FINANCES DE L’ETAT ET DES OPERATEURS
->Données générales sur les finances publique
Le déficit 2019 plus bas que prévu ?
Dans un communiqué de presse du 15 janvier 2020, le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin a annoncé que le déficit de l’État s’était établi en 2019 à 92,8 Md€ en amélioration de 4,9 Md€ par rapport à celui prévu dans la loi de finances rectificative. Cette amélioration s’explique en partie par des recettes fiscales exceptionnelles. Les recettes fiscales se situent 2,1 Md€ au-dessus de la dernière prévision. Les recettes sont aussi marquées par l’encaissement du produit de la privatisation de la FDJ (1,9 Md€).Le gouvernement maintient néanmoins sa prévision d’un déficit public à 3,1 % du PIB pour 2019.
FINANCES LOCALES
->Données générales
Un hackathon sur les finances locales
Un communiqué rend compte du hackathon relatif à la valorisation des données financières des collectivités locales qui a réuni 150 participants au Sénat le 24 janvier 2020. Parmi les multiples « défis » auxquels les concepteurs d’application ont répondu : l’analyse de l’impact d’une loi ou d’un amendement sur les finances locales, la construction d’indicateurs « sur mesure », l’analyse fonctionnelle de 1000€ de dépenses d’une collectivité, la comparaison des recettes de collectivités choisies par l’utilisateur, la réalisation d’un tableau de bord citoyen de la collectivité.
->Fiscalité locale
La taxe de séjour de Airbnb
Dans un communiqué du 10 janvier 2020, Airbnb annonce avoir reversé 58 millions d’euros de taxe de séjour aux collectivités locales françaises contre 24 millions l’année précédente. Cette hausse constitue les conséquences des mesures votées depuis maintenant trois ans. Les trois collectivités ayant reçu les montants les plus importants sont la ville de Paris (15,3 M€), ainsi que les métropoles de Marseille (2,3 M€) et de Nice (1,8 M€). En outre, Airbnb reverse cette année plus de 10,5 M€ de taxe de séjour à des villes françaises de moins de 3 500 habitants, un montant plus de trois fois supérieur à l’an dernier (3,2 M€).
->Autres recettes locales
Le rapport du Défenseur des droits sur la réforme du stationnement payant
Le Défenseur des droits a rendu en janvier 2020 un rapport particulièrement à charge contre le forfait post-stationnement intitulé La défaillance du forfait de post-stationnement : rétablir les droits des usagers. Les principales critiques concernent les points suivants : une terminologie administrative difficile à comprendre, la diversité des interlocuteurs et la complexité des dispositifs de recouvrement, la faiblesse de l’information des usagers sur les voies de recours, l’amélioration nécessaire du traitement des recours administratifs préalables obligatoires exercé par les collectivités territoriales, la nécessité d’adapter le dispositif pour garantir le droit au recours juridictionnel des usagers devant la commission du contentieux du stationnement payant. Se pose également la question du fichier des personnes détentrices d’une carte de stationnement pour personnes handicapées.
->Comptabilité publique locale
Les instructions budgétaires et comptables 2020
Comme tous les ans, en début d’année, le Gouvernement actualise les instructions budgétaire et comptable : instruction budgétaire et comptable M57 applicable aux collectivités territoriales uniques, aux métropoles, aux collectivités locales sur option et à leurs établissements publics administratifs, instruction budgétaire et comptable M.14 applicable aux communes et aux établissements publics communaux et intercommunaux à caractère administratif, instruction budgétaire et comptable M.4 applicables aux services publics industriels et commerciaux, instruction budgétaire et comptable M.21 des établissements publics de santé, instruction budgétaire et comptable M.22 applicable aux établissements et services publics sociaux et médico-sociaux, instruction budgétaire et comptable M52 des départements et de leurs établissements publics administratifs, instruction budgétaire et comptable M.61 des services départementaux d’incendie et de secours, instruction budgétaire et comptable M.71 applicable aux regions, instruction budgétaire et comptable M.832 applicable aux centres de gestion de la fonction publique territorial.
FINANCES SOCIALES
->Dette sociale
La CADES confirme l’extension de la dette sociale transférée en 2024
Le dernier communiqué de presse de la CADES, du 13 janvier 2020, fait état d’un montant de la dette résiduelle restant à amortir de 89,3 Md€ à fin 2019, confirmant ainsi la perspective d’un remboursement intégral de la dette de la Sécurité sociale en 2024. Cet apurement permettrait de libérer 15Md€ de ressources annuelles de CRDS et de CSG affectés à la Caisse, qui suscitent déjà de nombreuses convoitises pour le financement du déficit des retraites ou du plan dépendance à venir. Toutefois, il n’est pas pris en compte le déficit porté par l’ACOSS qui s’élève à près de 21 Md€ à fin 2019, et pour lequel il n’est pas envisagé de transfert à la CADES, celui qui avait été prévu par la LFFSS 2019 (15 Md€) ayant été annulé par la LFSS 2020.
