Ce mois d’octobre est marqué comme chaque année par le début du marathon budgétaire qui aboutira au vote de la loi de finances pour 2019 dans les derniers jours de l’année. Les marges de manœuvre laissées au Parlement sont chaque année assez faibles. La discussion, très technique, mobilise néanmoins les parlementaires pour près de trois mois de procédure. Une vision plus souple de ce cadre temporel est-elle envisageable ? Pourrait-on supprimer l’annualité budgétaire pour améliorer la gestion des finances publiques ? Cette question peut sembler un peu provocatrice tellement le principe d’annualité budgétaire paraît ancré parmi les principes essentiels de nos finances publiques.
La question pourrait apparaître inutile tant les adaptations au principe et les instruments pluriannuels se sont développés ces dernières années. Effectivement, la traditionnelle loi de finances annuelle s’accompagne maintenant de lois de programmation des finances publiques qui fixent les grandes orientations des finances publiques à horizon pluriannuel. Le Gouvernement prépare également et s’engage sur des budgets triennaux qui s’imposent aux ministres.
Ces exigences de programmation à moyen terme se développent dans un cadre européen qui privilégie la stabilité budgétaire et l’équilibre plus facile à atteindre et à maintenir à moyen terme. Néanmoins, depuis une dizaine d’année, on constate que la multiplication d’instruments pluriannuels ne permet pas pour autant le respect de ces objectifs. En cause, l’articulation entre annualité et pluriannualité : les normes pluriannuelles ne sont pas vraiment contraignantes. Seules les prévisions annuelles engagent réellement le Parlement. Toutes les tentatives pour contraindre, hiérarchiser ou encadrer les lois de finances dans des objectifs à moyens termes ont échoué.
Avantages et inconvénients de la pluriannualité
Alors pourquoi ne pas envisager plus radicalement de substituer l’autorisation pluriannuelle à l’autorisation annuelle ? Un tel choix aurait beaucoup d’avantages et donnerait plus de souplesse pour les gestionnaires publics dans un cadre pluriannuel (imaginons 3 ans). Parallèlement, le contrôle sur les finances publiques pourrait également se renforcer pour devenir un contrôle en temps réel de l’exécution budgétaire. L’éternel cycle budgétaire annuel est un frein au contrôle en temps réel. Le contrôle a posteriori (à travers la loi de règlement) ne mobilise pas les Parlementaires et épuise l’administration sans effet majeur.
Les obstacles à cette pluriannualité assumée sont également nombreux. On peut s’interroger par exemple sur les possibilités de prévoir les recettes pour plusieurs années, même si le prélèvement à la source permettra pour l’impôt sur les revenus d’améliorer le recouvrement de l’impôt en temps réel. De même, le suivi des dépenses devrait rester d’une façon ou d’une autre annualisé pour éviter un dérapage de celles-ci à échéance pluriannuel.
Les exemples étrangers de développement de la pluriannualité témoignent pourtant de la pertinence de ce rythme que ce soit pour maîtriser les dépenses mais également pour assurer un contrôle efficace.
Revenir sur le principe d’annualité acquis depuis la Révolution en mettant en place une loi de finances pluriannuelle serait sans nul doute un bouleversement d’un des fondamentaux des finances publiques, mais plus symbolique qu’il n’y paraît. En pratique, la pluriannualité s’est déjà imposée dans les esprits, il faut trouver les voies et moyens pour qu’elle s’impose dans les faits et en droit.
Alain Pariente – Maître de conférences/HDR Université de Bordeaux