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REPÈRES (DÉCEMBRE 2024) – REVUE-GFP N°1 – 2025

BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPÉRATEURS
->Données générales sur les finances publiques

Projections macroéconomiques de la Banque de France

Dans une note du 16 décembre 2024, la Banque de France présente ses projections économiques pour les années à venir. Cette projection a été arrêtée le 27 novembre 2024, soit avant la motion de censure, avec des hypothèses de finances publiques proches du PLF pour 2025 conduisant à une réduction sensible du déficit public à 5 % du PIB en 2025. Selon la Banque de France, une moindre consolidation budgétaire n’entraînerait pas pour autant un surplus de croissance, car l’effet négatif de l’incertitude accrue sur la demande des ménages et des entreprises jouerait en sens opposé. Le scenario de référence demeure celui d’une sortie de l’inflation sans récession, avec une reprise décalée à 2026 et 2027. L’activité progresserait en 2024 à hauteur de 1,1 %, tirée principalement par le commerce extérieur. La croissance resterait positive en 2025 mais diminuerait un peu. Conjointement à la reprise attendue de la demande chez nos partenaires européens, elle serait ensuite plus dynamique en 2026 et 2027, sous l’effet notamment d’une moindre inflation, et du desserrement réalisé de la politique monétaire.

En 2024, l’inflation totale a reculé sensiblement et devrait retomber en moyenne annuelle à 2,4 %. Sur l’horizon de prévision, l’inflation s’inscrirait durablement en dessous de 2 %. Le ralentissement des prix serait favorisé par celui des prix de l’alimentation, de l’énergie et des biens manufacturés, tandis que l’inflation dans les services baisserait plus lentement, expliquant un recul plus progressif de l’inflation sous-jacente vers 2 %. La Banque de France constate que le marché du travail commence à entrer dans une phase transitoire de ralentissement, concentrée sur l’année 2025. Le taux de chômage atteindrait un pic inférieur à 8 % en 2025 et en 2026, avant de repartir à la baisse dans le sillage de la reprise de l’activité économique. Il est toutefois souligné qu’aux incertitudes internes s’ajoutent les aléas géopolitiques toujours élevés et désormais aussi ceux qui pèsent sur le commerce international. Le scénario présenté ne prend donc pas en compte le risque de tensions commerciales en cas de hausse des droits de douane aux États-Unis, dont les effets sont encore difficiles à chiffrer.

Concernant les finances publiques, la Banque de France prévoit un déficit public égal à 6,1 % du PIB en 2024, après 5,5 % en 2023. La Banque de France indique que l’adoption de la loi spéciale devrait conduire à une révision sensible à la hausse du déficit public en 2025. Toutefois, une nouvelle loi de finances pour 2025 devrait être adoptée ultérieurement, actualisant les hypothèses et réduisant autant que possible ce ratio de déficit. C’est pourquoi la Banque de France a retenu une fourchette de déficit comprise entre 5 % et 5,5 % pour 2025. Au-delà de 2025, la trajectoire du solde dépendra du déficit effectivement exécuté en 2025. Les hypothèses budgétaires retenues initialement impliquaient un ajustement structurel primaire de 0,4 point de PIB potentiel en 2026 et 2027, inférieur à celui du programme structurel de moyen terme (0,6 point en 2026 et 0,7 point en 2027) fondé sur des économies encore peu détaillées et donc non intégrées à cette projection. Cet ajustement pourrait être revu à la hausse du fait de la moindre consolidation réalisée en 2025.

Dans le scénario de référence, le ratio de dette publique augmenterait sur tout l’horizon de prévision et s’élèverait à 117 points en 2027. En comparaison, ce ratio pour l’Eurosystème s’établirait à 89 points de dette sur PIB en 2027. La Banque de France considère que le redressement budgétaire est nécessaire pour maîtriser la dette publique. Elle rappelle que c’est l’équilibre primaire qui permet de stabiliser le ratio dette/PIB. Pour la France, cet équilibre primaire correspondrait à un déficit total ramené à 3 % du PIB au cours de l’année 2029.

