÉRATEURS
->Données générales sur les finances publiques

PIB : léger repli au quatrième trimestre 2024

Dans une note du 30 janvier 2025, l’INSEE indique que le PIB se replie légèrement au quatrième trimestre 2024 : il recule de – 0,1 %, après + 0,4 % au troisième trimestre, en partie par contrecoup des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris qui ont soutenu la croissance du troisième trimestre. La contribution du commerce extérieur à la croissance est de nouveau négative au quatrième trimestre (- 0,2 point après – 0,1 point) : les exportations diminuent de nouveau ce trimestre (- 0,2 % après – 0,8 %) alors que les importations rebondissent (+ 0,4 % après – 0,4 %). Mais en moyenne sur l’année 2024, le PIB augmente de + 1,1 % (après + 1,1 % en 2023 et + 2,6 % en 2022).

Janvier 2025, les prix à la consommation augmentent de 1,4 % sur un an

Dans une note publiée le 31 janvier 2024, l’INSEE indique que sur un an, selon l’estimation provisoire réalisée en fin de mois, les prix à la consommation augmenteraient de + 1,4 % en janvier 2025, après + 1,3 % en décembre. Le rebond des prix des produits manufacturés et la nouvelle accélération de ceux de l’énergie seraient en partie compensés par le ralentissement des prix des services et du tabac. Les prix de l’alimentation seraient quasi stables sur un an. Sur un mois, les prix à la consommation diminueraient de – 0,1 % en janvier 2025 (après + 0,2 % en décembre). Ce léger repli des prix s’expliquerait par la baisse saisonnière des prix des produits manufacturés, générée par les soldes d’hiver de l’habillement et des chaussures, et par celle des prix des services (notamment du transport), et ce malgré une nouvelle hausse des prix de l’assurance. À l’inverse, les prix de l’énergie, de l’alimentation et du tabac seraient en hausse sur un mois.

->Procédure budgétaire

Avis du HCFP relatif à l’amendement des PLF et PLFSS pour l’année 2025

Le gouvernement Barnier ayant été censuré le 4 décembre 2024, une loi de finances spéciale avait été promulguée le 20 décembre 2024 afin de permettre à l’État de continuer à prélever les impôts et d’emprunter pour assurer la continuité des services publics et ce jusqu’à la promulgation de la loi de finances initiale pour 2025. En janvier 2025, le nouveau Premier ministre, F. Bayrou avait souhaité repartir du PLF déposé en octobre 2024 et là où les débats s’étaient arrêtés en décembre au Sénat après la censure, afin d’adopter au plus vite un projet de loi de finances pour 2025. Le 22 janvier, le Gouvernement a adressé au Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) une demande d’avis sur les modifications apportées au scénario macroéconomique et aux prévisions associées aux projets de lois de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Et dans l’avis publié le 29 janvier, le HCFP estime que la prévision de croissance du PIB pour 2025 (+ 0,9 %), supérieure à celle du consensus des économistes (+ 0,7 %), est atteignable mais un peu optimiste au vu des indicateurs conjoncturels les plus récents. De même, pour le HCFP, la prévision d’inflation (+ 1,4 %) paraît un peu élevée au vu des tendances récentes et de l’atonie de la demande. La prévision de déficit public pour 2024, révisée à 6,0 points de PIB au lieu de 6,1 points en octobre, est plausible même si elle reste affectée d’aléas, notamment sur les dépenses des collectivités territoriales, dont les comptes complets ne seront connus qu’en mars prochain. Elle marquerait une dégradation de 0,5 point par rapport à 2023 et un écart de de 1,6 point par rapport à la prévision du PLF pour 2024. La prévision de déficit public pour 2025 est révisée en hausse : elle passe de 5,0 points de PIB dans le PLF initial à 5,4 points, du fait à la fois de l’actualisation des prévisions macroéconomiques, de la prise en compte d’informations nouvelles sur l’exécution 2024, et de l’abandon de dispositions prévues par les PLF et PLFSS initiaux pour 2025. Pour le HCFP, ce PLF amorcerait l’indispensable trajectoire de réduction du déficit mais offre peu de marges de sécurité. Celle-ci repose en effet sur des mesures à confirmer et sur des hypothèses macroéconomiques un peu optimistes, sur un net ralentissement des dépenses des collectivités locales et une forte maîtrise des dépenses d’assurance-maladie qui doivent être étayées par des mesures plus efficaces que celles qui ont été déployées jusqu’à présent, ainsi que sur une gestion stricte des crédits de l’État. Pour le HCFP, il est indispensable que la France tienne son objectif de retour du déficit sous 3 points de PIB en 2029, comme prévu dans son plan budgétaire et structurel à moyen terme, pour garder le contrôle de ses finances publiques et maîtriser son endettement, tout en finançant les investissements prioritaires et en veillant à ne pas affecter son potentiel de croissance.

->Budgets des opérateurs

Rapport de la Cour des comptes sur la situation de Radio France

Dans son rapport portant sur une entreprise publique publié le 10 janvier 2025, la Cour des comptes s’est intéressée à Radio France, société anonyme détenue à 100 % par l’État. La Cour des comptes constate que dans un marché de la radio en déclin, avec une baisse de 8% du nombre d’auditeurs depuis 2017, Radio France a réussi à augmenter son audience. En 2023, le groupe détient 30% de part d’audience, quand les antennes de France Inter et France Info figurent parmi les trois radios les plus écoutées. La Cour salue notamment une transformation numérique réussie. Pionnière dans le domaine des podcasts et disposant de ses droits (puisqu’elle produit elle-même ses contenus), Radio France cumule plus de la moitié des écoutes de podcasts. Cette réussite repose sur une intégration croissante des productions linéaires et numériques, afin de mobiliser tous les canaux de diffusion disponibles. La Cour des comptes souligne également que le plan d’économie de l’audiovisuel public de 2018 à 2022 a été suivi en 2023 et 2024 d’une augmentation des crédits de fonctionnement qui atteignent 616 M€ en 2024. Toutefois, pour la Cour des comptes, la progression de la masse salariale et la dynamique des amortissements alimentent une trajectoire haussière des charges, qui nécessitera des mesures d’économie. Radio France emploie environ 5 000 salariés dont environ 4 000 permanents et un millier de collaborateurs occasionnels. Le cadre social, marqué par des accords collectifs avantageux et une multiplicité des statuts, freine néanmoins l’adaptation de l’organisation et complique la gestion des équipes. En particulier, les règles très favorables en matière de congés pèsent sur l’organisation du travail et conduisent à recourir dans des proportions importantes à des contrats précaires.

La Cour évoque également que la réhabilitation de la Maison de la Radio, chantier engagé en 2004 est conduit de manière adaptée à l’ampleur du projet même si le coût final de la réhabilitation s’établit à 493 M€ HT soit 39% de plus que le coût initial estimé en 2008 et atteint près de 600 M€ HT (ou 700 M€ TTC) si l’on tient compte de la rénovation des studios de création. Enfin, confronté à l’érosion des audiences de France Bleu, nouvellement renommé « Ici », Radio France a déployé de nouvelles propositions numériques au service de son offre de proximité. Le réseau représente plus d’un tiers des effectifs et des moyens du groupe. Le rapprochement avec France 3, souhaité par les tutelles, est resté jusqu’ici limité au développement, outre les matinales filmées, d’une application et d’un site communs. La Cour des comptes conclut qu’avec des ressources publiques et commerciales contraintes, des mesures d’efficience doivent être anticipées pour préserver l’équilibre financier de l’entreprise. Aussi, si Radio France veut conserver sa position de premier plan, et sur le sujet brulant mais déterminant des ressources humaines de de la masse salariale, outre les départs naturels, une évolution des accords conventionnels apparaît nécessaire. L’évolution du cadre conventionnel très favorable, auquel les salariés sont extrêmement attachés, implique un risque élevé de conflit social qui bloque pour le moment toutes transformations majeures, pourtant jugées indispensables par la Cour des comptes.

COMPTABILITÉ PUBLIQUE
->Responsabilité des gestionnaires publics

Nouvel arrêt de la chambre du contentieux de la Cour des comptes en janvier 2025

Le 8 janvier 2025 la chambre du contentieux a mis en ligne un nouvel arrêt portant sur la Fondation Assistance aux Animaux. Par cet arrêt, les magistrats financiers ont sanctionné la présidente de la fondation et son directeur. La chambre du contentieux a constaté que la présidente avait acquis des biens immobiliers en Corse et à Strasbourg et renouvelé des conventions de lobbying sans y être habilitée par les instances de la fondation. Elle a également constaté que le directeur avait engagé divers chantiers de travaux sans en avoir le pouvoir. Ils ont ainsi commis l’infraction définie au 3° de l’article L. 131-13 du code des juridictions financières pour avoir engagé une dépense, « sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation à cet effet ». La chambre du contentieux de la Cour des comptes a prononcé une amende de 1 500 € à l’encontre de la présidente de la fondation et une amende de 1 000 € à l’encontre du directeur. Et pour la fixation du quantum de l’amende, les magistrats de la Cour des comptes ont notamment retenu comme circonstances d’une part l’ancienneté des personnes dans leur fonctions, qui ne pouvaient méconnaître les règles internes de la fondation (circonstance aggravante), d’autre part le défaut de contrôle du conseil d’administration qui n’a jamais joué son rôle d’alerte (circonstance atténuante).

FINANCES LOCALES
->Données générales sur les finances locales

Analyse de la Banque postale suite à la loi spéciale

Dans ce document traditionnel, la Banque postale apporte des éclaircissements sur la situation financière actuelle locale. L’un des points forts de cette note concerne l’analyse de la conjoncture permettant d’éclairer les orientations à prendre. Cette note détaille également les projets de modification prévus par le projet de loi de finances pour 2025, toujours en discussion au Parlement. Avec la loi spéciale, aucune dépense nouvelle (sauf urgence nationale) ne peut être mise en œuvre. Seules seront financées les dépenses d’investissement correspondant à des projets en cours de réalisation et ceux relevant d’un besoin urgent ; surtout, les dépenses discrétionnaires comme les dotations, subventions, appels à projets et soutiens divers sont suspendus.

