Le Haut-commissaire à la réforme des retraites a débuté le 16 avril 2018 la concertation avec les partenaires sociaux sur l’avenir du système des retraites, sur la base d’un document de synthèse qu’il leur a fait parvenir. Sans dévoiler à ce stade de pistes de réformes, le texte fait une critique sévère du système actuel qui juxtapose 42 régimes différents. Il est d’abord jugé inadapté à la mobilité professionnelle, dans la mesure où, dans sa carrière, chaque assuré cotise à au moins 3, 1 régimes différents, en englobant retraite de base et retraite complémentaire ; du fait des différences entre règles de calcul des droits, en passant d’un régime à l’autre, en particulier entre public (calcul de la pension basé sur les 6 derniers mois) et privé (calcul basé sur les 25 meilleurs années), l’assuré peut perdre sur le montant de sa pension selon que le passage se fait ou non en début de carrière, des difficultés analogues pénalisant également la situation des auto-entrepreneurs par rapport à celle des salariés du régime général. Il est également jugé assez injuste (majorations pour enfants, dispositifs de réversion différents selon les régimes…). Des dispositifs de solidarité permettent d’assurer une redistribution efficace, mais qui trouve ses limites, notamment pour les petits salaires et les chômeurs, et qui repose sur des mécanismes de financement peu lisibles. Le document fait apparaître que l’harmonisation sera difficile aussi bien entre les différentes catégories de salariés que pour les indépendants.
Lors d’un colloque au Sénat le 19 avril 2018, la Ministre des Solidarités et de la santé et le Haut-commissaire à la réforme des retraites ont précisé le calendrier de la réforme : une première concertation va être ouverte sur six « blocs thématiques » : d’ici l’été seront discutés le modèle de construction du nouveau système universel (périmètre, niveau de couverture, assiette, taux), la redistribution et la solidarité à y introduire ( droits non contributifs et minima de pension) et les aspects tenant à l’évolution de la société (droits familiaux, égalité homme/femme). A l’automne, seront examinés les trois derniers blocs : conditions d’ouverture des droits à la retraite (dans une perspective d’ouvrir plus de marge pour la transition à la retraite), la reconnaissance des spécificités de certains parcours professionnels et la constitution d’un système pérenne et solide (gouvernance, pilotage, période de transition). Par ailleurs, va être mis en place un dispositif de participation citoyenne en ligne. Le Haut-commissaire finalisera le projet d’ici fin 2018 ou début 2019 et une nouvelle phase de concertation sera alors organisée. A ce stade, le gouvernement n’a donné aucune indication sur les contours et les mécanismes du futur système, la ligne directrice restant celle fixée par le Président de la République, à savoir « un système universel de retraite où chaque euro cotisé donne les mêmes droits ».
Une note de l’Institut des Politiques Publiques d’avril 2018 dresse un tableau des enjeux qui devront être pris en compte dans la réforme, à partir des très nombreux travaux de recherche depuis une dizaine d’année et des analyses du COR. Il paraît vraisemblable que le débat va se concentrer, dans le cadre de la conservation du système de répartition, sur l’arbitrage entre système à points et comptes notionnels (cf la présentation des dispositifs dans REPERES de juillet 2017, qui renvoie au rapport du COR de 2010). Sans marquer de préférence pour l’un ou l’autre, la note énonce trois principes à respecter pour satisfaire à l’objectif fixé :
- la revalorisation des droits passés doit suivre la croissance des salaires (et non plus celle des prix) ;
- le coefficient de liquidation doit dépendre des évolutions démographiques (pour préserver l’équilibre du régime) ;
- le mode de revalorisation des retraites doit être cohérent avec celui du coefficient de liquidation (pour offrir une pension mieux revalorisée dans le temps, il peut être nécessaire d’offrir une pension plus faible à la liquidation).
Dans ces conditions, la référence à un « âge unique de la retraite », à modifier régulièrement pour assurer l’équilibre du dispositif, n’est plus pertinente, dans la mesure où celui-ci devrait s’ajuster spontanément pour offrir à chaque génération le même taux de remplacement à un âge légèrement plus élevé en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie. La note aborde ensuite d’autres points d’arbitrage comme les taux de cotisation, les dispositifs de solidarité, la transition et la gouvernance.
Yves Terrasse – Administrateur général des finances publique