Fin du troisième trimestre 2024 : la dette publique s’établit à 3 303 Md€

Dans une note publiée le 20 décembre 2024, l’INSEE indique qu’au troisième trimestre 2024, la dette publique augmente de 71,7 Md€ pour s’établir à 113,7 % du PIB. À la fin du troisième trimestre 2024, la dette publique au sens de Maastricht est de 3 303 Md€. L’augmentation de la dette des administrations publiques est principalement due à l’État tandis que la dette des organismes divers d’administration centrale reste stable. En effet, pour ce troisième trimestre 2024, la contribution de l’État à la dette publique augmente de 59,8 Md€, après +70,0 Md€ au trimestre précédent. La contribution des organismes divers d’administration centrale à la dette est stable (+0,2 Md€ après -4,7 Md€ au trimestre précédent). La dette des administrations de sécurité sociale continue d’augmenter, soit +10,4 Md€ (après +4,0 Md€ au trimestre précédent). Et la dette des administrations publiques locales augmente également ce trimestre de 1,3 Md€ (après -0,3 Md€ au trimestre précédent).

->Procédure budgétaire

Certification des comptes de l’État pour l’exercice 2023

En application de l’article R. 143-11 du CJF, le Premier président de la Cour des comptes a été invité à adresser une communication par référé daté du 1er octobre 2024 au ministre chargé du budget et des comptes publics, pour attirer son attention sur les observations et recommandations soulevées par la Cour à l’occasion de la certification des comptes de l’État (exercice 2023). Ce référé a été publié sur le site de la Cour des comptes le 13 décembre 2024. Le 17 avril 2024, la Cour a publié son opinion sur les comptes de l’État pour l’exercice 2023. Cet acte de certification présentait une opinion avec réserve, fondée sur seize observations. Par le référé du 1er octobre 2024, le Premier président de la Cour des comptes a très officiellement alerté le ministre sur 5 points majeurs afin de permettre une résolution rapide de certains problèmes importants : la persistance d’anomalies et d’incertitudes significatives dans les états financiers de l’état, l’insuffisance des moyens consacrés à la préparation des comptes de l’état, une coordination parfois déficiente des plans d’action des différentes administrations, une communication financière édulcorée sur les comptes de l’état, une réflexion à intensifier pour mieux utiliser la comptabilité générale de l’état. Le ministre destinataire du référé a répondu par des observations écrites à cette communication. Cette réponse a également été publiée sur le site de la Cour des comptes.

Loi spéciale et budget de l’État pour 2025

Le 4 décembre 2024, l’Assemblée nationale a adopté une motion de censure en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, engageant la responsabilité du Gouvernement. Conformément à l’article 50 de la Constitution, le Premier ministre a présenté sa démission au Président de la République le 5 décembre. Cette situation a suspendu l’examen et l’adoption du projet de loi de finances pour 2025 qui ne pouvait pas être adopté de façon définitive avant la fin de l’année 2024. Dans cette situation inédite, la Constitution (article 47, alinéa 4) et la LOLF (article 45) ont autorisé le Gouvernement à déposer un « projet de loi spéciale ». Le 9 décembre 2024, le Conseil d’État a rendu un avis relatif à l’interprétation de l’article 45 de la LOLF. Le Conseil d’État, saisi par le Gouvernement devait notamment répondre aux deux questions suivantes : un gouvernement démissionnaire est-il compétent pour déposer et présenter au Parlement une loi spéciale ? Quelle est la portée de l’autorisation de « continuer à percevoir les impôts existants » prévue à l’article 45 de la LOLF, à savoir les dispositions que la loi spéciale peut contenir à ce titre et celles qui ne relèvent pas de son champ ? Le Conseil d’État a répondu favorablement à la première question. Pour la seconde, il a notamment estimé que « l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu, laquelle n’est au demeurant pas systématiquement opérée et a déjà fait l’objet de modulations par le passé, ou encore la modification du droit aux fins de prolonger la durée d’application de crédits d’impôts dont une loi de finances précédente a prévu l’extinction au 31 décembre 2024, ne sont pas au nombre des dispositions ayant leur place en loi spéciale dès lors qu’elles constituent des modifications affectant les règles de détermination des impôts existants et excèdent ainsi l’autorisation de continuer à percevoir ces impôts ».