Rapport de la Cour des comptes en matière de fiscalité locale

La Cour des comptes vient de rendre un rapport, qui questionne les différentes réformes de fiscalité locale menées depuis quelques années. Ce rapport, à charge, revient sur les conséquences des différentes réformes notamment suppression de la taxe d’habitation et baisse de la CVAE). Pour les juges financiers, ces réformes ont coûté près de 34 Md€ avec parfois un effet anti-redistributif. En outre, les collectivités ont perdu des ressources importantes et sont moins incitées à construire des zones d’activités et des logements. On aurait pu s’attendre à des propositions plus innovantes, compte tenu de la teneur des critiques.

->Secteur public local

Circulaire concernant la mise en œuvre du décret relatif aux services votés au plan local

La circulaire du 22 janvier 2025 permet d’apporter quelques éclaircissements par rapport à la situation exceptionnelle de ce début d’année. Conformément à l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le Gouvernement a pris un décret ouvrant les services votés. Pour les collectivités territoriales, cela va principalement se matérialiser par un retard dans le versement des acomptes de fiscalité et de DGF.

Procédure budgétaire
->Situation des comptes sociaux

HCFiPS : état des lieux du financement de la protection sociale en France à l’orée de 2025

Le Haut conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPS) a publié son état des lieux sur le financement de la protection sociale. Pour 2024, il reprend le constat, établi par la dernière Commission des comptes de la Sécurité sociale et les données associées au PLFSS pour 2025 (v. Repères, oct. 2024), de l’aggravation du déficit de la quasi-totalité des organismes de Sécurité sociale ; le solde des administrations de Sécurité sociale (dites « ASSO », ce qui inclut les excédents structurels du Fond de réserve des retraites et de la CADES) passerait de 0,4 % du PIB en 2023 à 0 % en 2024, tandis que le solde des régimes obligatoires de base et du FSV (périmètre de la LFSS) serait de – 18,4 Md€, du fait de la nette contraction des recettes et du dépassement des dépenses de l’ONDAM. Pour 2025, pour les régimes de base et le FSV, le HCFiPS ne peut que prendre acte du blocage du processus législatif, et s’en tenir à l’hypothèse de déficit tendanciel de la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS) d’octobre 2024 de – 28 Md€ dont 19 Md€ pour l’Assurance maladie et 10 Md€ pour la Vieillesse, mais, à la fin janvier, l’incertitude reste grande sur le déficit attendu pour le PLFSS pour 2025 dont l’aboutissement reste encore incertain (v. infra.). Surtout la note du HCFiPS met particulièrement l’accent sur l’endettement de la Sécurité sociale. Aux termes des quatre années (2020-2023) de reprise de dette par la CADES prévue par la loi du 7 août 2020, il n’existe plus aucune possibilité de reprise pour les années 2024 à 2028, alors même que les prévisions associées au PLFSS pour 2025 prévoient un déficit cumulé de 85 Md€ pour cette période. Une nouvelle reprise exigerait une prolongation de 2033 à 2038 de la durée de vie de la CADES. En tout état de cause, en l’absence de reprise, l’ACOSS devrait porter une dette de 80 Md€ dès 2026, ce qui n’est pas tenable. Le HFiPS préconise, parallèlement à une nouvelle mesure de reprise de dettes une stratégie de moyen terme de rééquilibrage des comptes sociaux avec un pilotage resserré des ressources.

Augmentation des dépenses de protection sociale en Europe en 2023

La DREES a publié son rapport sur l’état de la protection sociale en Europe en 2023, qui analyse le niveau de dépense par risque (maladie, vieillesse, chômage, etc.) dans les différents États de l’Union européenne. En 2023, les dépenses de prestations sociales, repartant à la hausse, ont représenté en moyenne 26,6 % du PIB dans les États de l’UE et 31,5 % du PIB en France, malgré un recul par rapport à 2022. Les dépenses d’assurance vieillesse constituent près de la moitié du total des prestations, la France occupant le troisième rang par rapport à sa richesse nationale (14,2 % du PIB par rapport à une moyenne de 12,6 %), derrière l’Italie et l’Autriche. Les dépenses d’assurance maladie-invalidité constituent un tiers des prestations, la France dépensant un peu plus que la moyenne européenne (11,5 % du PIB contre 10 % dans l’UE). Les prestations famille représentent 2,3 % du PIB en France (7e rang), comme dans le reste de l’UE, et le risque emploi 1,8% du PIB en France (moyenne européenne 1%), ce qui correspond au premier rang au sein de l’UE. Le risque logement ne pèse que 0,5 % sur le PIB en France (moyenne européenne 0,4 %), ces dépenses étant très faibles dans les États du sud de l’UE. Enfin, pour le risque pauvreté-exclusion sociale, la France se situe au 2e rang en Europe (1,2 % du PIB). En moyenne, l’ensemble de ces prestations réduisent de 9 points le taux de pauvreté monétaire, en France l’effet de la redistribution est de 11 points. S’agissant du financement de la protection sociale, il est dans l’ensemble encore majoritairement assuré par les cotisations sociales (56 % dans l’UE, la France se situant à ce niveau), les États à financement de type beveridgien (financement majoritaire par l’impôt) se situant plutôt dans les États d’Europe du Nord.

->Lois de financement de la Sécurité sociale

La déclaration de politique générale du Premier ministre et les concessions annoncées

Dans sa déclaration de politique générale du 14 janvier 2025, le Premier Ministre a donné le cadre d’ensemble des lois financières pour 2025 qui devraient – sauf censure – être adoptées par le Parlement au mois de février : limitation du déficit des administrations publiques à 5,4 % du PIB (contre 6,1 % en 2024), effort d’ajustement global de 53 Md€ se répartissant entre 32 Md€ d’économies et 21 Md€ de recettes supplémentaires. Cet objectif de déficit a été jugé optimiste par le Haut Conseil des Finances publiques (HCFP) dans son avis du 29 janvier 2025, qui relève que la nouvelle prévision de croissance du gouvernement (+ 0,9 %) est encore supérieure à celle du consensus des économistes (0,7 %) et que la prévision d’inflation (+ 1,4 %) est surestimée au regard de la décélération de celle-ci, ce qui aura des conséquences sur le niveau des recettes. Dans le domaine social, des précisions par rapport aux annonces de la déclaration de politique générale, apportées dans le cadre des tractations pour parvenir à une position de non-censure du groupe socialiste sur le PLF pour 2025, ont abouti à des concessions significatives par rapport à la situation atteinte au moment du vote de censure par l’Assemblée nationale du 4 décembre 2024. Pour le domaine social, l’effet de ces concessions est estimé à au moins 5 Md€ (compte-tenu de mesures relevant du PLF pour 2025) : soutien aux hôpitaux (1 Md€), renonciation à l’augmentation du ticket modérateur sur les consultations et les médicaments (1 Md€), ce qui conduirait à une revalorisation de l’ONDAM en 2025 de 3,3 % contre 2,8 % dans le PLFSS initial pour 2025 ; création de 2000 postes d’auxiliaires pour les enfants en situation de handicap (0,09 Md€) ; abandon des deux jours de carence supplémentaires pour les arrêts maladie des fonctionnaires (0,3 Md€) ; abandon de la suppression de 500 postes à France Travail (0,05 Md€) ; abondement du fonds d’urgence des EHPAD (0,3 Md€). En revanche, le Gouvernement n’est pas revenu sur la baisse du plafond de l’indemnisation des arrêts maladie de 1,8 à 1,4 SMIC (qui pourrait rapporter 0,4 Md€), ni sur les efforts de maîtrise des dépenses de médicaments et de transports sanitaires (2 Md€) qui seraient maintenus. Ces concessions s’ajoutent à celles qui avaient été accordées par le Gouvernement Barnier avant la censure : abandon de la désindexation partielle des pensions de retraite (revalorisées intégralement par rapport à l’inflation de + 2,2 % au 1er janvier 2025), moindre limitation des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires (ce qui a ramené le supplément de recettes attendu de 4 Md€ à 1,6 Md€). De même le Gouvernement renoncera à l’allongement de 7 heures de la durée annuelle de travail qui aurait eu un rendement de 1,8 Md€, ainsi qu’à une partie de l’augmentation d’une partie des taxes comportementales (sodas, tabac, jeux en ligne, etc.), mesures qui ont été ajoutées par le Sénat lors de la lecture de janvier 2025. Après l’adoption purement formelle du compromis de la CMP de décembre 2024 par le Sénat le 23 janvier, l’examen du PLFSS pour 2025 devrait reprendre à l’AN la première semaine de février ; les ajustements intervenus pourraient conduire, selon les déclarations au journal « Le Parisien » du 2 février 2025 de la Ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, à un déficit des régimes obligatoires de base et du FSV inférieur à 23 Md€, alors que le Gouvernement Barnier tablait sur un déficit ramené à 16 Md€ par son projet initial (v. Repères, oct. 2024).