->Dépenses de santé, hôpital, assurance maladie
Le reste à charge zéro entre en vigueur pour l’optique et le dentaire
Promesse de campagne emblématique du candidat Macron, le « 100 % santé » entre dans une phase décisive au 1er janvier 2020 ( décret du 11 janvier 2020). A cette date, les opticiens devront proposer un choix de montures et de verres sans reste à charge pour le patient. Il devra en être de même pour un choix de prothèses dentaires. Pour les audioprothèses, l’année 2020 verra une amélioration de la prise en charge progressive d’un choix d’audioprothèses, avant une prise en charge intégrale en 2021. Le coût total de la réforme est évalué à 1 Md€ d’ici 2023, au financement desquels les complémentaires santé devront participer à hauteur de 50 M€ par an, sans augmentation de leurs tarifs. Cela devrait contribuer à réduire le reste à charge des Français en matière médicale, qui est déjà l’un des plus bas des pays de l’OCDE (7 % en 2029, cf Repères de septembre 2019).
->Retraites
Acte III : un avant-projet de loi et une conférence de financement
Le gouvernement a rendu public le 10 janvier l’avant-projet de loi sur la réforme des retraites qui comporte en fait deux textes, renvoyant à un grand nombre d’ordonnances et de décrets qui reprennent la quasi intégralité des orientations annoncées par le Premier ministre le 11 décembre dernier (cf Repères de décembre), et en particulier le principe d’un « âge d’équilibre » ( redénomination de l’âge pivot) à 64 ans en 2027. Le Premier ministre a adressé le 11 janvier une lettre aux partenaires sociaux dans laquelle il accepte de renoncer provisoirement à la fixation de l’âge d’équilibre « paramétrique » à 64 ans en 2027 dès lors que syndicats et patronat trouveraient des solutions alternatives pour combler l’impasse de 12 Md€ des comptes sociaux en 2027. Ces mesures devraient être proposées par la conférence de financement d’ici la fin avril, en excluant toute baisse des pensions ou augmentation du coût du travail. En revanche l’âge d’équilibre « systémique » pour assurer le pilotage financier du système sur le long terme serait bien maintenu. Ce compromis a reçu un accueil favorable des syndicats «réformistes» (CFDT et UNSA). Par ailleurs, de nombreuses négociations sectorielles se sont ouvertes.
Acte IV : adoption des projets de loi en conseil des ministres
Le conseil des ministres du 24 janvier a adopté deux projets de loi pour la mise en œuvre de la réforme des retraites. Le projet de loi organique comporte cinq articles : l’art. 1 modifie la partie organique du Code de la Sécurité sociale relative aux lois de financement de la SS pour organiser le pilotage financier du futur Régime universel en définissant une trajectoire pluriannuelle qui impose l’équilibre financier du système sur cinq ans en cumulé, cette trajectoire étant actualisée à chaque LFSS ; l’art. 2 étend le champ des LFSS aux régimes complémentaires obligatoires (AGIRC-ARRCO, RAFP, IRCANTEC, régimes complémentaires des indépendants, des exploitants agricoles…) et donne au Parlement la responsabilité de voter chaque année à partir de 2022 un tableau d’équilibre de ces régimes. Les autres articles prévoient les modalités d’intégration spécifiques dans le Régime universel des Parlementaires, des membres du Conseil constitutionnel, et des magistrats. Le projet de loi ordinaire instituant le Régime universel lui-même comporte 64 articles répartit en 5 titres ; le titre 1 décrit les principes généraux du système (équité, solidarité, équilibre financier…), son champ d’application (salariés, fonctionnaires, régimes spéciaux, indépendants…), le titre 2 est consacré au passage de l’activité à la retraite qui va être facilité (travail des seniors, retraite progressive cumul emploi-retraite…), aux dispositifs carrières longues, à la reconnaissance de la pénibilité, aux départs anticipés pour les professions régaliennes, à la transition en matière d’ouverture des droits … ; le titre 3 traite de la solidarité (minimum de retraite, prise en compte des interruptions de carrière, droits familiaux et conjugaux…) ; le titre 4 organise la gouvernance du futur Régime universel : création d’une Caisse nationale de retraite universelle dès le 1er décembre 2020, modalités du pilotage à long et moyen terme dans le cadre de la « règle d’or » d’équilibre sur 5 ans, institution d’un comité d’expertise indépendant ; glissé dans ce titre, l’art. 57 donne mandat à la conférence de financement pour proposer les mesures pour atteindre l’équilibre financier en 2027, tout en habilitant le gouvernement à prendre in fine toute disposition pour assurer cet équilibre, sans baisse des pensions ni hausse du coût du travail ; dans ce titre, figurent également les mesures relatives à l’intégration financière et à la gestion des réserves ;enfin le titre 5 pose notamment le principe de la conservation intégrale des droits constitués avant la mise en oeuvre du nouveau système universel et fixe son entrée en vigueur en 2022 pour la génération de 2004 et en 2025 pour la génération de 1975. De très nombreuses dispositions devront faire l’objet de mise en œuvre par 29 ordonnances, pour lesquelles le gouvernement reçoit habilitation à cet effet. Le débat parlementaire doit s’ouvrir le 3 février en commission et le 11 février en séance plénière.