Ce projet de loi, présenté en conseil des ministres le 11 décembre, a été définitivement adopté par le Parlement le 18 décembre 2024 puis promulgué le 20 décembre 2024. Cette loi spéciale a été publiée au JORF du 21 décembre 2024. La loi spéciale contient quatre articles nécessaires à la continuité de la vie nationale et au fonctionnement des services publics, au fonctionnement régulier de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de Sécurité sociale. Le premier article du projet de loi spéciale autorise l’État à percevoir les impôts existants. Cette mesure garantit le financement de l’État, des collectivités territoriales et des organismes publics. Elle permet également le prélèvement des recettes destinées aux collectivités territoriales (PSR-CT) et à l’Union européenne (PSR-UE). L’article suivant détaille la répartition des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales et qui sont évalués à 45 Md€ (dont 27,2 Md€ pour la dotation globale de fonctionnement). Les autres articles autorisent l’État et des organismes de Sécurité sociale à emprunter. Ces dispositions permettent de sécuriser les opérations de financement nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale jusqu’à l’adoption de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Un décret du 30 décembre 2024, relatif à la répartition des crédits relatifs aux services votés pour 2025 et un arrêté du même jour, définissant les modalités et les procédures relatives au contrôle budgétaire de l’État du 1er janvier 2025 jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, complètent la loi spéciale pour son application concrète. Au cours du premier trimestre 2025, les discussions relatives au budget 2025 devraient reprendre pour aboutir – en principe – à l’adoption d’une loi de finances pour 2025 qui prendra le relai définitif de la loi spéciale.

COMPTABILITé PUBLIQUE
->Responsabilité des gestionnaires publics

Responsabilité financière des gestionnaires publics : trois arrêts en décembre 2024

Les 16, 19 et 23 décembre, la chambre du contentieux de la Cour des comptes a rendu public trois nouveaux arrêts : Commune de Richwiller (Haut-Rhin) ; Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement (AgroParisTech) et Direction nationale d’interventions domaniales (DNID) – Vente du mobilier du château de Grignon ; Société anonyme d’économie mixte (SAEM) Marseille Habitat et Société civile immobilière (SCI) Protis Développement.

Par l’arrêt « Commune de Richwiller (Haut-Rhin) », les magistrats financiers ont sanctionné le maire de la commune qui avait réquisitionné le comptable public à deux reprises, en novembre 2022 et novembre 2023, alors que ce dernier avait refusé le paiement d’une prime de fin d’année irrégulière. Cette prime, bien que versée aux agents depuis de nombreuses années, ne s’appuyait pas sur une délibération du conseil municipal permettant de lui conférer le caractère dérogatoire, en matière de rémunération indemnitaire, des avantages collectivement acquis antérieurement à la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. La Cour a considéré qu’en procédant au versement de la prime, deux années consécutives, afin d’éviter une certaine tension avec les agents, le maire a fait prévaloir un intérêt moral personnel sur l’intérêt général. En conséquence, la Cour des comptes a considéré que l’infraction d’octroi d’avantage injustifié actuellement définie à l’article L. 131-12 du CJF était constituée. Au regard des circonstances de l’espèce, la chambre du contentieux de la Cour des comptes a condamné l’unique personne renvoyée à une amende de 1000 €.

Dans l’affaire « Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement (AgroParisTech) et Direction nationale d’interventions domaniales (DNID) – Vente du mobilier du château de Grignon », le Parquet avait renvoyé la directrice générale adjointe de l’établissement public AgroParisTech, le directeur d’un de ses sites, à savoir Grignon, la responsable de la division réseau de ventes de la direction nationale des interventions domaniales et une commissaire aux ventes au sein de cette direction, en poste aux moments des faits. Il leur était reproché d’avoir vendu des meubles entreposés à Grignon en méconnaissance des règles applicables à la gestion de biens d’intérêt historique et culturel de l’État, en particulier au regard du principe d’inaliénabilité des biens appartenant au domaine public. La Cour a prononcé une amende de 4 000 € à l’encontre du directeur du centre de Grignon à l’époque des faits, une amende de 5 000 € à l’encontre de la directrice générale adjointe d’AgroParisTech et des amendes de 3 000 € à l’encontre des agents de la DNID. La Cour des comptes a estimé que l’ensemble des manquements constatés et imputables aux personnes renvoyées était constitutif d’une faute grave au sens de l’article L. 131-9 du CJF. Elle a évalué le préjudice financier à près de 220 000 € et estimé que ce préjudice était significatif. A noter que cette décision trouve son origine dans un réquisitoire pris d’initiative par l’ancien Procureur général près la Cour des comptes, Louis Gautier, à la suite de plusieurs articles parus dans des revues spécialisées d’art (Tribune de l’art, Le journal des Arts) et dans des périodiques plus généraux (Le Parisien, Le Figaro, Télérama). Ce réquisitoire d’initiative est même le premier du genre à avoir été pris dans le cadre du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics en vigueur depuis le 1er janvier 2023. Il avait donné lieu à un communiqué publié le 22 février 2023 sur le site de la Cour des comptes.