->Dépenses de santé/Hôpital/Assurance maladie

La sécurité informatique des établissements de santé

La Cour des Comptes a publié le 3 janvier ses observations définitives sur la sécurité informatique des établissements de santé. Elles partent du constat que les hôpitaux, publics ou privés, sont très fortement exposés aux cyberattaques, puisqu’ils représentent 10 % du total des tentatives. Cette surexposition tient à la très forte complexité des systèmes d’information, car les hôpitaux les plus importants exploitent plus de 1000 applications, et au sous-investissement chronique de ceux-ci dans le numérique (1,7 % des budgets d’exploitation en moyenne contre 9 % dans la banque). Les coûts des cyberattaques sont importants tant en ce qui concerne la remise en état que l’indisponibilité des systèmes, qui a pu aller jusqu’à 18 mois pour un CH de 800 places, conduisant à une réduction de 20 % de son activité. Selon la Cour des comptes, la réponse des pouvoirs publics a été tardive mais déterminée, avec la création d’une « Délégation au numérique en santé », le lancement d’un programme « Cyber-accélération et résilience des établissements » (avec un financement de 750 M€ sur la période 2023-2027) et le renforcement des critères de sécurité par la HAS. L’effort doit être poursuivi notamment au niveau des moyens – en particulier juridiques – des Groupements hospitaliers de territoires créés en 2016, ainsi que par la mise en place d’un groupe national d’expertise chargé de coordonner les réponses d’urgence en cas de cyberattaque d’ampleur exceptionnelle.

L’aggravation de la crise financière des hôpitaux

Dans un communiqué de presse, la Fédération hospitalière française a appelé l’attention des pouvoirs publics sur la profonde aggravation du déficit des établissements publics de santé qui passerait, en 2024, de 1,9 à 3,5 Md€. Elle relève l’annonce du gouvernement Bayrou qui s’est engagé à porter la progression de l’ONDAM à 3,3 % en 2025, avec une rallonge de 1 Md€ pour les hôpitaux (v. supra.). Elle demande que l’effort soit principalement porté sur la psychiatrie publique, au demeurant déclarée cause nationale par le Gouvernement. Elle insiste enfin pour l’élaboration d’une loi de programmation pour le système de santé.

->Retraites

L’âge effectif de départ en retraite poursuit sa progression selon la CNAV

La question des retraites des exploitants agricoles a été une des revendications majeures lors de la crise de la fin janvier 2024 avec les agriculteurs. Début 2023, une proposition de loi à l’initiative des parlementaires LR, votée à l’unanimité par le Parlement, a décidé de calculer la pension sur les 25 meilleures années (et non la totalité de la carrière) à partir de 2026, ce texte faisant suite notamment aux « loi Chassaigne » qui avaient prévu de porter le minimum de pension à 85 % du SMIC et à revaloriser les retraites des conjoints collaborateurs ; mais c’est au Gouvernement, à présent, de préciser la mise en œuvre de la réforme, à partir d’un rapport détaillant les scénarios et les paramètres pour son application. Celui-ci, rédigé par l’IGAS et les inspections générales de l’Agriculture, serait prêt, mais le Gouvernement aurait hésité à le rendre public en raison d’effets qui se révèleraient anti-redistributifs. Le Premier Ministre, dans sa déclaration de politique générale, a confirmé sa volonté d’aboutir rapidement sur ce sujet.

La réforme des retraites, les partenaires sociaux et un « conclave » de trois mois

Très attendue parce que déterminante pour l’issue du vote des textes financiers face au risque de censure, la position du Gouvernement sur le sort de la réforme des retraites de 2023 s’est quelque peu précisée lors de la déclaration de politique générale du 14 janvier 2025, tout au moins en ce qui concerne la méthode. Après avoir indiqué qu’il n’y aurait ni abrogation ni suspension et que dans le cadre de la négociation à venir entre les partenaires sociaux la question du maintien ou non à 64 ans de l’âge légal de départ pour l’ouverture des droits n’était « ni un totem ni un tabou » dès lors que l’équilibre financier était préservé, le Premier Ministre a indiqué qu’il y aurait trois issues possibles : soit les partenaires sociaux se mettent d’accord sur un nouveau texte, et celui-ci sera soumis au Parlement ; soit il n’y a pas d’accord et la réforme de 2023 continuera de s’appliquer telle quelle ; soit, sans qu’il y ait un accord sur les paramètres principaux, des améliorations au texte de 2023 pourront faire consensus, et celles-ci seront débattues au Parlement. Sur la méthode, le Gouvernement a donné un calendrier ; un état de la situation financière des régimes de retraite sera effectué dans un délai de trois semaines (pour le 19 février) dans le cadre d’une « mission flash » de la Cour des Comptes (le choix de celle-ci plutôt que celui du Conseil d’orientation des retraites, officiellement écarté parce que la participation des partenaires sociaux à celui-ci les ferait juges et parties, traduit en fait la défiance croissante à l’égard de cette institution dont la méthodologie et les conclusions sont jugées peu lisibles). Les partenaires sociaux, réunis en « conclave » auront trois mois pour se prononcer sur une réforme, l’objectif, s’il y a accord total ou partiel, étant que le Parlement puisse être saisi à l’été. L’installation du conclave s’est tenue dès le 16 janvier 2025. La démarche du Gouvernement a soulevé beaucoup de scepticisme eu égard à l’ampleur des divergences entre syndicats et patronat. Certains commentateurs craignent que la discussion ne se borne, comme cela a été le cas dans le passé, à traiter des instruments au lieu de se poser la question des vrais objectifs d’un système de retraite (v. le billet de blog de P. Aubert, intitulé « Est-ce déjà bien parti pour être mal parti ? », publié par l’Institut des politiques publiques). Par ailleurs, par rapport au contexte qui prévalait il y a deux ans au moment de la réforme, la question de la démographie vient accentuer la pression sur le débat, puisque les dernières statistiques de l’INSEE font apparaître la poursuite très préoccupante de la baisse de la natalité en France en 2024 et l’effondrement du taux de fécondité qui avec 1,62 enfants par femme est en train de rejoindre la faible moyenne européenne.

->Assurance chômage

Les difficultés de l’AGS face à la montée des défaillances d’entreprises

Selon les premiers éléments communiqués par l’Association de garantie des salaires (AGS), en 2024 le nombre de bénéficiaires du régime aura augmenté de près de 20 % et le montant des dépenses de couverture de 23 %, progressions inconnues depuis 2019. Cinq secteurs d’activité concentrent plus de 70 % des salariés bénéficiaires : la construction, les services aux entreprises, l’industrie, le commerce et l’hébergement-restauration. Ces chiffres sont en rapport avec ceux des défaillances d’entreprises établis par le secteur bancaire, puisque 66 422 entreprises auraient fait défaut en 2024, menaçant près de 260 000 emplois selon les statistiques de BPCE, tendance qui ne devrait pas s’améliorer en 2025. Les défaillances ont été particulièrement marquées pour les PME/ETI, avec la chute retentissante de quelques enseignes comme Caddie, Duralex, le Coq sportif, etc. Cette évolution est, d’une part, la conséquence de la fin du « quoi qu’il en coûte », et d’autre part, des difficultés de remboursement des prêts garantis par l’État, cumulée avec le ralentissement de la croissance et la hausse des taux d’intérêts. Elle est corroborée par la forte dégradation de l’emploi en 2024, avec une progression de 113 000 demandeurs de catégorie A.

->Politique de l’emploi

Entrée en vigueur de la réforme de France Travail

La réforme de France Travail – qui se substitue à Pôle Emploi – inscrite dans la loi « Plein emploi » (L. n° 2023-1196 du 18 décembre 2023) entre pleinement en vigueur le 1er janvier 2025. Son objectif premier est d’intensifier l’accompagnement des demandeurs d’emploi qui en ont le plus besoin, en collant mieux à leur situation socio-professionnelle et aux besoins des entreprises dans leur bassin d’emploi. Sur le plan organisationnel, la réforme vise à mieux coordonner les nombreux intervenants de l’insertion professionnelle : l’État par l’intermédiaire de son opérateur France Travail, les régions, les départements, les missions locales, Cap Emploi, les associations, les partenaires sociaux, etc. Le futur réseau pour l’emploi s’organisera à quatre niveaux : national pour la fixation des orientations, dont la mise en œuvre opérationnelle sera assurée au niveau des régions, départements et bassins d’emploi ; une académie de France Travail sera créée pour mettre au point et partager les outils, notamment les systèmes d’information. En second lieu, au 1er janvier 2025, va être généralisée, pour tous les bénéficiaires du RSA, l’obligation d’inscription à France Travail et d’engagement dans une formation ou une activité ; cette conditionnalité qui associe les droits et devoirs des bénéficiaires a été expérimentée avec succès ces deux dernières années dans un certain nombre de départements volontaires (v. Repères, août 2024). L’arrivée des allocataires du RSA va entrainer l’inscription de 1,2 M de personnes supplémentaires à France Travail ; mais elle devrait permettre d’avoir la vision la plus exhaustive possible des personnes actives ou en réserve du marché du travail. Cela pose la question des moyens, le nombre d’inscrits par conseiller étant en France plus de moitié moindre qu’en Allemagne, mais le Premier Ministre a annoncé que France Travail échapperait à la mesure de suppression de 500 emplois prévue par le Gouvernement Barnier.

->Formation professionnelle

Rapport de la Cour des comptes sur le « Plan d’investissement en compétences »

Constituant un des quatre axes du « rapport Pisani-Ferry » de 2017 qui fait un diagnostic des faiblesses structurelles affectant la compétitivité de la France, le « Plan Investissement en compétences » (PIC) se propose d’édifier une « société de compétences » complémentaire aux autres réformes du grand plan d’investissement (transition écologique, innovation et numérique). Il doit permettre de rapprocher les différentes politiques publiques en matière de formation, d’emploi, de réduction de l’échec scolaire et d’articulation avec les besoins de l’économie, cela afin de réduire la probabilité d’un taux de chômage élevé, avec une préoccupation plus particulière pour la situation des jeunes et des demandeurs d’emploi de longue durée. Le PIC doté de 14,8 Md€ a été mis en œuvre de 2018 à 2022, avec une prorogation en 2023, et a compris un volet national et un volet territorial. La Cour des comptes a procédé à son évaluation à travers deux questions principales.

