BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPÉRATEURS
->Politique budgétaire
Des aides de l’Etat « quoiqu’il en coûte »
L’ « État pompier » est de retour pour essayer de limiter les conséquences économiques dévastatrices du Covid-19. La formule du Président de la République dans son discours du 12 mars 2020 a été reprise par l’ensemble des médias : « Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises quoi qu’il en coûte… L’État prendra en charge l’intégralité de l’indemnisation de tous les salaires placés en chômage partiel, quelle que soit leur rémunération ». De plus, les entreprises pourront reporter sans justification le paiement des impôts et cotisations dus en mars. Dans son autre discours du 16 mars, Emmanuel Macron a annoncé le soutien au report d’échéances bancaires et de garanties de l’État à hauteur de 300 Md€ pour tous les prêts bancaires contractés auprès des banques. Pour les plus petites d’entre elles, et tant que la situation durera, celles qui font face à des difficultés n’auront rien à débourser ni pour les impôts, ni pour les cotisations sociales. Le même discours a annoncé la création d’un fonds de solidarité pour les entrepreneurs, commerçants, artisans. Le gouvernement a créé ce fonds par l’intermédiaire de l’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 (JORF du 26 mars, texte n°39) et dont les conditions ont été précisées par le décret n°2020-371 du 30 mars 2020 (JORF du 31 mars, texte n°29). Cette aide est conditionnée à une baisse de chiffre d’affaires d’au moins 50 % en mars et en avril. Le 17 mars, Bruno Le Maire a estimé que le plan de soutien aux salariés et aux entreprises à 45 Md € (11,5 Md€ d’aides directes et 33,5Md€ en trésorerie). Dans un entretien aux Echos du 18 mars, Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a estimé que la France pouvait intervenir « sans compter les litres d’eau pour éteindre l’incendie» car notre pays a « la chance d’avoir des finances publiques saines… ».
La loi de finances rectificative pour 2020
Le projet de LFR 2020 a fait l’objet d’un vote à l’unanimité de la loi n°2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificatives pour 2020 (JORF 24 mars 2020, texte n°1). Le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP), dans son avis du 17 mars 2020 (Avis n°HCFP-2020-1) a constaté que le contexte d’incertitude exceptionnellement élevée résultant de la crise sanitaire affecte toute prévision économique d’une grande fragilité et que le scénario du Gouvernement repose sur l’hypothèse d’un confinement limité à un mois et d’un retour rapide à la normale de la demande française comme étrangère. L’hypothèse d’impact de la crise sur la production en 2020 est de -1% du PIB. Le déficit effectif passerait de -2,2 % du PIB à -3,9 % dont -1,3 % de solde conjoncturel,-0,4 % de mesures exceptionnelles ou temporaires et un solde structurel stable à -2,2 %. Le déficit s’aggrave de 15,4 Md€ (de 93,1 Md€ en LFI à 108,5 Md€). La dette publique pourrait atteindre 102,5 % du PIB en fin d’année. Les dépenses supplémentaires de 6,25 Md€ traduisent les mesures annoncées dont des crédits sont logés dans une nouvelle mission « plan d’urgence face à la crise sanitaire » comprenant deux programmes : chômage partiel et fonds de solidarité pour les entreprises. Les recettes fiscales diminueraient de 10,7 Md€ compensées en partie par une augmentation des amendes exceptionnelles de 3,5 Md€.
L’impact économique du confinement
Une note de l’INSEE du 26 mars, dont les estimations sont pour Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’INSEE, « fragile et susceptible d’être révisées », tente de mesurer l’impact du confinement sur l’économie. La production et la consommation ont été brusquement contractées à 65 % de la situation normale. L’impact d’un mois de confinement est estimé à 12 points de PIB trimestriel soit 3 % du PIB annuel. L’exercice sera réitéré dans deux semaines. Une note de l’OFCE du 30 mars présente une première évaluation de l’impact du confinement. Celui-ci coûterait chaque mois 30 points de PIB mensuel, soit 2,6 % du PIB annuel, soit 60 Md€. Le chômage partiel, qui pourrait concerner 21 % des effectifs salariés, pèse à lui seul pour 20 Md€ chaque mois, dont 12,7 Md€ de coût budgétaire direct et 8,7 Md€ de perte de cotisations. Ces estimations seront régulièrement affinées et actualisées.