Et enfin dans le dossier « Société anonyme d’économie mixte (SAEM) Marseille Habitat et Société civile immobilière (SCI) Protis Développement », le Procureur général près la Cour des comptes avait renvoyé devant la Cour des comptes deux personnes : d’une part les deux gérants successifs de la SCI Protis Développement, pour qu’il soit statué sur leur responsabilité au titre des infractions qu’ils auraient commises à l’occasion de la vente de places de parkings appartenant à cette société, et, d’autre part l’un des deux gérants de la SCI en sa qualité cette fois-ci de directrice exécutive et directrice générale de la SAEM pour qu’il soit statué sur sa responsabilité au titre des infractions qu’elle aurait commises en signant un avenant à son propre contrat de travail. Sur le premier point, la chambre du contentieux de la Cour a estimé que la cession des places de parking par les deux gérants successifs de la SCI Protis Développement, sans qu’ils aient, au préalable, obtenu l’autorisation de l’assemblée des associés était constitutive d’une faute grave au sens des dispositions de l’article L. 131-9 du CJF. Elle a jugé, cependant, que le préjudice financier, nécessaire à la constitution de cette infraction, n’était pas établi. Les deux gérants successifs ont donc été relaxés sur ce premier terrain. Sur le second point, la chambre du contentieux de la Cour a infligé une amende de 1000 € à l’une des deux personnes renvoyées, en sa qualité de directrice générale de la SAEM Marseille Habitat, pour avoir ordonné à un subordonné de signer au nom de la société l’avenant en cause sans avoir préalablement reçu l’autorisation du conseil d’administration. Il est à noter que pour fixer le quantum de l’amende la chambre du contentieux de la Cour a notamment pris en considération le caractère isolé de l’irrégularité, le travail de redressement accompli par la personne in fine sanctionnée, mais aussi les difficultés qu’elle a rencontrées dans l’exercice de ses fonctions. Ces éléments sont donc venus fort logiquement atténuer la responsabilité de la directrice générale de la SAEM.

FINANCES LOCALES
->Données générales sur les finances locales

Analyse de la dimension locale de la fiscalité sur les jeux d’argent par le CPO

Le CPO, dans cette note (v. infra.), dresse des pistes d’évolution d’une fiscalité qui rapporte un montant non négligeable de l’ordre de 7 Md€ en 2023. L’analyse dressée par le CPO est assez critique et ne plaide pas en faveur d’un renforcement de la fiscalité au profit des collectivités territoriales. Le constat initial est assez juste avec l’existence de 33 prélèvement épars, dont les trois quarts sont affectés à l’État (77 %) et le quart restant est réparti entre la Sécurité sociale, le bloc communal et d’autres affectataires. En outre, chaque prélèvement obéit à ses propres règles avec des taux différents et le tout se trouvant dans des textes différents non codifiés. Si la mise en place d’une codification apparaît pertinente, la question relative aux collectivités prête davantage à discussion. Pour le CPO, « l’affectation de ces impôts aux communes pose plusieurs problèmes d’un point de vue théorique. D’une part, le prélèvement communal sur les casinos présente un caractère de rente réservée aux communes ayant le droit dérogatoire d’ouvrir ces établissements ». Sans lister l’ensemble des critiques adressées à l’affectation au bloc communal on peut simplement indiquer que de nombreux impôts des collectivités sont perçus indépendamment des dépenses. La situation financière des collectivités ne peut être analysée que de façon globale.