Première question : le PIC a-t-il transformé le système de formation ? Pour la Cour, non : il a essentiellement servi à éviter une baisse des crédits de droit commun, et s’est transformé en un plan de financement classique de retour à l’emploi pour les publics qui en sont éloignés, et non pas un plan d’investissement aux effets structurels durables, visant à l’acquisition et à l’enrichissement de compétences tout au long de la vie; cependant, avec un volume de crédits inédit, il a permis de moderniser l’accompagnement des publics les plus éloignés de l’emploi (diagnostics de compétences, évaluation des pratiques professionnelles, modernisation des organismes de formation…).

Seconde question : les publics cibles ont-ils été atteints ? Pour la Cour, la réponse est encore non. S’il y a eu, pendant la période, des entrées massives en formation, il est difficile d’évaluer ce qui est imputable au PIC ; l’accès des moins diplômés à la formation ne s’est pas amélioré par rapport aux bacheliers et aux diplômés du supérieur, et pour ce qui concerne la situation des chômeurs de longue durée et des bénéficiaires du RSA, on ne peut pas déceler ce qui relève du PIC. Pour d’autres plans pluriannuels d’investissement à venir, la Cour préconise plusieurs recommandations visant à mieux évaluer les effets de transformations réels du système de formation, notamment au regard des besoins relatifs aux transitions écologiques et numériques, et à renforcer le pilotage et la gouvernance.

->Solidarité/Lutte contre la pauvreté/Revenu universel

Rapport de la Cour des comptes sur l’accompagnement social généraliste

La Cour des comptes a publié un rapport sur l’accompagnement social généraliste des prestations sociales versées par les CAF et les départements ; ces prestations ont représenté un montant de 30 Md€ en 2021, mais ne se suffisant pas par elles-mêmes, elles requièrent un accompagnement pour permettre la réinsertion sociale des bénéficiaires par les 18 000 travailleurs sociaux de ces institutions, pour un coût de 1,2 Md€. La Cour relève en premier lieu une définition trop vague des objectifs et un ciblage insuffisant des publics justifiant cet accompagnement, seules les CAF ayant procédé à un recentrage de leurs interventions sur les familles subissant divers événements fragilisant (séparation, décès, etc.). Elle constate ensuite un pilotage insuffisant, avec un reporting lacunaire, un accompagnement des publics qui reste faible (moins de quatre rendez-vous annuels par personne suivie dans les départements). Enfin si la Cour considère comme maîtrisé le coût de l’accompagnement dans les CAF et les départements (1200 € à 1400 € par bénéficiaire), elle critique l’absence de suivi et de mesure des effets produits sur les trajectoires de vie des bénéficiaires par les interventions des travailleurs sociaux, ce qui ne permet pas d’évaluer les pratiques et ainsi de valoriser les plus efficaces. La Cour assortit ses constations de sept recommandations.

->Lutte contre la fraude sociale

Rapport de l’observatoire de l’impact du travail dissimulé sur les finances sociales

Le Haut conseil pour le financement de la protection sociale a publié le rapport 2024 de l’observatoire de l’impact du travail dissimulé sur les finances sociales. Les pertes de cotisations sociales sont le premier enjeu de la lutte contre la fraude dans le domaine social. Le manque à gagner total dû au travail dissimulé serait de 4,8 à 6,3 Md€ dans le champ de recouvrement de l’URSSAF et de 6 à 7,8 Md€ dans le champ de l’ensemble du secteur privé non agricole (incluant les régimes complémentaires), ce qui représente un taux de salariés dissimulés de 1,5 % à 2 % sur une masse salariale privée de l’ordre de 700 Md€. Ce taux n’a pas évolué depuis 2012, malgré l’intensification des contrôles qui ont été quadruplés depuis dix ans, ce qui montre la difficulté de s’attaquer au « noyau dur » de la fraude. L’impact des cotisations éludées reste très important pour les micro-entrepreneurs (entre 19,7 % et 24,2 %), avec une perte comprise entre 1,3 et 2 Md€. Dans le domaine agricole, la CCMSA estime à 345 M€ la fraude aux cotisations, soit un taux de fraude de 2,9 %.

FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->Politique fiscale

Cérémonie de vœux à Bercy et évolutions envisagées de la fiscalité

À l’occasion de la cérémonie de vœux, le nouveau ministre de l’économie et des finances, É. Lombard, ancien directeur de la Caisse des dépôts et consignation, et la nouvelle ministre chargée des comptes publics, A. de Montchalin, ont annoncé poursuivre leurs consultations avec les partis politiques. Plusieurs mesures fiscales initiées par le précédent gouvernement Barnier ont été remises sur la table. En premier lieu, s’agissant de la fiscalité des entreprises, on retrouve une mise à contribution des plus grandes groupes (art. 48 et 50 du PLF 2025). En effet, le Gouvernement Bayrou entend maintenir une taxation « exceptionnelle » sur les bénéfices des entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1 Md€. Cette mesure, héritée du Gouvernement Barnier, vise à générer 8 Md€ de recettes fiscales en 2025 et concernerait 440 grands groupes en France. Les grandes entreprises de transport maritime relèveraient toujours d’un dispositif adapté. Le principe de non-rétroactivité de la loi fiscale empêche d’appliquer cette surtaxe sur les bénéfices de 2024. Selon le ministre de l’économie et des finances, une « base fiscale différente » serait définie pour contourner cet obstacle, garantissant que les grandes entreprises participent à cet effort solidaire. Cette approche, déjà confirmée par le MEDEF, reflète un consensus relatif « qui doit rester ciblée et temporaire » pour l’organisation patronale, selon le journal Les Échos du 10 janvier 2025. Il y aurait une surtaxe de 20,6 % pour les entreprises réalisant plus de 1 Md€ de chiffre d’affaires, avec un taux porté à 41,2 % pour celles dépassant 3 Md€ de chiffre d’affaires. Cela porterait temporairement le taux effectif d’IS à plus de 30 %, voire 35 %, contre 25 % actuellement. On souligne aussi, le maintien du report de la suppression de la CVAE (art. 62 du PLF 2025). Prévue pour 2027, la suppression définitive de la CVAE est reportée. Les taux d’imposition seront abaissés progressivement à compter de 2026. La CVAE sera totalement supprimée en 2030. Comme la disparition du décalage de trois ans de la baisse de la CVAE entrainerait un possible gain de 1,1 Md€ pour les entreprises, le gouvernement Bayrou maintient le report de la suppression. On rappelle les mesures en faveur du secteur agricole (art. 66 à 72 du PLF 2025) puisque le texte aménage certaines déductions (épargne de précaution, vaches laitières), et améliore l’exonération de taxe foncière, renforce les exonérations en cas de cession au profit des jeunes agriculteurs et annule les hausses prévues sur le gazole utilisé pour les travaux agricoles et forestiers (v. Repères, nov. et déc. 2024). Ensuite, la taxe sur le rachat de titres par les grandes entreprises (art. 95 du PLF 2025) est maintenue. Cet article instaure une taxe sur les réductions de capital par annulation d’actions rachetées par les plus grandes entreprises, réalisant un chiffre d’affaires individuel ou consolidé de plus d’1 Md€. Elle cible donc les plus grandes entreprises et vise à récolter 200 M€ en 2025. Le rachat d’actions, utilisé pour augmenter la valeur des titres restants, est perçu comme une pratique qui profite davantage aux actionnaires qu’à l’économie réelle. Les entreprises cotées, notamment dans les secteurs où le rachat d’actions est courant, pourraient réévaluer cette stratégie pour éviter les coûts additionnels. Ces mesures fiscales, bien que justifiées par l’urgence budgétaire, augmentent la charge fiscale des grandes entreprises. Cela pourrait affecter leurs capacités d’investissement et de croissance, notamment dans un contexte économique marqué par une inflation persistante et des coûts élevés de financement liés aux énergies. Les entreprises devront adapter leurs pratiques fiscales et de gestion financière, en anticipant des mesures plus strictes sur les optimisations fiscales. Les investisseurs et actionnaires, quant à eux, pourraient être mis à l’épreuve par l’éventuelle hausse de la flat tax sur les revenus de capitaux mobiliers. En second lieu, s’agissant de la fiscalité des particuliers, outre la hausse du barème de l’impôt (art. 2 du PLF 2025) de 1,8 % et la prolongation de la défiscalisation des pourboires (art. 7 du PLF 2025) pour 2025, on retrouve la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, initialement prévue pour un rendement budgétaire de 2 Md€, sera révisée (art. 10 du PLF 2025). Cette contribution vise à assurer une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus (plus de 250 000 €, le double pour un couple), avec une décote pour atténuer les effets de seuil. Le gouvernement prévoit donc qu’elle s’applique aux revenus perçus en 2025. Ceux-ci ne seront certes déclarés qu’au printemps 2026. Mais l’administration fiscale demanderait aux contribuables concernés d’estimer ces revenus avant la fin 2025, afin qu’ils versent un acompte dès 2025 qui pourrait ensuite être corrigé en 2026. Le Gouvernement Bayrou examine la possibilité de relever le taux du prélèvement forfaitaire unique (PFU dit « flat tax » sur les revenus de capitaux mobiliers) sur les revenus du capital, actuellement fixée à 30 %. Une hausse jusqu’à 33 % a déjà été suggérée par le gouvernement Barnier et le Sénat a même adopté un amendement dans ce sens en novembre 2024. Selon le ministre de l’économie et des finances « dans les pays développés, la flat tax se situe entre 30 % et 35 %, donc nous avons encore un peu de marge ». Les compromis politiques à trouver sur la « justice fiscale » pourraient conduire à des ajustements en fin de course au Parlement. La mesure affecterait particulièrement les foyers fiscaux qui touchent majoritairement des revenus du capital (dividendes, plus-values…). Depuis 2018, ces derniers sont soumis au PFU à 30 %, composée de 17,2 % de prélèvements fiscaux sociaux et de 12,8 % d’impôt sur le revenu. Remonter ce taux à 20% équivaudrait pour les contribuables concernés, à remonter le PFU jusqu’à 37,2 %, c’est-à-dire au-delà du taux de 35 % qui avait été évoqué par le ministre des finances…

Un prochain PLFR en 2025 pour contrer l’optimisation fiscale excessive ?