Acte IV (suite) : l’étude d’impact, des lacunes mais beaucoup d’informations
En accompagnement des deux projets de loi sur les retraites, le gouvernement a présenté une étude d’impact de plus de 1000 pages. Bien que l’exercice reste théorique du fait de l’incertitude sur les mesures de redressement à prendre d’ici 2027, de l’importance des sujets restant en négociation et de la longueur des périodes de transition, sur plusieurs sujets elle recadre le contexte financier, avec le risque toutefois de mettre le gouvernement en porte à faux par rapport à ses mises au point précédentes. Sur l’âge d’équilibre, l’étude fixe conventionnellement celui-ci à 65 ans pour la génération née en 1975 qui sera en situation de partir en 2037 en ayant atteint l’âge légal de 62 ans, cet âge d’équilibre augmentant ensuite régulièrement pour atteindre 67 ans en 2060 ; cette dynamique de progression mécanique de l’âge moyen de départ par génération en liaison avec l’accroissement de l’espérance de vie ressortait des prévisions du COR. S’agissant du poids des cotisations, les évolutions vont être contrastées : pour les salariés du privé, les hauts revenus cotiseront moins puisqu’ils ne le feront qu’à hauteur de 2,80 % au-delà de 10 000€ mensuels, mais sans prestation en contrepartie (cette mesure étant toutefois très contestée en raison de la perte de recettes qu’elle entrainerait pour le régime universel), les fonctionnaires devront cotiser plus du fait de l’inclusion des primes, avec des incertitudes sur l’effort contributif de l’Etat employeur, de même que les indépendants, dont le supplément de cotisation sera toutefois contrebalancé par une réforme concomitante de l’assiette sociale. Par ailleurs, le poids des retraites dans le PIB devrait baisser de 13,8 % actuellement à 13,3 % en 2040, et à 12,9 % en 2050, effet très largement dû à la disparition des classes d’âge du baby-boom, mais qui contredit des annonces antérieures sur la stabilité à 14 % du PIB de l’effort pour les retraites. Autre point délicat, l’étude révèle que, même avec l’hypothèse d’un âge d’équilibre à 65 ans en 2037, le régime serait en déficit de 0,2 % à 0,3 % du PIB pendant les années 2040, ce qui va à l’encontre de la future « règle d’or ». Les critiques les plus sévères ont porté sur la cinquantaine de cas-type présentés qui seraient beaucoup trop sommaires pour représenter la diversité des parcours et des professions. Autant de sujets qui peuvent faire soupçonner le gouvernement de poursuivre des objectifs purement financiers, alors qu’il axe son discours sur la finalité d’équité et de redistributivité de sa réforme.
Acte IV (suite) : l’avis du Conseil d’État, critique sur la méthode plus que sur le fond
L’avis que le Conseil d’État a rendu le 24 janvier 2020 sur les deux projets de loi est moins sévère que ne l’ont fait apparaître les premières réactions. Sur le plan juridique, il estime que le faible délai qui lui a été accordé « ne l’a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de l’examen auquel il a procédé». Particulièrement, il critique le recours très important aux ordonnances, qui fait perdre la visibilité d’ensemble nécessaire à l’appréciation de la réforme, et le fait qu’il n’est pas créé un « régime universel de retraites » mais plutôt un « système universel à 5 régimes » avec de très nombreuses dérogations, de même que le principe selon lequel « chaque Euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous » reflète imparfaitement la complexité et la diversité des règles de cotisation et d’ouverture des droits contenues dans le projet de loi; par ailleurs, l’engagement de revaloriser les traitements des enseignants et des chercheurs constitue une injonction au gouvernement contraire à la Constitution ; le système par points, de son côté, retire aux assurés de la visibilité sur le taux de remplacement de leur revenu d’activité , mais ,pour autant, le mécanisme de l’âge de référence destiné à assurer la soutenabilité financière ne paraît pas porter atteinte aux principes constitutionnels. Le Conseil s’est montré par ailleurs très vigilant sur la transition et les garanties à apporter aux assurés ayant cotisé dans l’ancien et le nouveau système. Sur le plan financier, le Conseil d’Etat estime que les projections contenues dans l’étude d’impact restent « lacunaires » ; elles sont conditionnées par la conférence de financement à venir, et n’abordent pas, notamment, les conséquences de l’avancement de l’âge moyen sur des questions comme le taux d’emploi des seniors, les dépenses d’assurance chômage et celles des minima sociaux. Au total, il apparaît toutefois que l’avis du CE est plus critique sur la méthode et sur la communication du gouvernement que sur ses fondements et son architecture mêmes.