Dérapages budgétaires : audition de la Directrice générale des collectivités locales

Le contexte financier et budgétaire difficile nécessite de prendre le temps d’étudier les positions de chacun des protagonistes. A cet égard, l’audition de la Directrice générale des collectivités locales (DGCL) par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale est riche d’enseignements. La DGCL, dans un souci d’apaisement avec les collectivités après une rentrée difficile, réaffirme la différence de points de vue entre la DGCL et la Direction du Trésor et rappelle à cet égard que la trajectoire financière des lois de programmation relève de la responsabilité du Trésor. En outre, la DGCL indique que les services de l’État ont parfaitement conscience de la forte baisse des DMTO et des recettes de TVA entre le prévisionnel et le réalisé. Malgré tout, la DGCL ne délivre pas un blanc-seing aux collectivités territoriales et elle rappelle que les dépenses de fonctionnement comme d’investissement ont fortement augmenté.

BIS n°191 sur l’intégration fiscale des intercommunalités

Si l’intercommunalité est souvent étudiée, la question de l’intégration fiscale demeure souvent le parent pauvre de cette politique publique, d’où l’intérêt de cette note. Pour rappel, l’un des objectifs de l’intercommunalité consiste à renforcer constamment la fiscalité intercommunale au détriment de la fiscalité communale. Le législateur a créé un indicateur, le coefficient d’intégration fiscale, qui mesure cette réalité. La note indique qu’entre 2018 et 2024, l’intégration fiscale des EPCI a constamment augmenté, avec malgré tout des différences selon les groupements. L’intérêt de cette note réside également dans la présence d’une cartographie de la France des EPCI.

FINANCES SOCIALES
->Lois de financement de la Sécurité sociale

Le Gouvernement de M. Barnier tombe sur le PLFSS pour 2025

Le Premier Ministre a engagé le 2 décembre la responsabilité du gouvernement sur le texte de la CMP à propos du projet de LFSS pour 2025 sur la base de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, mais le Rassemblement National a apporté ses voix à la motion de censure du Nouveau Front Populaire, au motif que le Gouvernement Barnier n’avait pas accepté de renoncer à la sous-indexation de la totalité des pensions. Le 4 décembre, le vote de la motion de censure par 331 voix (pour une majorité requise de 288 voix) à l’Assemblée nationale a conduit au renversement du Gouvernement.

Composition du nouveau Gouvernement : le retour d’un grand ministère social

Le Gouvernement de F. Bayrou dont la composition a été annoncée le 23 décembre 2024 reprend l’architecture d’un grand ministère social, comme sous le Gouvernement de G. Attal, confié à nouveau à C. Vautrin. Celle-ci va superviser deux ministres de plein exercice, A. Panosyan-Bouvet qui conserve le Travail et l’Emploi et Y. Neuder qui prend en charge la Santé et l’accès aux soins, et une ministre déléguée, C. Parmentier-Lecocq qui va s’occuper du Handicap et de l’autonomie.