La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, prévue dans le PLF pour 2025, serait complétée, selon la ministre chargée des comptes publics, interviewée sur France Inter le 6 janvier 2025, d’un « plan d’action » pour contrer « les pratiques de suroptimisation fiscale ». L’idée est d’identifier et de corriger les montages fiscaux complexes, souvent réalisés via des holdings, qui permettent de réduire artificiellement les impôts des particuliers. Temporaire, la disposition relative à la contribution exceptionnelle n’aurait donc pas vocation à être pérennisée. Suite à sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a déclaré devant les députés : « nous sommes en train de travailler sur une taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines, ce qui est une manière de prendre en compte la dimension de ces patrimoines et de vérifier qu’ils n’échappent pas à l’impôt ». Selon la ministre chargée des comptes publics, dans Le Figaro du 15 janvier 2025, il s’agirait de s’assurer « que la somme de l’IR, de PFU et de l’IFI supportée par les contribuables les plus aisés ne soit pas inférieure à un seuil minimal. Ce dernier sera calculé sur le patrimoine hors outil de travail. Le but est de s’assurer que les montages fiscaux et juridiques de type holding, ne soient pas un frein à l’égalité devant l’impôt ». Si le Gouvernement Bayrou a établi la matrice globale de ce nouveau mécanisme visant à limiter l’optimisation fiscale, il reste désormais à en fixer le rendement budgétaire. L’objectif du Gouvernement consiste à présenter la mesure au plus tard dans le PLF pour 2026, ou dès que l’occasion se présentera. Les circulaires des Premiers ministres de juin 2010 et de janvier 2013 conduisent à ce que toute initiative fiscale gouvernementale figure en loi de finances. Toutefois, un groupe parlementaire pourrait déposer une proposition de texte législatif ordinaire, inspirée des travaux de la Direction de la législation fiscale. La mesure peut potentiellement crisper la droite républicaine, traditionnellement peu encline à accroître la pression fiscale sur le patrimoine, ou même les députés de l’ancienne majorité présidentielle qui pourraient y voir une remise en cause de la politique d’attractivité fiscale amorcée fin 2017 par le Président Macron. Les critères de définition de cette nouvelle orientation feront probablement l’objet d’une intense bataille politique au Parlement….

Avis du Haut conseil des finances publiques sur la version amendée du PLF pour 2025

L’article 61-VI de la LOLF a été légèrement modifié en 2021 (art. 30 L. org. du 28 déc. 2021 validé par Cons. const., 23 déc. 2021, décis. n° 2021-831 DC). Désormais, lorsque, au cours de l’examen par le Parlement d’un PLF, le Gouvernement entend réviser les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposait initialement son projet, il informe sans délai le HCFP du nouvel état de ses prévisions. Avant l’adoption définitive de la loi de finances, le HCFP rend un avis public sur ces prévisions. Dès lors, le Gouvernement Bayrou a adressé au HCFP une demande d’avis sur ses nouvelles prévisions macroéconomiques, révisant celles d’octobre 2024 sous-jacentes au PLF pour 2025 (communes à celles du PLFSS pour 2025). Bien que la LOLF ne le prévoie pas explicitement, le Gouvernement a aussi fourni au HCFP sa prévision de finances publiques actualisée. Le HCFP s’en félicite, car cela lui permet ainsi de mieux remplir sa mission d’information du citoyen et du Parlement sur les textes financiers. Cela constitue un précédent, et c’est une piste intéressante de modification de la LOLF à l’avenir.

Le HCFP pointe, selon un vocabulaire toujours aussi raffiné, et formulé au conditionnel tout en litote, que le redressement structurel provient essentiellement des hausses de prélèvements fiscaux. En 2024, les prélèvements obligatoires auraient augmenté, selon le Gouvernement, de 2,6 % pour atteindre 1250 Md€. Cette prévision du PLF amendé pour 2025 est quasi inchangée par rapport au PLF initial (v. §45 de l’avis). En effet, les dernières remontées comptables confirment les prévisions effectuées pour l’IS, l’IR et les DMTO. Les recettes de TVA sont moindres de 1,8 Md€ par rapport à la prévision initiales, laquelle aurait été compensée par des recettes plus dynamiques de DMTG pour 1 Md€ et des cotisations sociales (+ 1 Md€ selon les estimations les plus récentes, v. supra). Pour l’année 2025, la prévision de prélèvements obligatoires a été révisée à la baisse de 10,6 Md€ par rapport au texte initial, à 1301 Md€. Cet écart provient notamment d’une baisse de 4 Md€ des mesures fiscales nouvelles inscrites dans le PLF amendé par rapport au PLF initial et d’un impact négatif de 6 Md€ de la révision à la baisse de la croissance, globalement en ligne avec les nouvelles prévisions macroéconomiques. Le taux de prélèvements obligatoires augmenterait de 0,8 point et atteindrait 43,6 points de PIB du fait de 26,2 Md€ de mesures fiscales nouvelles par rapport à 2024. En détail, le Gouvernement a revu à la baisse sa prévision de croissance spontanée d’IS. La dégradation du contexte macroéconomique conduit aussi à une révision de la prévision de bénéfice taxable pour 2025. Par ailleurs, 1 Md€ ont enfin été soustraits à la prévision par « hypothèse de prudence ». L’incertitude entourant la prévision d’IS est toutefois très importante. La prévision d’IR pourrait toutefois être un peu élevée dans la mesure où la prévision de masse salariale semble un peu élevée. De même, la prévision de TVA pour 2025 semble plausible. La prévision de croissance spontanée des DMTO (+ 7,2 %) est quasi inchangée par rapport au PLF initial. Elle suppose un rebond marqué du marché immobilier mais pourrait être atteinte au vu du redémarrage en cours des transactions dans l’immobilier ancien, qui a d’ores et déjà permis un redressement des DMTO en fin d’année 2024. La prévision suppose par ailleurs des mesures fiscales nouvelles d’un montant de 26,2 Md€. Le HCFP déplore le peu d’informations relatives à leur chiffrage et note l’incertitude entourant l’adoption de certaines d’entre elles par le Parlement. C’est le principal risque qui pèse sur cette prévision, en raison aussi d’un débat parlementaire à l’issue très incertaine. Les magistrats et les économistes du HCFP, et au premier chef, son président, pourront indiquer qu’ils avaient prévenu le Gouvernement, le Parlement et les citoyens de leurs doutes sérieux sur plusieurs estimations fiscales du PLF pour 2025.

Audition de Pierre Moscovici par la commission d’enquête sur le dérapage budgétaire

Pendant près de trois heures, Pierre Moscovici a été auditionné à son tour sur les raisons du décrochage budgétaire de la France au cours des deux dernières années, dans le cadre des travaux d’enquête menés par la commission finances de l’Assemblée nationale pour « étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 ». Le Premier président de la Cour des comptes et président du HCFP a critiqué l’optimisme des prévisions macroéconomiques des gouvernements successifs et appelé à doter le HCFP de « pouvoirs contraignants » en matière de prévisions (v. Repères, déc. 2024). Il a déploré l’état des finances publiques françaises alors que le HCFP n’a pas cessé d’alerter à de nombreuses reprises sur le risque de déraillement du train budgétaire français, le seul grand État européen à avoir été incapable d’engager la résorption de son déficit public. En cause, principalement : l’optimisme invétéré des prévisions macroéconomiques des précédents gouvernements. En 2023, des recettes fiscales bien moindres qu’escomptées forcent le ministère des finances à revoir à la hausse le déficit, de 4,9 à 5,5 % du PIB, alors qu’un réel effort d’économies structurelles aurait pu et dû contrebalancer ce manque à gagner dans les caisses de l’État. Les années se suivent et se ressemblent. En 2024, c’est l’année noire pour les finances publiques. La prévision de croissance de 1,4 % pour le PLF 2024 est exagérément optimiste et tout à fait volontariste, puisque le consensus des économistes est établi à 0,8 %. Selon lui, il est impossible de prétendre en toute confiance que personne ne connaissait la fragilité répétée des prévisions pendant cette période. Il témoigne que les alertes sur les prévisions élevées n’ont pas été entendues par le Gouvernement. Le Gouvernement a maintenu une trajectoire pluriannuelle caduque devenue, en 2024, peu crédible, peu réaliste et peu cohérente. Selon le président du HCFP, la crédibilité de la France exige une approche plus vertueuse. Face à ce constat, Pierre Moscovici a appelé à renforcer l’indépendance des prévisions en France, tout en reconnaissant la difficulté de l’exercice. Lors de son audition, le président du HCFP a salué la qualité de l’administration de Bercy, écartant toute « mauvaise foi », mais a évoqué une « mise sous pression » politique qui se serait accentuée ces dernières années. Selon lui, il faut rendre à l’administration sa capacité sereine et objective. Face à des prévisions visiblement trop écartées de la réalité, il a évoqué la limite des possibilités dont dispose aujourd’hui le HCFP, « qui n’a le choix qu’entre l’arme nucléaire de l’argument d’insincérité, susceptible d’entraîner l’inconstitutionnalité d’un projet de loi de finances, ou la simple sémantique délicate qui a été largement mise en œuvre, sans être entendue, au cours des dernières années ». Il a donc plaidé pour une évolution du mandat du HCFP, appelant également à un renforcement de ses moyens, en listant plusieurs scénarios possibles : confier purement et simplement la réalisation des prévisions à l’institution ou, dans une perspective plus limitée, lui confier la responsabilité de rendre un avis contraignant en lui offrant un pouvoir de validation des prévisions. A minima, il a défendu l’introduction d’une forme de contradictoire qui obligerait le Gouvernement à justifier les prévisions avancées en cas de doutes du HCFP. L’indépendance des prévisions en France doit être mieux garantie et c’est le rôle du HCFP, que de garantir la qualité des prévisions et de les tenir éloignées de l’hubris du politique. Tant que la prévision sera le seul fait de l’administration, elle sera forcément soumise aux arbitrages gouvernementaux. (…) Il y a fort à parier que si on ne change rien, le risque de recourir à des hypothèses optimistes se répètera à l’avenir. Finalement, il est inutile de créer un nouveau comité Théodule à Bercy à la botte du ministre des finances pour évaluer les hypothèses économiques et financières, le HCFP ferait cela aussi bien si les outils nécessaires et indispensables pour le faire lui étaient confiés un jour (v. Repères, nov. 2024).