L’impact sur les finances publiques estimé par le Sénat
Une note de conjoncture et de suivi du plan d’urgence face à la crise sanitaire du Covid 19, publiée le 27 mars 2020 par la commission des finances du Sénat, fait un point sur les conséquences de la crise à la date du 26 mars. L’hypothèse d’un recul du PIB en 2020 comprise entre 3 % à 5 % présente désormais un caractère central. L’analyse des évolutions sectorielles montre que les pertes d’activité les plus fortes sont observées dans le secteur de la construction (-89 %) et de l’industrie hors agro-alimentaire (-52 %).Le déficit public pour 2020 pourrait donc s’élever à -6,3% du PIB au lieu des 3,9 % prévus dans le PLFR. Seul élément très légèrement positif, l’exécution budgétaire 2019 est légèrement meilleure qu’escompté (3 % au lieu des 3,1 % attendus). La note mesure l’impact de la crise sur les finances locales et sociales.
FINANCE LOCALES
->Données générales
Impact sur les finances locales
L’agence de notation Fitch Ratings a publié le 26 mars 2020 une note sur les perspectives de notation des collectivités qui souligne la dégradation des ratios d’endettement à moyen terme avec des niveaux dépassant, pour certaines d’entre elles, les facteurs de sensibilité négative des notes. Cela s’explique principalement par une baisse des recettes fiscales en matière de TVA, de taxe sur les certificats d’immatriculation, de CVAE, ou encore de DMTO alors que cette ressource a cru d’environ 40 % depuis 2015. L’impact est moindre en dépenses dès lors que la plupart des mesures contra-cycliques seront prises au niveau national préservant de fait les collectivités territoriales, même si les régions françaises participent aux mesures de soutien aux entreprises. Par ailleurs, Fitch s’attend à un report important de certaines dépenses d’investissement au cours des années qui viennent. Selon une note de la Commission des finances du Sénat du 26 mars 2020, la perte globale de recettes pourrait être de l’ordre de 4,9 milliards d’euros. Pour les régions, la diminution des recettes commencerait en 2020 mais serait surtout réelle en 2021, avec une véritable incertitude sur la TVA et moindre sur la CVAE. Les estimations demeurent, à ce jour, extrêmement provisoires avec une perte estimée entre 130 et 910 millions d’euros. Le risque de diminution des recettes s’avère, en revanche, beaucoup plus fort pour les départements en raison des incertitudes liées à l’évolution du marché immobilier avec, dans la pire des hypothèses, une perte de recettes fiscales (DMTO notamment), qui atteindrait 3,4 milliards d’euros. Pour le bloc local, les pertes seraient beaucoup moins importantes avec cependant des situations particulières liées à la taxe de séjour ou encore aux droits sur les marchés… En matière de dépenses, l’impact est également réel avec notamment les dépenses des régions en complément du fonds national de solidarité ou par la création de fonds locaux supplémentaires. Sur la base du volontariat, d’autres collectivités pourraient également être amenées à contribuer.