Les conséquences de l’absence de LFSS pour 2025 après la censure du Gouvernement

La loi spéciale du 20 décembre 2024, prise en application de l’article 45 de la LOLF du 1er août 2001, a été publiée pour pallier l’absence d’adoption des PLF et PLFSS pour 2025. S’agissant des finances sociales, un seul article (art. 4) figure dans la loi spéciale, pour fixer le plafond d’endettement de l’ACOSS en 2025. En l’absence provisoire de LFSS pour 2025, ce sont les dispositions applicables aux différents régimes dans le CSS dans son état actuel, en dépenses et en recettes, qui seront mises en œuvre. Les prestations continueront donc d’être versées sur cette base, les montants figurant dans une LFSS ayant un caractère prévisionnel et non celui d’un plafond. En conséquence, faute d’une nouvelle LFSS pour 2025 dans les premières semaines de l’année 2025, l’équilibre du financement de la Sécurité sociale va être profondément impacté, car l’adoption de la motion de censure le 4 décembre a conduit à l’abandon de la totalité des mesures d’économies et d’augmentation de recettes prévues dans le PLFSS pour 2025 déposé par le Gouvernement de M. Barnier qui subsistaient après la discussion parlementaire. Selon les calculs effectués dans une étude de l’OFCE, les dépenses de Sécurité sociale augmenteraient de 0,3 points de PIB (potentiel), alors qu’elles devaient diminuer de -0,2 points dans le PLFSS qui a été rejeté, et le déficit global des régimes obligatoires de base en 2025 pourrait atteindre le montant tendanciel de -28 Md€ anticipé dans le rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale d’octobre dernier (v. Repères, oct. 2024). Les conséquences les plus lourdes concernent les retraites. Conformément aux dispositions du CSS, en l’absence de disposition contraire dans la LFSS, les retraites de base du secteur privé devraient être revalorisées de la progression de l’inflation enregistrée à la fin de 2024, soit +2,2 % (après +5,3 % au 1er janvier 2024). Par rapport au PLFFS pour 2025 qui s’en tenait à une désindexation partielle, eu égard à une référence d’inflation de 1,6 % , le Gouvernement va perdre une économie de 1,4 Md€, ce qui devrait conduire à un déficit prévisionnel des régime des retraites de l’ordre de -10 Md€ en 2025, après -6,5 Md€ en 2024 et -2,4 Md€ en 2023. S’y ajoute l’abandon de l’augmentation des cotisations retraite destinée à renflouer la CNRACL, avec une perte d’économie de 2,3 Md€ en 2025. Disparaît également l’économie de 4 Md€ attendue de la réduction des abattements de cotisations sociales sur les bas salaires. Ne seront pas réalisées non plus – sauf si elles devaient être reprise dans un autre PLFSS au début de l’année 2025 – les économies qui devaient permettre de limiter la progression de l’ONDAM à +2,8 % (augmentation du ticket modérateur, économies sur les dépenses de médicament…), l’ONDAM devant retrouver une progression tendancielle de +4,7 % en 2024. De même, vont disparaître du budget de l’État d’autres économies dans le domaine social comme la réduction des crédits à l’apprentissage (v. infra.), ainsi que le passage à trois jours du délai de carence pour les fonctionnaires. Certes, cette dégradation pourrait être atténuée par la prise de mesures d’économies dans de nouveaux PLF et le PLFSS pour 2025, mais le décalage de la discussion de ces textes annoncé par le Premier Ministre pour février 2025 risque de les rendre en grande partie sans effet.

->Politique d’allègement des charges/coût du travail/partage de la valeur

Le recul de la « prime Macron »

Déjà amorcé en 2023, le moindre succès de la prime de partage de la valeur (« prime Macron ») se confirme en 2024, selon une enquête du cabinet Alixio rapportée par le journal Les Échos. Ce sont environ 18% des entreprises qui auront versé cette prime en 2024, seulement 4% auraient l’intention de le faire en 2025. L’intérêt du dispositif s’est réduit avec la fin de l’exonération des cotisations et la fiscalisation de la prime pour les salariés. Mais ce freinage pourrait être ralenti par l’éligibilité au dispositif des entreprises de 11 à 49 salariés qui devront appliquer la loi sur le partage de la valeur à partir du 1er janvier 2025, et, peut-être, par la tentation des entreprises de résister à la pression pour les augmentations de salaire l’an prochain en y substituant le recours à la prime.

Note du Haut Conseil des rémunérations, de l’emploi et de la productivité à propos des allègements de cotisations sociales

Le Haut Conseil des rémunérations, de l’emploi et de la productivité a rendu une note d’orientation sur la problématique des allègements de cotisations sociales, qui a fait l’objet du rapport Bozio-Wasmer (v. Repères, oct. 2024) et qui avait commencé à être traitée dans le PLFSS pour 2025 avorté du Gouvernement de M. Barnier. La note prend acte du diagnostic opéré par le rapport, considérant notamment l’illisibilité du dispositif consécutif à l’empilement des mesures, l’absence de clarté qui s’ensuit sur le financement de la protection sociale et son coût croissant pour les finances publiques. La note souligne l’intérêt des apports méthodologiques du rapport; il ne se prononce pas sur le scénario de réforme à privilégier, mais note qu’il convient d’être prudent sur une remise en cause des allègements sur les salaires proches du SMIC en raison des risques sur l’emploi, ainsi que de prendre en compte les effets des autres composantes du système socio-fiscal (notamment la prime d’activité) dans la problématique (voir sur ce point l’analyse de la note de la DREES, v. Repères, oct. 2024).