Reprise tumultueuse des débats parlementaires sur le PLF pour 2025

Le 23 janvier 2025, le PLF pour 2025 a franchi une nouvelle étape au Sénat. A une large majorité (217 voix favorables contre 105), les sénateurs ont voté en faveur de l’ensemble du texte, dont ils avaient débuté l’examen fin novembre avant d’être interrompus par la censure. « On a l’habitude de dire que le PLF est un tunnel. Mais d’habitude c’est une affaire de 20 jours. Là, le tunnel est interminable », a reconnu le rapporteur général de la commission des finances, à l’issue des 174 heures de débat. L’autre étape décisive à franchir a été celle de la commission mixte paritaire (CMP). Composée de 7 députés et 7 sénateurs, elle s’est réunie le 30 janvier, pour apporter d’ultimes retouches au PLF pour 2025, notamment côté recettes fiscales, afin de trouver un compromis acceptable, à faire valider par le Parlement, pour éviter une nouvelle censure. Comment y parvenir sans en faire exploser le coût budgétaire telle a bien été la question majeure. Les concessions faites aux parlementaires de la gauche sur les dépenses sociales se chiffrent en milliards d’euros (v. supra). Or le Gouvernement doit en parallèle garantir que le déficit public sera bien ramené à 5,4 % du PIB en 2025, comme il s’y est engagé auprès de ses partenaires européens. C’est donc par des mesures fiscales nouvelles que le Gouvernement entend résoudre l’équation financière complexe. Quelques incertitudes demeuraient sur les taxes sur la carte grise et le versement mobilité. La CMP a finalement trouvé un accord sur le PLF pour 2025 le 31 janvier, au prix de plusieurs ajustements fiscaux, un jour et demi après avoir débuté. Avec une majorité de 8 voix parmi les 14 membres de la CMP, et grâce aux négociations préalables menées par le député Amiel et le sénateur Husson, les parlementaires ont abouti à un compromis. Le ministre de l’économie et des finances a admis plusieurs évolutions des curseurs fiscaux lors de la CMP. La taxe sur les transactions financières pourrait être relevée davantage que prévu… Le député de Courson, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, contestant la clef de répartition admise par le Gouvernement entre dépenses et recettes dans le PLF pour 2025, et émettant des doutes sérieux sur la solidité de certaines mesures fiscales, a indiqué : « tout est réuni pour que ce budget dérape ». Comme nous l’écrivions avec X. Cabannes « le chemin de croix budgétaire et financier est une pénitence sans prospérité… » (v. notre tribune commune in Revue politique et parlementaire, févr. 2024).

->Impôt sur les sociétés

Surtaxe des entreprises et un vif débat sur les menaces de délocalisations

Les assauts ne se font plus seulement à fleurets mouchetés. Lorsqu’on relit les entretiens du président du MEDEF, Patrick Martin, dans la presse à la fin du mois de janvier, le constat est édifiant : « ils n’écoutent même pas », « on parle à un mur ». Visiblement, il a haussé le ton à l’encontre des responsables des principaux partis politiques qui font la sourde oreille à ses nombreuses alertes sur les risques liées à une hausse excessive de la fiscalité pesant sur les plus grandes entreprises en France. L’objet de la discorde concerne notamment la surtaxe d’IS, ce qui l’a conduit à agiter la menace de la délocalisation, en indiquant au journal Les Échos « ceux qui peuvent partir partent. Et ils ont raison (…) On veut des vraies réformes structurelles », explique Patrick Martin en estimant que le ministre de l’économie et des finances « est très loin » des réalités des entreprises. Ces critiques relatives à la surtaxe d’IS, formulées par le président du MEDEF, laquelle doit frapper à hauteur de 8 Md€ les grandes entreprises cette année, rejoignent celles exprimées par d’autres patrons de grands groupes, comme par exemple Bernard Arnault, PDG de LVMH, dans le journal Les Échos (filiale de LVMH depuis 2015). Le ministre de l’économie et des finances s’est dit « surpris » de ces propos. Il est donc clair que le débat sur le volet recettes du PLF pour 2025 agite le camp patronal. Bernard Arnault avait dénoncé, en marge des résultats de LVMH, la surtaxe d’IS comme étant une « taxe du made in France ». Le président du groupe de grande distribution Michel-Edouard Leclerc lui a reproché de faire du « chantage » à la délocalisation. « Je n’ai bien entendu jamais dit que nous allions délocaliser le groupe LVMH », a répliqué son PDG Bernard Arnault. « C’est précisément parce que j’aime la France et que je souhaite que notre pays continue à rester compétitif que j’ai tenu à alerter sur des mesures qui me paraissent en tous points contre-productives », ajoute Bernard Arnault, faisant référence à la surtaxe d’IS prévue dans le PLF pour 2025. Précisons que les enseignes organisées en coopératives comme au sein du groupe Leclerc, regroupant des sociétés indépendantes (contrairement au principal concurrent, le groupe Carrefour, au statut juridique plus centralisé), ne seront très certainement pas concernées par la surtaxe à l’IS, chaque entité prise séparément n’atteignant pas le seuil de chiffre d’affaires retenu par le Gouvernement dans le calcul de la surtaxe à l’IS. Un effet de seuil dénoncé par les distributeurs plus intégrés, qui considèrent que cela crée une distorsion de concurrence. Cela annonce des débats juridiques à venir dans les prétoires….

->Procédure fiscales

Déclaration des biens immobiliers : réponse au « fiasco » dénoncé par la Cour des comptes

Dans un rapport thématique, la Cour des comptes a rendu publiques ses conclusions, le 23 janvier 2025, sur la nouvelle application de l’administration fiscale visant à moderniser à la fois la déclaration des biens immobiliers des propriétaires en France et la gestion des déclarations foncières et des taxes d’urbanisme : « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) mise en service en août 2021 et ouverte au grand public en 2023. Dans le contexte de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales entre 2018 et 2023, elle vise également à fournir à l’administration des données fiables, actualisables pour établir le rôle des impôts subsistants : la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, la taxe d’habitation sur les logements vacants et la taxe sur les logements vacants, tous collectés par l’État au profit des collectivités locales. Le déploiement technique de GMBI s’est déroulé dans des conditions particulièrement difficiles, puisque plus d’un million de contribuables ont été imposés, à tort, à la taxe d’habitation ou à la taxe sur les logements vacants. L’administration fiscale a dû consentir des dégrèvements très importants, d’un montant supérieur à 1,3 Md€, intégralement supportés par l’État conformément aux dispositions du CGI. Compte tenu de l’état très dégradé des finances publiques, tous les efforts doivent être conduits pour que les dégrèvements, et par conséquent la charge supportée par l’État, soient considérablement réduits très rapidement. La Cour des comptes a dénoncé dans son rapport, « une campagne 2023 chaotique et aux conséquences financières très lourdes pour l’État ». Le choix par la DGFiP d’une procédure totalement dématérialisée s’est révélé peu adéquat pour une obligation qui touchait une population en moyenne plus âgée. Cette situation a conduit à un afflux de demandes et de déplacements d’usagers dans les centres des finances publiques dans les derniers jours de juin et les premiers jours de juillet 2023, qui a mis les services de la DGFiP en difficulté (v. Repères, juillet 2023). Malgré les reports successifs, seuls 54,1 M des 71,4 M de locaux ont été recensés à l’issue de la campagne, ce qui a fragilisé l’établissement des rôles des impositions pour cette même année. Au total, en ajoutant les coûts destinés à faire face à la situation de crise de l’été 2023 (recrutement de vacataires et contractuels et octroi d’une « prime GMBI »), le dispositif a coûté au moins 56,4 M€, de son élaboration à son déploiement. Surtout, les erreurs dues principalement à l’absence d’informations sur les déménagements et les emménagements de locataires ont conduit à des dégrèvements massifs, occasionnant une perte de plus d’1,3 Md€ pour le budget de l’État. La Cour dénonce également « une nouvelle offre de service aux usagers mal préparée et au coût non maîtrisé ».