Les données 2018 sur les différents produits d’épargne retraite supplémentaire
L’enquête annuelle de la DREES, publiée le 21 janvier 2020, sur le recours à l’épargne retraite relève qu’à la fin 2018, 13,1 millions de personnes détenaient un contrat de retraite supplémentaire (13 Mds€ de cotisations versées) et que 2,6 millions en percevaient des prestations (7,7 Md€). Ces contrats se répartissent entre des produits souscrits à titre particulier (PERP, Préfon, COREM…) et produits souscrits à titre professionnel (Madelin, exploitants agricoles, PERCO, contrats art 39, 82 et 83 du CGI).
->Emploi, formation professionnelle, assurance chômage
Le rapport Bellon sur l’emploi des seniors
Problématique indissociable de celle de l’âge de la retraite, l’emploi des seniors a fait l’objet d’un rapport, à la demande du Premier Ministre, de Mme Bellon et de MM. Mériaux et Soussan, publié le 14 janvier 2020. Le rapport constate une amélioration très sensible du taux d’emploi des 55-64 ans, celui-ci se situant à présent au niveau de 51,2 %, le taux d’emploi des 60-64 ans se limitant toutefois à 31 %. Ce taux d’emploi reste faible par rapport à la moyenne de l’UE (58,7 %) et de l’OCDE (61,4 %). Parallèlement, le taux de chômage des seniors a augmenté (6,5 %), avec des difficultés très importantes de retour à l’emploi et de grandes disparités selon les secteurs. Selon le rapport, l’amélioration du taux d’emploi des seniors est très largement dû aux mesures d’âge des réformes des retraites intervenues depuis 1993, ainsi qu’à la réduction des dispositifs de cessation anticipée d’activité sur financements publics. Le rapport fait 38 propositions pour favoriser « le vieillissement actif au travail », autour de 5 axes : mettre le vieillissement au cœur des politiques de santé et de prévention au travail, prévenir les risques d’obsolescence des compétences en seconde partie de carrière et favoriser la transmission des savoirs, faciliter et organiser les mobilités professionnelles favorables au maintien en emploi, faciliter des transitions plus progressives entre « pleine activité « et « pleine retraite », accélérer la transformation culturelle des organisations pour faire évoluer les représentations.
FISCALITE ET PROCEDURE FISCALE
->Lutte contre la fraude
La liste française des paradis fiscaux mise à jour
Dans un arrêté du 6 janvier 2020, le Gouvernement a mis à jour la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC) en matière fiscale. Elle comprend désormais 13 ETNC au lieu de 7 auparavant (arrêté du 12 février 2010 – art. 238-0 A-1 al. 2 du CGI), dans un souci de rapprochement avec la liste européenne des ETNC (art. 31 L. n°2018-898 du 23 oct. 2018 relative à la lutte contre la fraude). Les contribuables qui réalisent des opérations dans un ETNC ou en lien avec des entités établies dans un ETNC sont susceptibles de se voir appliquer des mesures restrictives ou dissuasives telles qu’une retenue à la source de 75 % sur divers flux sortant de France (intérêts, dividendes…), la privation du bénéfice de certains régimes fiscaux avantageux (tels que le régime mère-fille) ou des obligations documentaires renforcées (en matière de prix de transferts par exemple).
->Impôt sur le revenu
Bilan de la première année du prélèvement à la source de l’IR
Lors d’une conférence de presse, le 28 janvier 2020 (cf. dossier de presse), le Gouvernement dresse un bilan positif du prélèvement à la source (PAS). En effet, le ministre de l’action et des comptes publics a mis en avant le succès de la réforme grâce aux bonnes recettes fiscales perçues au titre de l’IR (71,7 Mds€) et au fort taux de recouvrement constaté (99,1%). Si les recettes fiscales de l’IR pour l’année 2019 sont inférieures de 900 M€ par rapport aux prévisions gouvernementales de l’automne (72,6 Mds€), en exécution, elles sont supérieures de 1,3 Mds€ à celles de la LFI 2019 (70.4 Mds€). Ses détracteurs considèrent que l’assiette de l’IR progresse mécaniquement et annuellement de 1.5 Mds€ et que l’année blanche de 2018 explique très certainement ce résultat positif. Par ailleurs, le Gouvernement s’est félicité de l’adhésion des contribuables à la réforme. Nombreux sont les contribuables à avoir revu leur taux de PAS au fil de l’année en cas de variation de revenus, même si les taux de PAS ont été davantage revus à la baisse (1 M de foyers fiscaux) qu’à la hausse (820.000 de foyers fiscaux), ce qui rend plus difficile l’exercice de prévision des recettes pour l’État.