->Budgets locaux
Assouplissement des règles de gestion budgétaire
L’ ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux reporte plusieurs échéances : l’adoption du budget primitif : au 31 juillet 2020 contre le 15 ou le 30 avril 2020 ; l’arrêté du compte administratif 2019 : au 31 juillet 2020 contre le 30 juin 2020 ; les délais afférents à la présentation du rapport d’orientation budgétaire (ROB) et à la tenue débat d’orientation budgétaire (DOB) sont suspendus, ils pourront intervenir lors de la séance consacrée à l’adoption du budget primitif ; en matière fiscale, les dates-limites du vote des taux et tarif des impôts locaux par les collectivités territoriales sont reportés. En outre, pour que les collectivités territoriales et leurs groupements puissent continuer à fonctionner dans cette période de crise sanitaire, même en cas de non-adoption de leur budget primitif, des mesures de souplesse budgétaire sont prévues : en l’absence de vote du budget, les collectivités territoriales, leurs établissements et les EPCI pourront continuer à engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement dans la limite des dépenses inscrites dans le budget précédent ; en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, l’article L. 1612-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) permet d’ores-et-déjà à l’exécutif de la collectivité de décider d’exécuter les dépenses de la section de fonctionnement dans la limite de celles inscrites au budget de l’année précédente; pour les dépenses imprévues, le plafond sera porté à 15 % (contre 7,5 % ou 2 % aujourd’hui) des dépenses prévisionnelles de chaque section; les mouvements entre chapitres seront facilités, sur décision de l’exécutif, et dans la limite de 15 % des dépenses de chaque section ; ils seront également possibles pour l’ensemble des collectivités, de leurs établissements publics et EPCI avant le vote du budget. Dans le cadre de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de procédure et d’exécution des contrats de la commande publique pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 des mesures sont adoptées pour faciliter le recours à la commande publique. Enfin, dans un souci de limiter les conséquences économiques et sociales de la crise, le Parlement a décidé de surseoir à l’encadrement des finances locales (contrats de Cahors). Ainsi, selon l’article 12 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (JORF n° 0072 du 24 mars 2020), l’encadrement contractuel État-collectivités n’est pas applicable en 2020 par dérogation à l’article 29 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
->Dépenses locales
Les régions peuvent aider les entreprises
Dans le cadre de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, les régions peuvent participer en complément de l’Etat au fonds de solidarité à destination des entreprises des secteurs particulièrement touchés par les conséquences de la propagation du virus Covid-19. Elles s’y sont engagées à hauteur de 250 M€. Dans le cadre de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, le président du conseil régional pourra octroyer directement des aides aux entreprises, dans la limite de 100 000 euros par aide, par délégation du conseil régional. Cette délégation durera au maximum 6 mois à compter de la promulgation de l’ordonnance et permettra au président d’agir sans avoir à réunir son assemblée délibérante à laquelle il devra rendre compte ultérieurement.
FINANCES SOCIALES
->État d’urgence sanitaire
L’état d’urgence sanitaire et les ordonnances
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, JORF du 24 mars 2020, texte n°2, crée l’état d’urgence sanitaire et habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances (dite de l’article 38 de la Constitution) diverses mesures exigées par les circonstances exceptionnelles : : fonctionnement de la justice, droit du travail, adaptation des règles relatives aux difficultés d’entreprises, paiement des factures d’électricité et de gaz, modalités de délibération des règles de gouvernance des organismes publics, organisation des examens et concours, situation des étrangers, report des délais de déclaration, responsabilité des comptables publics, continuité des institutions locales, règles de la commande publique… Plusieurs mesures auront plus particulièrement un impact sur le fonctionnement des organismes sociaux et le financement de la protection sociale : les modalités de mise en place du fonds de solidarité (cf supra) qui doivent permettre le versement d’une aide d’urgence de 1500€ début avril aux TPE et aux travailleurs indépendants, l’instauration d’une garantie de recettes « assurance maladie » pour les établissements de santé et établissements sociaux et médico-sociaux, la possibilité pour l’ACOSS d’accorder des concours en trésorerie aux régimes complémentaires en vue de sécuriser le paiement des pensions, la prolongation sans réexamen de situation de l’éligibilité à plusieurs droits sociaux (AAH, AEEH, PCH, RSA, Complément santé solidaire, AME), l’allongement de la durée de perception des allocations chômage et de l’Allocation spécifique de solidarité….
->Soutien aux entreprises
Soutien aux entreprises et recettes de la protection sociale.