« On va faire mieux ». C’est en substance ce que répond dans un communiqué l’administration fiscale (DGFiP) à la Cour des comptes, et la ministre des comptes publics est elle-même montée au créneau pour défendre les services fiscaux, et le bien-fondé de GMBI. « Le montant versé aux collectivités locales est effectivement supérieur d’environ 1 Md€ aux montants collectés par l’administration fiscale », reconnaît la DGFIP. L’addition serait donc un peu moins salée que ne l’indiquent les magistrats de la Cour des comptes. La Cour des comptes reproche à la DGFiP d’avoir recouvré cet impôt malgré ces défaillances. Mais il est vrai que l’administration fiscale « ne disposait en pratique d’aucune alternative sérieuse ». De plus, les ministres ont été tenus informés de l’ensemble des difficultés rencontrées. L’administration fiscale a observé une sensible amélioration en 2024 par rapport à 2023. Les flux au guichet sont passés de plus de 800 000 à moins de 200 000, soit une baisse de plus de 75 %, ce qui témoigne d’une nette amélioration. Il est vrai que la campagne 2024 s’est bornée à demander les changements de situation dans l’occupation des locaux. Ce qui tarit mécaniquement le volume des questions. Cela témoigne d’une meilleure appropriation de la démarche par les usagers. Du fait des gains substantiels et durables qui en résultent, le projet se traduira dès 2025 par un impact économique positif, y compris en prenant en compte les coûts induits par les dépenses exceptionnelles de 2023 selon la DGFIP. Quant à la demande des magistrats financiers de basculer à la collecte des données relatives aux loyers, en prévision de la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux, phase suivante du projet, sans remettre nullement en cause ni l’objectif ni l’intérêt de cette dernière, une collecte des loyers dès 2025 ne permettrait pas de recueillir des données suffisamment exhaustives et fiables au vu des difficultés rencontrées par la DGFiP lors des deux premières campagnes de collecte des déclarations d’occupation. Dès lors, la ministre des comptes publics privilégie un nouveau report de cette opération, pour laisser aux propriétaires le temps de s’approprier la déclaration d’occupation avant de leur imposer celle des loyers, ce qui pourrait laisser le temps à la DGFiP de fiabiliser son dispositif technique au périmètre actuel. Ce report nécessite une disposition en loi de finances. Affaire à suivre…

FINANCES LOCALES

Rapport de la Cour des comptes sur la réforme fiscale locale

À la demande de la commission des finances nationales de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a examiné l’impact des réformes récentes des impôts locaux sur les contribuables locaux, ménages et entreprises, les collectivités territoriales, ainsi que l’État et les finances publiques prises dans leur ensemble. Ces réformes ont été mises en œuvre en fonction de finalités extérieures à la fiscalité locale : donner du pouvoir d’achat aux ménages et améliorer la compétitivité des entreprises. Selon la Cour des comptes, ces objectifs ont été atteints, mais avec des effets incertains sur l’activité économique. Ils s’accompagnent d’un coût considérable pour les finances publiques et d’une déterritorialisation des recettes des collectivités. Nous avons assisté à une réduction de grande ampleur des impôts locaux entre 2018 et 2023. La taxe d’habitation sur les résidences principales, qui était un impôt injuste fondé sur des bases obsolètes, a été supprimée par étapes entre 2018 et 2023. Les impôts locaux pesant sur les entreprises ont été réduits. D’une part, la CVAE des entreprises a été diminuée en 2021 et 2023 à hauteur des trois-quarts au total ; en 2023, son produit résiduel a été réaffecté à l’État, dans l’attente d’une suppression complète dont l’horizon s’éloigne selon le PLF pour 2025 (horizon 2030, cf. supra). D’autre part, les bases d’imposition des locaux industriels assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et à la cotisation foncière des entreprises (CFE) ont été réduites de moitié en 2021. En 2023, les contribuables ont acquitté 100 Md€ d’impôts locaux, soit 38 Md€ de moins que ce qu’ils auraient versé si les réformes n’avaient pas eu lieu. Les ménages ont acquitté 54 % des impôts, contre 46 % pour les entreprises. Ces proportions sont stables par rapport à 2017. En moyenne, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a accru de 1,1 % le revenu disponible des ménages. La baisse des impôts locaux sur les entreprises a accru de 2,4 % l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Elle a eu un effet conjoncturel favorable en 2021. Toutefois, cela traduit un coût considérable pour les finances publiques. Les pertes de recettes des collectivités ont été compensées par l’État. Les collectivités ont bénéficié d’un gain financier net en raison du dynamisme en 2021 et 2022 des recettes de TVA qui leur sont attribuées. Depuis lors, ce bénéfice se réduit. En 2023, les réformes ont entraîné 38,5 Md€ de pertes de recettes pour l’État par rapport à 2017. La Cour note enfin une déterritorialisation des impôts locaux qui a potentiellement des conséquences négatives. Les communes et intercommunalités ont conservé des pouvoirs fiscaux étendus. En revanche, la réforme a fait perdre aux départements l’essentiel de leurs pouvoirs fiscaux. Les impôts territorialisés sont devenus minoritaires dans les recettes de fonctionnement des départements (20,1 % en 2023) et des régions (12,1 %). Les entreprises ne contribuent plus au financement des compétences de développement économique des régions, dont elles bénéficient pourtant. Les impôts territorialisés restent majoritaires dans les recettes de fonctionnement des communes et des intercommunalités (54,1 %). Les communes sont toutefois moins incitées à accueillir de nouvelles activités et à construire de nouveaux logements. Les locataires de leur logement ne contribuent plus au financement des services publics dont ils bénéficient. La taxe foncière maintient néanmoins ce lien contributif dans la grande majorité des communes, qui comptent plus de propriétaires que de locataires. La Cour des comptes estime nécessaire d’adapter la fiscalité foncière aux réalités économiques, en intégrant à court terme aux bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties les résultats de la révision sexennale des valeurs des locaux professionnels arrêtées en 2017 et en engageant la révision, sans cesse reportée, des valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation datant de 1970. Enfin, la Cour recommande de répartir les recettes de TVA en fonction de la richesse relative par habitant des collectivités, appréciée selon un petit nombre de critères de ressources et de charges.

FISCALITÉ EUROPéENNE ET INTERNATIONAL
->Travaux de l’OCDE en matière de fiscalité

Le 13 janvier 2025, l’OCDE a publié son rapport sur l’examen par les pairs de l’échange automatique de renseignements sur les comptes financiers. Le 15 janvier, le Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) a publié une compilation de règles domestiques qualifiées, ainsi que d’autres outils conçus pour rationaliser l’administration coordonnée de l’impôt minimum mondial. Le 22 janvier l’OCDE a publié son rapport sur les tendances des impôts sur la consommation 2024, concernant aussi bien la TVA/TPS (qui reste de loin la principale imposition) que les droits d’accises. Enfin le 28 janvier, le cadre inclusif sur le BEPS (Action 5 relatif aux pratiques fiscales dommageables) a publié ses rapports d’examen par les pairs relatifs à l’échange de renseignements sur les décisions fiscales de 2023.

->Monnaies

FED : les taux maintenus inchangés

Le 29 janvier 2025, malgré les critiques véhémentes du nouveau président Trump envers son président Powell, la Réserve fédérale, compte tenu d’un marché du travail « solide » et d’une inflation « encore élevée », a maintenu ses taux d’intérêt dans une fourchette comprise entre 4,25 % et 4,50 %.

FINANCES PUBLIQUES EUROPÉENNES 1
->Politique européenne

Les priorités de la Présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne

Depuis le 1er janvier 2025, la Pologne assure la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne. Cette présidence s’inscrit dans un contexte très difficile marqué par la poursuite du conflit en Ukraine à la suite de l’agression russe contre cet État, des tensions géopolitiques très fortes qui interpellent l’Union européenne sur ses capacités de réaction, ainsi que les défis que constituent les pressions migratoires et les faiblesses de la compétitivité européenne soulignées par le récent rapport de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE).

Dans ce contexte, la présidence polonaise fait du renforcement de la sécurité européenne, dans toutes ses dimensions, sa priorité qu’elle entend décliner dans différents domaines (défense, protection des personnes et des frontières, résistance à l’ingérence étrangère et à la désinformation, etc.). Cette priorité posera la question des financements européens. La Pologne est elle-même l’État membre dont la part des dépenses militaires dans la richesse nationale est la plus élevée (4,1 % du PIB). Au-delà, la présidence polonaise devra gérer d’autres enjeux importants pour les finances publiques européennes.

La nouvelle présidence poursuivra les discussions sur le financement de la défense dans l’Union européenne, en incluant une participation de la Banque européenne d’investissement. L’objectif est de développer des solutions innovantes qui puissent avoir un impact positif sur les capacités de défense des États membres – lesquels sont invités à poursuivre parallèlement leurs propres efforts – et sur le niveau de développement de leurs secteurs industriels et de R&D. Le Livre blanc sur l’avenir de la défense européenne, attendu à l’agenda du collège des commissaires le 19 mars, doit notamment permettre d’identifier les besoins.

Avec son dernier cadre financier pluriannuel, l’Union européenne s’est dotée pour la première fois d’une ligne budgétaire consacrée à la défense sous la forme du Fonds européen de défense qui est doté de 8 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Ce fonds contribuera à renforcer les bases industrielles et technologiques de défense (BIRTD) qui, bien qu’essentielles pour assurer l’autonomie de l’Union, sont aujourd’hui trop fragmentées.

En 2023, en s’appuyant sur le Fonds européen de défense, le Conseil a adopté un règlement établissant un instrument visant à renforcer l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes (EDIRPA) et un règlement relatif au soutien à la production de munitions (ASAP).

En janvier 2024, le commissaire européen Thierry Breton avait proposé la création d’un fonds européen, à hauteur de 100 Md€, pour stimuler la production de l’industrie de défense de l’Union, ainsi que la collaboration entre les États membres, les entreprises et les autres acteurs du secteur de la défense. En mars 2024, la Commission européenne a présenté une stratégie destinée à multiplier les capacités de production des industriels européens du secteur de la défense et les placer sur un pied d’égalité avec leurs concurrents américains. Sur le plan financier, la proposition de règlement établissant le Programme européen et industriel de défense (PEID) prévoit un budget de 1,5 Md€. Le développement de la base industrielle et technologique de défense ukrainienne devrait bénéficier de montants supplémentaires afin d’assurer son intégration plus étroite avec la BIRTDE et le marché des équipements de défense de l’Union. La Commission envisageait qu’une part des bénéfices exceptionnels tirés par les dépositaires centraux de titres des actifs souverains russes immobilisés pourrait être utilisée (en fonction des besoins immédiats de l’Ukraine en matière de défense). Cette suggestion devait toutefois être validée par une décision du Conseil sur proposition du Haut représentant.