->Impôts sur les sociétés
« Suspension » de la taxe GAFA à la française, une reculade ?
À l’occasion du sommet économique international de Davos en Suisse, la France a proposé de suspendre, pour l’exercice 2020, le paiement des acomptes dus au titre de la taxe sur les revenus numériques (TSN) introduite dans notre ordre juridique (CGI, art. 299 et s.) à l’été 2019 (art. 1 L. n°2019-759 du 24 juillet 2019) sans contrôle préalable de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel n’ayant pas été saisi de ce texte. Son application est donc différée au mois de décembre 2020 alors que 280 M€ ont été récoltés en novembre 2019 sur les 500 M€ initialement envisagés par le Gouvernement. Cette échéance semble correspondre à celle des négociations sous l’égide de l’OCDE en matière de fiscalité internationale… Toutefois, les dissuasions commerciales des USA sur les vins français, les automobiles allemandes ou les fromages italiens et les intimidations des GAFA sur la délocalisation de leurs activités ou la répercussion du montant de la taxe sur leurs prix semblent plus certainement expliquer ces tergiversations politiques de la France, qui s’est retrouvée dans une position isolée au plan international.
La baisse du taux d’IS de 2020 à 2022 sauf pour les grandes entreprises
Le législateur avait envisagé à un taux normal d’IS de 28 % en 2020 (art. 11, L. n°2016-1917 du 29 déc. 2016 de finances pour 2017), puis il avait décidé d’amplifier ce mouvement avec un taux normal d’IS de 25 % en 2022 (art. 84, L. n°2017-1837 du 30 déc. 2017 de finances pour 2018), pour finalement l’ajuster afin de financer les mesures adoptées pour répondre à la crise des « gilets jaunes », en maintenant pour 2019 à 33,1/3 % le taux normal d’IS appliqué aux grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel d’au moins 250 M€ (art. 4 L. n°2019-759 du 24 juillet 2019 portant création d’une TSN). En 2020, un taux uniforme d’IS de 28 % devait s’appliquer jusqu’en 2022 pour s’établir à 25% à compter de cette date (CGI, art. 219). Le législateur a relevé le taux normal d’IS pour 2020 et 2021 pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel d’au moins 250 M€ (art. 39 L. n°2019- 1479 du 28 déc. 2019 de finances pour 2020) à 31% en 2020, 27,5 % en 2021.
->Impôt sur le capital
Le Conseil constitutionnel se prononce sur l’abattement de 30% en matière d’ISF
L’exclusion de l’abattement de 30 % en cas de détention de la résidence principale par une SCI est constitutionnelle (Cons. const., décis. n°2019-820 QPC, 17 janv. 2020, Époux K.). Le législateur a eu constitutionnellement raison de faire réserver le bénéfice de l’abattement de 30 % sur la valeur vénale réelle de l’immeuble aux seules redevables de l’ISF qui occupent à titre de résidence principale un bien dont ils sont directement propriétaires.
->Fiscalité écologique
Les effets redistributifs d’une taxe carbone aux frontières
Une étude de l’OFCE revient sur l’empreinte carbone des ménages français et les effets redistributifs d’une fiscalité carbone aux frontières. L’empreinte carbone totale de la France s’élevait en 2011 à 732 Mt de CO2, 17,5 % proviennent des émissions directes issues de la combustion de produits fossiles, 35,3 % des émissions domestiques et les 47,2 % restant proviennent des émissions importées. Le retrait des USA, le 1er juin 2017, de l’Accord de Paris signé en 2015 par la totalité des États de la planète, fait peser un risque de voir apparaître des stratégies de passager clandestin. La Commission européenne a affiché la volonté de faire de la lutte contre le réchauffement climatique la priorité de la nouvelle mandature avec des politiques économiques climatiques d’envergure comme un plan d’investissement massif dans la transition écologique (European Green Deal) mais également la création d’une taxe carbone aux frontières, consistant à taxer le carbone émis associé à la production des importations de biens et de services des États européens, à la condition que le prix du carbone soit le même que celui en vigueur au sein du marché européen du carbone (ETS), avec les difficultés que cela induit…
->Impôts de production
Vers une baisse mesurée des impôts de production ?