Le plan de soutien annoncé mi-mars par le Gouvernement (v.supra) comporte de nombreuses mesures de soutien aux entreprises et aux salariés. La première d’entre elle a été une extension sans précédent du recours au chômage partiel, qui couvrira l’ensemble des salariés concernés au-delà d’un SMIC, sur une assiette jusqu’à 4,5 SMIC, pour un montant estimé à 8,5 Md€ sur 2 mois qui va peser sur l’Etat et l’UNEDIC. Il s’agit là d’un dispositif essentiel pour préserver les ressources humaines du pays, qui avait fait ses preuves lors de la crise financière de 2008, mais dont le coût est sans doute très sous-évalué, puisqu’à la fin mars plus de 337 000 entreprises regroupant 3,6 millions de salariés l’avaient déjà actionné. Le report des charges fiscales (l’IS et la taxe sur les salaires – mais non la TVA – pour un montant de 13 Md€) et sociales du mois de mars(pour un montant de 21,5 Md€) représente l’engagement financier le plus important, étant précisé que les reports pourront être transformés en annulations au cas par cas à la fin de la crise ; au 31 mars, 530 000 TPE de moins de 50 salariés et 460 000 travailleurs indépendants avaient déjà obtenu le report des échéances sociales de mars. Il s’accompagnera d’une mesure équivalente pour les cotisations AGIRC-ARRCO. Un fonds de solidarité de 1Md€ (complété à hauteur de 200M€ par les collectivités locales) pour les petites entreprises de moins de 1M€ de CA dans les secteurs fermés depuis le 14 mars (restauration, commerces autres que de première nécessité…), dont le volume d’activité aura baissé de 50 %, avec dispositif d’urgence très simplifié sur simple déclaration ; enfin les pénalités ne seront pas appliquées en cas de dépassement des délais d’exécution des marchés publics. Par ailleurs, Bruno Le Maire a précisé le volet massif de garantie par l’Etat des prêts bancaires, annoncé la veille par le Président de la République, pour un montant de 300Md€ ( contre 35Md€ pour le même dispositif lors de la crise de 2008), soutien qui a été mis en œuvre par la plupart de nos partenaires pour des volumes également considérables. Ce plan destiné aux entreprises s’accompagne de mesures spécifiques de dépenses traduites dans le PLFR et un rehaussement de l’ONDAM : 2Md€ pour les dépenses supplémentaires de l’Assurance-maladie (arrêts de maladie-dont le bénéfice a été étendu aux parents devant garder des enfants pendant 14 jours-suppression du jour de carence, achats de matériels dont les masques,…), prolongement de l’Allocation spéciale de solidarité pour les chômeurs en fin de droits…).
->Assurance maladie, santé, hôpitaux
Une rallonge budgétaire et un plan massif pour les hôpitaux
Le Ministre des solidarités et de la santé a annoncé le 3 mars le déblocage de 260 M€, reliquat des crédits mis en réserve au titre de 2019, en faveur des établissements hospitaliers pour leur permettre de faire face à la crise du coronavirus. Ces crédits sont destinés à l’acquisition de matériels, notamment de masques, par les 157 établissements de référence désignés pour lutter contre l’épidémie. Cette opération fait suite au dégel, à l’automne dernier de 415 M€ par la précédente ministre. Au-delà de ces mesures de première urgence, en déplacement à Mulhouse, le Président de la République a annoncé le 26 mars un plan massif pour l’hôpital, qui portera sur tous les aspects (investissement, rémunération et carrières des professionnels de santé….)
->Retraites
Report des réformes des retraites et de l’Assurance chômage.
En décidant le 16 mars la mise en œuvre des mesures de confinement pour l’ensemble du territoire, le Président de la République a en même temps annoncé le report de la réforme des retraites, dont la plupart des observateurs s’attendent à l’enterrement définitif. Il a également confirmé le report du 1er avril au 1er septembre 2020 de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif d’indemnisation du chômage (cf. REPÈRES de juillet 2019).