Rapport du groupe d’experts sur le SMIC : pas de revalorisation au 1er janvier 2025

Le groupe d’experts sur le SMIC a remis son rapport 2024. Il relève une augmentation du SMIC de 17 % depuis 2020, la dernière revalorisation ayant été décidée pour le 1er novembre 2024 par le Gouvernement de M. Barnier. Ces revalorisations ont protégé les salariés les plus faiblement rémunérés et ont contribué à resserrer l’éventail des salaires, car le décrochage des autres salaires par rapport à l’inflation a été plus marqué, si bien que 93 branches ont vu leur premier niveau de minimum conventionnel repasser sous le SMIC. Compte tenu du ralentissement de l’inflation et de la dernière revalorisation intervenue, le groupe de travail considère qu’il n’y aura pas lieu de procéder à une revalorisation automatique au 1er janvier 2025, ni à un « coup de pouce » qui aurait pour effet d’accentuer la compression de l’échelle des salaires ; il estime que pour encourager l’augmentation des revenus des travailleurs à bas salaire, il convient de privilégier la voie de la mobilité salariale et professionnelle. Par ailleurs, dans le débat actuel sur les exonérations de charges, il recommande de conserver les allègements actuels au niveau du SMIC afin de ne pas alourdir le coût du travail. Au 1er janvier 2024, la proportion des salariés rémunérés au SMIC était de 14,6 %.

->Dépenses de santé

L’augmentation des arrêts maladie depuis 2019

Une étude de la DREES relève qu’en 2023, qu’on peut considérer comme la première année « normale » après la crise sanitaire, les arrêts maladie se sont stabilisés à un niveau élevé, pour une dépense de 10,2 Md€, soit 60% du total des dépenses d’indemnités journalières (17 Md€), qui comprennent également les arrêts pour accidents du travail et maladies professionnelles – également en hausse – et les congés de maternité. Selon l’étude, cette hausse s’explique d’abord par l’allongement de la durée d’activité des seniors, dont le taux d’emploi est passé de 43,6 % en 2010 à 58,6 % en 2020, mais aussi par les réformes de l’indemnisation intervenues et les revalorisations successives du SMIC (v. supra.). Cette évolution est suivie attentivement par le gouvernement pour l’atteinte de son objectif de maîtrise de l’ONDAM.

->Retraites

Quel avenir pour le système des retraites ?

Le parti qui sera pris sur la réforme des retraites de 2023 va être décisif pour le devenir du Gouvernement de F. Bayrou dans les six mois qui viennent. Pris en étau entre, d’une part, le Nouveau Front Populaire et le Rassemblement National qui font de l’abrogation de la réforme d’avril 2023 et du retour à un âge légal de 62 ans une ligne rouge, et, d’autre part, le « Socle commun » allié à la droite républicaine qui fait de son maintien une condition sine qua non à son soutien, le nouveau Premier Ministre joue les équilibristes en proposant de « reprendre sans suspendre ». F. Bayrou a annoncé en effet aux représentants des partis politiques le 19 décembre qu’il allait proposer aux partenaires sociaux de débattre d’une nouvelle réforme d’ici septembre 2025, en précisant que s’il n’y avait pas d’accord, la réforme de 2023 continuerait à s’appliquer. En tout état de cause, celle-ci ne serait pas suspendue pendant la durée des discussions. Cette proposition a été fraichement accueillie de tous les côtés. De grandes incertitudes subsistent sur les conséquences financières d’une abrogation/suspension. Selon les chiffres rapportés par le journal Les Échos du 20 décembre, le coût d’un gel de la réforme au niveau de sa mise en œuvre atteinte à ce jour (départ à 62 ans et demi) serait de 10 Md€ à l’horizon 2030 et celui de son abrogation de 15 Md€.