Véritable serpent de mer du droit fiscal français, les industriels français réclament une réduction de la pression fiscale sur l’appareil productif car elle serait trop élevée par rapport à celle observée en Europe (0,5 % de la valeur ajoutée en Allemagne contre 3,6 % en France, soit sept fois plus élevée et deux fois plus forte que la moyenne de l’UEM). En 2019, pour trouver des pistes de réduction, le Premier ministre a sollicité le CAE qui a formulé des propositions en ce sens (v. Repères de juin 2019). Cette instance recommande la suppression de la C3S (4 Md€) et de la CVAE (17 Md€). Bruno Lemaire, ministre de l’économie et des finances, a annoncé lors de ses vœux aux acteurs économiques qu’une trajectoire de baisse serait votée dans le prochain projet de loi de finances. La première étape envisagée serait une baisse de la C3S étalée sur plusieurs années accompagnée d’une incitation fiscale pour les investissements dans la transition énergétique.
COMPTABILITE PUBLIQUE
->Responsabilité des comptables publics
Deux missions sur la responsabilité des gestionnaires publics
Une réforme des dispositifs de responsabilité des gestionnaires publics a été inscrite dans le programme « Action publique 2022 ». Ce sujet a fait l’objet d’un colloque coorganisé par le Conseil d’Etat et la Cour des comptes le 18 octobre 2019. Le ministre de l’action et des comptes publics a confié à Jean Bassères, inspecteur général des finances, directeur général de Pôle emploi et ancien directeur général de la comptabilité publique, une mission relative à la rénovation de la responsabilité financière des acteurs de la chaîne financière et comptable publique. Une mission de synthèse des expériences étrangères est confiée à Stéphanie Damarey, professeur de droit public à l’Université de Lille. Parmi les sujets qui pourraient être évoqués et qui suscitent des positions contrastées : l’interprétation du «principe» de séparation des ordonnateurs et des comptables, le champ de la responsabilité personnelle des comptables, la réforme de la cour de discipline budgétaire et financière, l’introduction d’une responsabilité des ordonnateurs pour faute grave de gestion…
MANAGEMENT PUBLIC
->Politiques de modernisation
Repenser les politiques territoriales de l’Etat
Le Conseil d’analyse économique, placé auprès du Premier ministre, a publié, le 14 janvier 2029, une étude sur les facteurs déterminants du malaise territorial. Ce dernier est mesuré à partir de trois facteurs : la mobilisation en faveur du mouvement des gilets jaunes, le taux d’abstention aux élections présidentielles et le mal-être déclaré par les citoyens. Les facteurs mis en corrélation concernent l’emploi, la fiscalité locale, les équipements publics et privés, l’immobilier et le lien associatif. Il en résulte des recommandations de bon sens : penser les politiques publiques territoriales en fonction de la qualité de vie et du bien-être des populations, s’appuyer davantage sur les expérimentations et les initiatives locales, favoriser le lien social notamment dans la conception des services de proximité.
->Administration numérique
La dématérialisation des formalités et l’inclusion numérique
Le secrétaire d’Etat au numérique a installé le 13 janvier 2019 une instance de pilotage d’un dispositif de participation citoyenne pour améliorer les services publics numérisés. L’instance associera des acteurs et associations proches du terrain (union des CCAS, ATD quart monde..). Trois ateliers d’écoute seront organisés trois fois par an autour des « évènements de vie » (par exemple perte d’emploi, poursuite des études, survenance d’un handicap…). Un sociologue, Pierre Mazet, coordonnera les travaux, fera la synthèse des retours des usagers et formulera des propositions concrètes d’amélioration ou d’accompagnement.
->Administration centrale
Nouvelle augmentation du nombre de membres de cabinets ministériels
Un décret n°2020-27 du 15 janvier 2020, publié au JORF du 16 janvier, texte n°1, autorise les secrétaires d’Etat «dont le décret d’attributions précise les affaires qu’il traite par délégation » à recruter 8 conseillers au lieu de 5. Le conseiller chargé du suivi des réformes prévu par le décret du 2 octobre 2019 (v. Repères d’octobre) peut s’y ajouter. Moins d’une dizaine de secrétaires d’Etat sont concernés.