FISCALITE ET PROCÉDURES FISCALES
->Données générales sur la fiscalité
La baisse conjoncturelle des recettes fiscales
L’impact de la conjoncture sur le niveau des recettes fiscales est difficile à estimer à ce stade. Selon le Gouvernement, les recettes fiscales diminueraient en France de 10,7 Mds€, pour s’établir à 282,3 Mds€. Selon l’exposé des motifs du PLFR, cette baisse est intégralement due à la dégradation de la conjoncture économique et à la contraction de l’assiette des impôts (bénéfices des entreprises en net recul, etc.). La baisse totale de recettes fiscales se décomposerait de 6,6 Md€ pour l’IS ; 2,2 Md€ pour la TVA ; 1,4 Md€ pour l’IR ; 0,5 Md€ d’autres impositions, comme celle pesant sur le capital. Selon le Gouvernement, les mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, comme les reports de charges fiscales, ne donneront pas lieu à des baisses de rendement en 2020, à la faveur d’un rebond attendu de l’économie au second semestre. Toutefois, les mesures budgétaires et fiscales présentées par le Gouvernement sont basées sur une période de confinement d’un mois…
->Procédures fiscales
Adaptation par ordonnances des délais de procédures fiscales
Du fait de l’épidémie de COVID-19, il devient difficile, pour la DGFiP et les contribuables, de réaliser dans les délais requis les différents actes ou formalités qui leur incombent. Plusieurs ordonnances ont été prises sur fondement de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 (art. 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020). L’ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire comporte des dispositions spécifiques à la matière fiscale et en matière de recouvrement des créances publiques (art. 10 et 11 Ord. n°2020-306 du 25 mars 2020). Elles précisent les incidences sur les missions de la DGFiP (cf. commentaire au BOFIP), les conséquences en matière de contrôle fiscal (cf. commentaire au BOFIP), et les effets en matière d’agréments et rescrits (cf. commentaire au BOFIP). Il est donc prévu une interruption temporaire des procédures pour la période débutant le 12 mars 2020 et expirant à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, quels que soient les impôts visés, sont suspendus, pendant ladite période, tant pour le contribuable que pour les services de l’administration fiscale, tous les délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures de contrôle et de recherche en matière fiscale, sans qu’une décision en ce sens de l’autorité administrative ne soit nécessaire. La suspension des délais concerne également ceux applicables en matière de rescrit. En revanche, pour les déclarations, aucun report d’échéance n’est prévu par ordonnance, à l’exception des mesures au profit des entreprises (cf. supra) et sur demande des particuliers (cf. supra). Ainsi, les contribuables sont tenus de déclarer et de payer leurs dettes fiscales selon les règles et le calendrier de droit commun.
Adaptation par ordonnances des délais en matière de contentieux fiscal
Du fait de l’épidémie de COVID-19, deux ordonnances du même jour (Ord. n°2020-304 du 25 mars 2020 ; Ord. n°2020-305 du 25 mars 2020) adaptent les règles applicables respectivement aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux juridictions de l’ordre administratif (v. Circ. du ministère de la Justice du 26 mars 2020) et concernent notamment le contentieux fiscal.
->Impôt sur les sociétés
Mesures fiscales pour les entreprises
En raison de l’impact de l’épidémie de COVID-19 sur l’activité économique, et conformément aux annonces du Président Macron du 12 mars, la DGFiP a déclenché des mesures fiscales exceptionnelles. D’une part, pour les sociétés en difficultés, un report du paiement de l’acompte d’IS du 16 mars et, pour les sociétés dont l’exercice s’est clôturé au 30 novembre 2019, du paiement du solde de l’IS. Il a été annoncé le report sans pénalité du règlement des prochaines échéances. Si elles ont déjà réglé leurs échéances de mars, elles ont la possibilité d’en demander le remboursement. D’autre part, pour les travailleurs indépendants soumis à l’IR, il est possible de moduler à tout moment le taux et les acomptes de prélèvement à la source (PAS). Il est aussi possible de reporter le paiement de leurs acomptes de PAS sur leurs revenus professionnels d’un mois sur l’autre jusqu’à trois reprises si les acomptes sont mensuels, ou d’un trimestre sur l’autre si leurs acomptes sont trimestriels. A la fin du mois de mars 2020, environ 120.000 travailleurs indépendants ont ajusté leurs acomptes de PAS depuis le 15 mars 2020. Cela va donc affecter les recettes d’IR dès cette année. Par ailleurs, les contrats de mensualisation pour le paiement de la CFE ou de la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties peuvent être suspendus, le solde devant être versé en fin d’année, sans pénalité. La loi n°2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 suppose que le report des recettes fiscales pour les échéances des mois de mars et d’avril ne sera que temporaire et ne pèsera donc pas sur les recettes de l’année 2020. Cela est très incertain. À suivre dans les prochains mois…