La stratégie proposée par la Commission européenne entend s’appuyer sur les instruments existants – en particulier, le Fonds européen de défense – en les complétant. Prenant fin respectivement en 2025 et 2027, les instruments d’urgence et le Fonds européen de défense devront être remplacés par des instruments financiers à plus long terme qui pourront tirer profit de l’expérience des programmes existants.

La Commission européenne fait le constat que seul un budget limité est consacré aux marchés publics collaboratifs dans le domaine de la défense (bien en deçà du seuil de 35 % fixé dans le cadre de l’Agence européenne de défense). En outre, les États membres s’approvisionnent majoritairement à l’extérieur de l’Union, en particulier depuis le début de la guerre contre l’Ukraine. Malgré la croissance du marché de la défense de l’Union, le niveau des échanges intra-européens a diminué. La Commission européenne a donc présenté trois objectifs : d’ici à 2030, la valeur des échanges commerciaux intra-UE liés à la défense devront représenter au moins 35 % de la valeur du marché européen de la défense ; au moins 50 % du budget des marchés publics de défense des États membres devra être passé au sein de l’Union européenne d’ici à 2030, et 60 % d’ici à 2035 ; au moins 40 % des marchés publics des États membres concernant des équipements de défense devra être passé de manière collaborative d’ici à 2030.

La présidence polonaise se fixe pour objectif de conclure les négociations sur le projet de règlement établissant le Programme européen et industriel de défense (PEID). Elle recherchera aussi un soutien financier européen pour le projet East Shield, bouclier d’infrastructures composé de fortifications militaires et de systèmes technologiques (radars, systèmes anti-drones…), de nature à mieux assurer la protection de la frontière orientale de l’Union européenne et présentant un intérêt pour l’Union dans son ensemble. Elle cherchera à promouvoir un soutien durable à l’Ukraine, assurée notamment via la Facilité européenne pour la paix (FEP) créée en 2021 et dotée de 50 Md€ pour la période 2024-2027, pour financer le volet militaire de la politique étrangère européenne, et sa reconstruction.

L’ambition d’un Fonds européen à hauteur de 100 Md€, proposée par l’ancien commissaire européen Thierry Breton est beaucoup plus élevée mais pose la question de son financement qui ne pourrait être assuré par le budget européen, dans son format actuel, et devrait donc faire appel à un nouvel emprunt commun comme celui du plan de relance Next Generation EU. Pour financer les investissements massifs – à hauteur de 750 à 800 M€ – qu’il préconise pour relever le défi de la compétitivité européenne, le rapport Draghi envisage lui-même le recours à un emprunt commun qui mobiliserait l’épargne des européens.

->Budget européen

La préparation du cadre financier pluriannuel post-2027

La présidence polonaise réunira, en février 2025, une conférence d’experts de haut niveau sur le cadre financier pluriannuel au-delà de 2027, avant de discuter du sujet lors d’une réunion informelle du Conseil Affaires générales. Parmi les sujets qui seront débattus, la présidence polonaise met en avant la politique de cohésion – qui mobilise près d’un tiers du budget européen – qu’elle identifie comme le principal instrument pour assurer un développement socio-économique équilibré et le bon fonctionnement du marché unique. La Pologne est elle-même la principale bénéficiaire de cette politique (76,5 Md€) pour la période 2021-2027, devant l’Italie, l’Espagne et la Roumanie.

La Présidence organisera un débat sur la politique de cohésion post-2027 et sur son rôle dans le développement cohérent des régions de l’Union européenne. Elle s’appuiera sur trois rapports parus en 2024 : celui du groupe d’experts de haut niveau sur l’avenir de la politique de cohésion ; le rapport annuel de la Commission sur la cohésion et le rapport d’Enrico Letta, ancien Président du Conseil italien, sur le marché unique. L’objectif de la Présidence est ensuite de pouvoir adopter des conclusions du Conseil dès mars 2025.

->Pacte de stabilité

La Présidence polonaise doit par ailleurs piloter la mise en œuvre du Pacte de stabilité et de croissance révisé qui est désormais opérationnel. Issu d’un accord conclu entre les ministres des Finances en décembre 2023, ce Pacte révisé doit permettre de réduire les taux d’endettement et les déficits de façon progressive et réaliste, tout en protégeant les réformes et les investissements dans les domaines stratégiques. Ce cadre révisé a eu un impact sur le processus du semestre européen qui constitue un examen annuel de coordination des politiques socio-économiques destiné à favoriser la convergence et la stabilité dans l’Union européenne. En novembre 2024, dans un premier volet, la Commission européenne a évalué les programmes budgétaires pluriannuels des États membres, tels que prévus par la réforme, dans lesquels ils s’engagent à suivre sur le moyen terme une trajectoire budgétaire et à mettre en œuvre des investissements et des réformes. En décembre 2024, la Commission a présenté le deuxième volet qui comprend sa proposition de recommandation concernant la politique économique de la zone euro pour 2025, le rapport 2025 sur le mécanisme d’alerte et la proposition de la Commission relative au rapport conjoint sur l’emploi 2025. La recommandation pour la zone euro invite les États membres à agir pour améliorer la compétitivité, stimuler la productivité et continuer à assurer la stabilité macroéconomique et financière.

Selon Eurostat, le déficit public s’est établi à 2,6 % du PIB et la dette publique à 88,2 % du PIB dans la zone euro au troisième trimestre 2024. Le Conseil a adopté, le 21 janvier, les recommandations concernant des déficits excessifs pour sept États membres (Belgique, France, Italie, Malte, Pologne, Roumanie, Slovaquie). La France devra ramener son déficit public sous la barre des 3 % du PIB d’ici 2029. Le Conseil a aussi approuvé les programmes budgétaires à moyen terme (quatre ou sept ans) de 21 États membres (soit tous les États à l’exception de l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie et la Lituanie). Cinq d’entre eux (la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie et la Roumanie) ont demandé que la période d’ajustement budgétaire soit portée à sept ans. Le Conseil a approuvé les engagements en matière de réforme et d’investissement qui justifient cette prolongation.

La Pologne entend également, au titre de l’approfondissement du marché intérieur, favoriser l’intégration des marchés de capitaux, afin d’attirer les investissements privés vers les transitions numérique et climatique. Le Rapport Draghi sur la compétitivité européenne a pointé cet enjeu important pour consolider le marché unique. Dans le domaine bancaire, elle poursuivra les négociations sur le Paquet « CMDI » qui tend à renforcer lest instruments de gestion des crises bancaires.

->Euro, BCE et UEM

La nouvelle baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE)

Le Conseil des gouverneurs a décidé, le 30 janvier, d’abaisser les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE (facilité de dépôt, opérations principales de refinancement et facilité de prêt marginal) de 25 points de base. En conséquence, ces taux ont été ramenés respectivement à 2,75 %, 2,90 % et 3,15 % à compter du 5 février 2025. Cette baisse, pour la quatrième fois d’affilée, s’inscrit dans le contexte de faiblesse de la croissance européenne (0,7 % pour la zone euro en 2024 après + 0,4 % en 2023) et des risques d’une guerre commerciale qui aurait un impact négatif sur la croissance européenne. Les taux ont ainsi régressé de 1,25 % depuis le pic qu’ils avaient atteint en septembre 2023.

Le Conseil des gouverneurs a considéré que le processus de désinflation était en bonne voie et que l’inflation devrait revenir à l’objectif qu’il avait fixé de 2 % à moyen terme dans le courant de l’année, avec une perspective de stabilisation durable que le Conseil est résolu à assurer. Sous l’effet des récentes baisses des taux directeurs, le coût des nouveaux emprunts pour les entreprises et les ménages diminue progressivement, même si les conditions de financement restent strictes, en raison notamment d’une politique monétaire toujours restrictive et de la poursuite de la transmission des hausses passées des taux directeurs à l’encours des crédits. Toutefois, le Conseil ne s’engage pas sur un calendrier précis et sur une trajectoire de taux particulière. Il indique que ses décisions à venir sur les taux d’intérêt directeurs seront fondées sur son évaluation des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire.

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1 Nous sommes très honorés d’accueillir pour la tenue de cette rubrique M. Philippe DELIVET, Directeur des Relations internationales et du Protocole du Sénat. Directeur d’études à Sciences Po Paris (Institutions politiques et parlementaires) et chargé de cours sur les politiques de l’Union européenne à l’Institut national du service public (INSP) et à l’Université Paris-Dauphine (master conjoint). Auteur de l’ouvrage Les Politiques de l’Union européenne paru à La Documentation Française, 2e éd., sept. 2024. Nous précisons que les propos tenus ou les opinions exprimées dans ces colonnes n’engagent pas l’institution sénatoriale. Et nous remercions très chaleureusement M. DELIVET d’avoir accepté de prendre le relais de notre collègue, le Pr. Aymeric POTTEAU, pris par ses obligations décanales à la Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de l’Université de Lille.

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Aurélien BAUDU (Fiscalité et procédure fiscale – Coordination)

Fabrice BIN (International et Fiscalité européenne)

Florent GAULLIER-CAMUS (Budget de l’État et opérateurs – Comptabilité publique)

Léonard GOURBIER (Management public)

Matthieu HOUSER (Finances locales)

Philippe DELIVET (Finances publiques européennes)

Yves TERRASSE (Finances sociales)