->Administration territoriale de l’Etat
La mauvaise organisation du contrôle alimentaire
Un rapport de la mission interministérielle sur le contrôle de la sécurité sanitaire des aliments a été divulgué le 14 janvier 2020 par Acteurs Publics. Alors que le constat d’une très mauvaise répartition des tâches entre la DGCCRF et la direction générale de l’alimentation est ancien et incontesté, la mission exclut tout rattachement ou toute création d’une entité commune (agence) qui « mettrait en péril les deux directions générales et les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) ». Les rapporteurs privilégient donc une répartition plus claire des compétences (contrôle des produits alimentaires d’un côté, protection des consommateurs de l’autre), tout en reconnaissant que certaines attributions resteront partagées, en ajoutant la possibilité de déléguer certaines missions de contrôle au secteur privé et en proposant la nomination d’un coordonnateur interministériel… Parmi les motivations de ces demi-mesures très bureaucratiques: l’opposition de Bercy, qui pourtant n’a jamais su clarifier le positionnement de la DGCCRF, et le souci de ne pas porter atteinte à la cohésion des DDCSPP ! La Reate continue de produire ces effets délétères.
Création des commissaires à la lutte contre la pauvreté
Un décret n°2020-42 du 24 janvier 2020, JORF du 25 janvier 2020, texte 27, crée des commissaires à la lutte contre la pauvreté chargés, auprès des préfets de région, de coordonner les actions de prévention et de lutte contre la pauvreté en mobilisant les administrations concernées. Ils sont eux-mêmes coordonnés par un délégué interministériel.
->Gestion publique
Une étude comparative sur les évaluations d’impact des politiques publiques
Les études d’impact des politiques publiques se sont développées sous l’impulsion de la démarche d’évaluation partie du Royaume-Uni dans les années 80 et du mouvement plus récent des « politiques publiques par la preuve ». Après une étude quantitative ( v. Repères de décembre 2018), une nouvelle étude de France Stratégie analyse « Vingt ans d’évaluation d’impact en France et à l’étranger, analyse comparative des pratiques dans six pays »). Les monographies très approfondies établies pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, le Canada, l’Allemagne et la France et leur riche synthèse ne font pas ressortir un modèle « clé en mains ». Le rapport souligne l’ouverture du milieu administratif aux chercheurs aux Etats- Unis, la formation des agents publics aux études d’impact au Royaume-Uni, le rôle des agences exécutives d’évaluation des politiques publiques en Suède, la généralisation des nudge units dans tous les pays, les guides méthodologiques du trésor britannique…. Pour la France, ils recommandent une meilleure articulation entre la demande et la production d’études d’impact, la définition de principes garantissant l’indépendance, la crédibilité et la transparence des évaluations et, enfin, le partage des enjeux, des pratiques et des résultats au sein d’une large communauté d’acteurs.
->Fonction publique
Le projet de loi sur les retraites
Alors que les négociations étaient encore en cours au début janvier, le Gouvernement a transmis deux projets de loi, organique et ordinaire, au Conseil d’Etat (v.infra Finances sociales).Les dispositions relatives aux fonctionnaires de l’Etat, des collectivités locales, des hôpitaux, des assemblées ,de la magistrature et des armées ont pour objet d’intégrer tous les régimes particuliers dans le régime universel par points qui entrera en vigueur en 2022 pour la génération 2004 et à partir de 2025 pour la génération 1975. Les pensions seront calculées en fonction des points acquis tout au long de la carrière et non plus sur les rémunérations des six derniers mois. Les cotisations seront à terme les mêmes que dans le secteur privé. Les primes ouvriront droit à pension. Les régimes « actifs » seront supprimés et remplacés par l’application des règles communes sur la pénibilité, notamment le compte professionnel de prévention, sauf pour les personnes ayant exercé des fonctions particulièrement dangereuses (maintien de l’ordre, protection des populations, surveillance et contrôles: policier, douaniers, personnels pénitentiaires, pompier, contrôleurs aériens…aucune liste définitive n’ayant été publiée). Les fonctionnaires bénéficieront des dispositifs de retraite progressive et de retraite pour incapacité permanente. Des ordonnances préciseront les modalités de la période de transition (qui ne pourra excéder quinze ans), notamment en matière de cotisation et de prise en compte de la pénibilité. Une revalorisation salariale est prévue pour les enseignants et les chercheurs, dont l’introduction dans la loi a été estimée inconstitutionnelle par le Conseil d’Etat. Un malentendu s’est élevé au cours des négociations sur le calcul en régime transitoire des droits acquis des agents nés entre 1975 et 2003 : sur la base de leur rémunération en 2024 ou en fin de carrière (clause à l’italienne).