->Impôts sur le revenu
Elargissement des délais de dépôt des déclarations de revenus
En raison de la situation exceptionnelle, le calendrier de dépôt des déclarations de revenu a été décalé d’une semaine. D’une part, la déclaration en ligne de l’IR sera ouverte à partir du lundi 20 avril et jusqu’aux 4 juin (départements de l’Ain à la Corrèze et non-résidents), 8 juin (départements de la Corse à la Meurthe et Moselle) et 11 juin (départements de la Meuse à ceux d’outre-mer). D’autre part, la déclaration papier de l’IR est ouverte du 20 avril au 12 juin ; toutefois, compte tenu de la situation, les foyers fiscaux sont invités à déclarer en ligne. Enfin, la déclaration automatique de l’IR devrait concerner environ deux tiers des foyers fiscaux. Elle est proposée aux foyers fiscaux imposés en 2019 et qui n’ont signalé aucun changement de situation. Les foyers fiscaux éligibles doivent vérifier les informations que la DGFIP porte à leur connaissance en s’assurant qu’elles sont correctes et complètes. Si tel est le cas, le silence du contribuable vaut acceptation, la déclaration de revenus est automatiquement validée. Si certains éléments doivent être complétés ou modifiés, les contribuables doivent alors remplir et signer la déclaration comme habituellement.
->Impôt sur le capital
L’appel aux dons et la relance du débat autour de l’impôt sur la fortune
Le ministre de l’action et des comptes publics, en appelant le 31 mars à la solidarité nationale pour financer le fonds d’indemnisation de 2 Mds€ à destination des travailleurs indépendants, et en annonçant la mise en ligne d’une plateforme permettant à chacun de contribuer à ce fonds, a relancé, malgré lui, le débat sur la progressivité de l’impôt et la réintroduction de l’ISF, dans sa forme antérieure à la réforme de l’IFI, dans le paysage fiscal français.
COMPTABILITE PUBLIQUE
->Responsabilité des comptables publics
RPP et force majeure
En application de la loi d’habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, une ordonnance n° 2020-326 du 25 mars 2020, JORF du 26 mars 2020, texte n° 57, précise que les restrictions de circulation et le confinement décidés à partir du 12 mars 2020 et l’état d’urgence sanitaire constituent des circonstances de force majeure susceptibles d’exonérer les comptables publics de leur responsabilité personnelle et pécuniaire, prévue par l’article 60 de la loi du 23 février 1963. Le budget des organismes intéressés prendra en charge l’éventuel déficit en résultant. Le rapport au Président de la République précise que cette exonération de responsabilité n’est valable que pour des faits liés à l’épidémie.
MANAGEMENT PUBLIC
->Administration numérique
La crise sanitaire stimule l’administration numérique
La crise sanitaire est l’occasion d’une formidable accélération de la mise en œuvre de dispositifs d’administration numérique: le télétravail, l’enseignement à distance, les téléconsultations médicales connaissent un essor considérable. La Direction du numérique (Dinum) a accéléré le déploiement de sa nouvelle messagerie Tchap qui a, en outre, été ouverte aux pompiers et aux services hospitaliers ,de son nouveau site Web conference et de nouveaux outils collaboratifs tels Osmose, réseau social interne pouvant associer des partenaires extérieurs, et Plano, outil de gestion de projets. Les innovateurs des ministères appuyés par la Dinum ont développé ou réorienté diverses applications : cartographie et tableau de bord de la pandémie, algorithme d’orientation des malades (maladiecoronavirus.fr), plateforme d’entr’aide (jeveuxaider.com ; solidarité-numérique.fr).
->Administration déconcentrée
Report de la réorganisation des services déconcentrés
Le 24 mars, le Secrétariat général du Gouvernement a annoncé le report au 1er janvier 2021 des réorganisations prévues au 30 juin 2020 : la création des directions départementales interministérielles de l’insertion, de la cohésion sociale, du travail et de l’emploi et (le cas échéant) de la protection des populations (v. Repères d’octobre 2019) et la création des secrétariats généraux interministériels communs (v. Repères de février 2020).
->Fonction publique
Gestion de crise
La fonction publique s’est mise en ordre de bataille pour assurer la continuité des services publics et la protection des agents indique un communiqué du secrétaire d’Etat du 16 mars. Les services publics ont mis en œuvre leurs plans de continuité de l’activité (PCA) qui permettent notamment de déterminer les fonctions indispensables et les effectifs à mobiliser. Le télétravail a été généralisé chaque fois que possible. Les agents mobilisés par la garde de leurs enfants ou ne pouvant télétravailler bénéficient d’autorisation d’absence. La direction générale de la fonction publique( DGAFP) a précisé la règlementation applicable dans une note du 16 mars 2020 actualisée par une foire aux questions du 31 mars. Dans ces deux documents et dans une note spécifique, le droit de retrait est exclu pour simple exposition aux risques dans l’exercice habituel des fonctions mais il est rappelé que l’employeur a le devoir de mettre des moyens de protection à la disposition des agents exposés. Au ministère de l’action et des comptes publics, à la fin mars, 18% des agents sont présents au travail, 23% télétravaillent, 59% sont en autorisation spéciale d’absence. Les activités essentielles sont assurées : paiement de la paie des agents publics, règlement des factures des collectivités publiques, remboursement des crédits de TVA et des crédits d’impôts aux entreprises, nouvelles mesures de soutien aux entreprises.
EUROPE
La solidarité européenne à l’épreuve : le Pacte de stabilité européen emporté par le coronavirus
La politique européenne a montré une nouvelle fois ses limites dans la coordination des stratégies nationales, aussi bien sur le plan sanitaire qu’économique. La Commission européenne a d’abord mobilisé les faibles moyens dont elle dispose : le 13 mars 2020, elle a ainsi fait état d’une « initiative d’investissement en réaction au coronavirus » : 37 Md€ d’investissements publics européens ; « flexibilité maximale dans l’application des règles de l’UE en matière de dépenses » et accès au Fonds de solidarité de l’Union européenne pouvant aller jusqu’à 800 Md€. Cette première initiative de la Commission a été suivie le 20 mars de l’annonce de la suspension du Pacte de stabilité et de croissance, décision inédite entérinée par les ministres des finances lors d’un conseil Ecofin tenu par téléconférence le 23 mars 2020. Par contre, le projet de « corona bonds » permettant de mutualiser entre État membres les emprunts publics, avancé par l’Italie et la France, notamment avec l’appui de la BCE, a été immédiatement refusé le 27 mars 2020 par l’Allemagne et les pays du nord de l’Europe, préférant le Mécanisme européen de stabilité (MES).
La BCE hésite puis agit
Jeudi 12 mars 2020, la prise de parole de la Présidente de la BCE, Christine Lagarde, s’est soldée par une chute boursière : affirmant qu’une « une réponse budgétaire, ambitieuse et coordonnée est indispensable », la Présidente considère que la BCE « n’est pas là pour réduire le spread » et n’annonce aucune baisse des taux, contrairement à ce qu’ont fait Federal Reserve et Banque d’Angleterre. Cependant diverses mesures bancaires ont été prises : nouveaux prêts à long terme aux banques (TLTRO), report des stress tests bancaire, assouplissement des règles de fonds propres et une enveloppe supplémentaire pour achats d’obligations d’État ou d’entreprises de 120 milliards. Le 19 mars 2020, à l’issue d’une réunion téléphonique du conseil des gouverneurs, la Banque centrale européenne a fini par sortir « l’artillerie lourde ». Précisant désormais qu’il « n’y a pas de limites à notre engagement envers l’euro », la présidente Lagarde a annoncé un « programme de rachat d’urgence face à la pandémie » via des rachats de dette publique et privée pour 750 milliards d’euros d’ici la fin de l’année. En y ajoutant ses rachats repris fin 2019 à raison de 20 milliards d’euros par mois et l’enveloppe de 120 milliards d’euros du 12 mars, ses interventions vont s’élever à 1050 milliards d’euros. La question d’un recours à des « corona bonds » permettant de mutualiser une partie des dettes des Etats ou celle d’une « monnaie hélicoptère » distribuée directement par la banque centrale aux entreprises et aux ménages est débattue par les économistes.