EUROPE
->Politique européenne
Le programme de travail de la Commission Von der Leyen
Le 29 janvier 2020, la nouvelle Commission a présenté son programme de travail. Les questions financières y tiennent une place limitée. Le document mentionne : un budget de l’Union « ambitieux et équilibré à long terme », le plan d’investissement pour une Europe durable de 1000 Md€, le fonds pour une transition juste, l’annonce de propositions en vue d’une garantie de salaires minimums équitables, d’une réassurance chômage européenne et d’une fiscalité effective et équitable (imposition des entreprises du XXIe siècle ; lutte contre l’évasion fiscale et pour une fiscalité plus simple et plus facile), le réexamen du cadre de gouvernance économique. La réforme du pacte de stabilité n’est pas explicitement évoquée.
L’activité de la BEI en France en hausse en 2019
Dans un communiqué en date du 31 janvier, la Banque européenne d’investissement a dressé le bilan de ses activités 2019 en France. Sa très forte activité pour un total de 8,5 Md€ (contre 7,2 en 2018) répartis entre 6,9 milliards d’euros pour la BEI et 1,6 milliard pour sa filiale dédiée aux PME, le Fonds européen d’investissement. 47 % des volumes d’investissement de la BEI ont été dédiés au climat et 2 milliards d’euros ont été consacrés à l’innovation.
->Budget européen
Pacte vert : la Commission propose un fonds pour une transition juste
Dans un ensemble de discours prononcés le 14 janvier 2020, les membres de la Commission européenne ont présenté leur plan d’investissement pour une Europe durable. Il s’agirait de transformer l’Union d’ici à 2050 en premier bloc régional climatiquement neutre. Cela suppose des investissements massifs, aussi bien de la part du secteur public de l’UE ou des États membres que du secteur privé. Le «plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe », ou « plan d’investissement pour une Europe durable », proposé par la Commission mobiliserait l’investissement public et contribuerait au déblocage de fonds privés, grâce aux instruments financiers de l’Union, et notamment à InvestEU, ce qui se devrait se traduire par au moins 1 000 milliards d’euros d’investissements sur la décennie.
->Euro
Lancement de la revue stratégique de la BCE
Lors d’une conférence de presse le 23 janvier, la présidente Lagarde a annoncé que la Banque centrale européenne allait mener une revue stratégique d’ampleur de sa politique monétaire. Face aux problèmes d’efficacité rencontrés actuellement par ses instruments, il s’agit d’analyser la formulation quantitative de l’objectif de stabilité des prix, la gamme des instruments de politique monétaire, les analyses économique et monétaire et les modes de communication et d’intégrer l’orientation climatique de l’utilisation des instruments de l’institution.
->États-membres
Allemagne : nouvel excédent budgétaire en 2019
Les chiffres publiés le 15 janvier 2020 par l’office fédéral allemand des statistiques « Destatis » (Statistisches Bundesamt) font état d’un nouvel excédent de 49,8 milliards d’euros, soit 1,5 % de son PIB. Le chiffre est inférieur à l’excédent record de 2018 (62,4 milliards). Il se décompose en 19,2 milliards d’excédent pour l’État fédéral, 13,3 pour les Länder, 10,7 milliards pour la Sécurité sociale et 6,6 pour les communes. La croissance de l’Allemagne a toutefois marqué le pas avec seulement 0,6 % en 2019.
INTERNATIONAL
->Monnaies
La monnaie hélicoptère s’envolera-t-elle ?
Dans une note publiée le 22 janvier 2020, le Veblen Institute a repris une idée de Milton Friedman et étudié sa faisabilité : la monnaie « hélicoptère ». Il s’agit de verser aux agents économiques (adultes comme mineurs) une subvention monétaire, non pour procéder à une politique de relance budgétaire keynésienne, mais, dans une optique monétariste, pour atteindre les objectifs de la politique monétaire : maîtrise de l’inflation et relance de l’économie, que la politique presque décennale désormais de « Quantitative easing » n’a pas permis d’atteindre. Appelée aussi « drone monétaire », elle consisterait à verser à chaque citoyen de la zone euro entre 120 et 140 euros de monnaie centrale numérique, sur un compte ouvert pour chacun auprès de la Banque centrale européenne. La somme serait versée mensuellement pendant une année test et tant que l’inflation reste en dessous de la cible de 2 % définie par la BCE. Elle le serait sans contrepartie et chacun serait libre de la dépenser comme il l’entend. L’émission de monnaie centrale correspondante se situerait aux environ de 480 milliards annuels, soit 40 milliards mensuels, pour se situer dans les ordres de grandeur des émissions réalisées dans le cadre des programmes d’achats d’actifs à partir de 2015. Elle n’aggraverait ainsi pas les déficits.
Aurélien BAUDU (fiscalité et procédure fiscale),
Fabrice BIN (Europe, international),
Jean- François CALMETTE (budget de l’État et des opérateurs),
Matthieu HOUSER (finances locales),
Michel LE CLAINCHE (comptabilité publique, management public, coordination),
Yves TERRASSE (finances sociales).