Le bazooka allemand
Pour soutenir ses entreprises, le gouvernement allemand a annoncé le 13 mars un plan de soutien massif. La Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), banque publique, a été autorisé à accorder aux entreprises des prêts «sans limite», d’une valeur d’au moins 550 milliards d’euros pour empêcher faillites et rachats agressifs. Face à la crise économique phénoménale», le gouvernement allemand n’a pas hésité, lundi 23 mars, à suspendre la doctrine du « schwarze Null » (comme cela est d’ailleurs prévu à l’article 115 de sa Loi fondamentale) en annonçant un recours massif aux déficits publics : le ministre Scholz en prévoit 155 milliards d’euros (hausse des dépenses de 122 milliards + baisse de rentrées fiscales de 33 milliards), financés donc par de nouvelles dettes.
INTERNATIONAL
Réactions contrastées aux USA
Le 15 mars 2020, la Banque centrale américaine (Federal Reserve) a de nouveau abaissé ses taux par surprise de 1 point, les ramenant dans une fourchette comprise entre 0 et 0,25 %. Elle a également annoncé racheter massivement de la dette bancaire, d’entreprise et immobilière, pour un montant d’au moins 700 milliards de dollars (626 milliards d’euros). Enfin, via une opération coordonnée avec cinq autres banques centrales – union monétaire européenne, Canada, Japon, Royaume-Uni, Suisse –, elle va inonder le marché de dollars afin d’aider les entreprises ayant besoin de liquidités. Le 23 mars, la Fed a annoncé de nouvelles mesures notamment des achats de titres du Trésor (pour au moins 500 milliards de dollars) et des titres adossés à des créances hypothécaires (pour au moins pour 200 milliards) « dans les quantités nécessaires » pour assurer le bon fonctionnement du marché. Elle a, par ailleurs, annoncé une série de mesures en faveur des entreprises et de consommateurs qui, « ensemble, fourniront jusqu’à 300 milliards de dollars de nouveaux financements ». Démarche inédite, la Fed va notamment acheter sur le marché secondaire des obligations émises par des grandes entreprises, au moins jusqu’à fin septembre. Entretemps, le 18 mars 2020, l’administration présidentielle a réalisé elle aussi un retournement complet de position face au covid-19 en annonçant un retour de « l’hélicoptère monétaire » (consistant à verser directement de l’argent aux particuliers pour stimuler l’économie) et l’injection de liquidités dans l’économie dans le cadre d’un plan de 500 milliards de dollars soumis au Congrès. Après des résistances au Sénat, un accord sur un plan de relance de 2000 milliards de dollars a été obtenu le 26 mars.
G20 /G7
Le 26 mars 2020, à l’issue d’un sommet extraordinaire, en vidéoconférence, les leaders du G20 ont promis de tout faire pour enrayer l’épidémie de Covid-19 et d’assurer le rebond de la croissance en mobilisant 5.000 milliards de dollars. Ils ont aussi promis leur aide aux pays pauvres.
Banque centrale de Chine : baisse spectaculaire des taux
Le 30 mars 2020, la Banque centrale de Chine a baissé de 0,2 point son taux de refinancement à sept jours à 2,2 %, réduction d’une ampleur sans équivalent depuis 2015, dans le but de relancer son économie après le choc du coronavirus. La banque centrale a ainsi injecté 50 milliards de yuans (6,36 milliards d’euros) dans l’économie, a-t-elle annoncé dans un communiqué.
Aurélien BAUDU (fiscalité et procédure fiscale),
Fabrice BIN (Europe, international),
Jean-François CALMETTE (budget de l’État et des opérateurs),
Matthieu HOUSER (finances locales),
Michel LE CLAINCHE (comptabilité publique, management public, coordination),
Yves TERRASSE (finances sociales).