->Famille

La Cour des Comptes favorable à une augmentation du congé de maternité

La Cour des Comptes a publié un rapport public thématique sur la politique d’accueil des jeunes enfants. Les dépenses à ce titre ont représenté un montant de 16,1 Md€ en 2022, financés à hauteur des deux tiers par la branche Famille. Les assistantes maternelles apportent plus de la moitié de l’offre d’accueil (proportion en recul), 40 % sont fournis par les crèches. La Cour fait d’abord le constat que l’offre d’accueil est hétérogène et inégalement répartie sur le territoire, et laisse sans solution un 1/5 des demandes des familles. L’information des familles est encore incomplète ; cette offre est fragilisée par les perspectives de départ massif en retraite des assistantes maternelles et la difficulté à recruter un personnel qualifié de la petite enfance ; la gouvernance locale est complexe, même si la création d’un service public de la petite enfance par la loi du 18 décembre 2023 doit permettre de mieux coordonner les différents acteurs en faisant des communes les autorités organisatrices. En second lieu, les familles sont dans une situation inégale quant au choix du mode garde, les familles à revenu modeste se trouvant orientées par l’accueil collectif en crèche qui est plus coûteux pour les finances publiques et qui est saturé. En ce qui concerne l’objectif de conciliation de vie familiale et professionnelle, la Cour relève la difficulté de l’accueil pour les familles en horaires atypique ou en insertion ; surtout la Cour constate que la garde parentale est peu favorisée en France, du fait de la faible durée du congé de maternité pour les deux premiers enfants. Elle propose donc un allongement d’un mois du congé de maternité (coût estimé à 350 M€ par an) et un assouplissement du congé parental (360 M€), mesure qui permettrait de libérer 105 000 places de crèche ; cet encouragement à la garde parentale serait à la fois plus efficace au regard de la pénurie attendue de personnel de la petite enfance et moins coûteux que le projet gouvernemental de création de 200 000 places de crèches d’ici 2030, qui représente un montant de l’ordre de 3 Md€ et paraît pratiquement difficile à atteindre.

->Assurance chômage

L’avenir de la nouvelle convention d’Assurance chômage du 15 novembre 2024

Le Premier ministre F. Bayrou a donné son agrément à l’essentiel de la convention d’Assurance chômage signée le 15 novembre dernier par les partenaires sociaux (v. Repères, nov. 2024), dont la plupart des mesures entreront en vigueur le 1er janvier 2025. La mesure la plus discutée avait été le décalage de 2 ans des conditions d’âge pour l’application du régime spécifique à la filière senior, en cohérence avec la réforme des retraites d’avril 2023.En revanche, deux mesures ont été exclues de l’agrément du Premier Ministre, dont l’application d’un coefficient sur le salaire de référence lorsque des rémunérations perçues à l’étranger sont prises en compte dans le calcul de l’allocation de recherche d’emploi (problématique des travailleurs frontaliers), disposition qui est contraire à la réglementation européenne.

->Formation professionnelle

Bilan de l’apprentissage en 2023

Le bilan de l’apprentissage en 2023 effectué par la DARES fait apparaître un net tassement des entrées par rapport aux années précédentes, avec une augmentation de 2 % seulement sur un an. Au 31 décembre 2023, 1,14 M de contrats étaient en cours. Les entrées ont plus progressé dans l’enseignement supérieur qu’aux autres niveaux, avec une prédominance pour les formations du tertiaire, les mineurs et les plus de 25 ans représentant la part la plus importante. La progression de l’apprentissage a été notable dans les fonctions publiques (particulièrement dans la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale) du fait des nouvelles aides introduites particulièrement au profit des filières numériques.

Coup de frein aux aides à l’apprentissage

La prime à l’embauche d’un nouvel apprenti instaurée par la « loi Pénicaud » du 5 septembre 2018 et qui a été en grande partie à l’origine de l’envol des effectifs de l’apprentissage jusqu’à un million – et, par là-même de la baisse du chômage – a été fortement critiquée pour son coût budgétaire (cf. les observations de la « revue de dépenses concernant l’apprentissage et la formation professionnelle », v. Repères, nov. 2024). Initialement fixé à 7325 € sur trois ans, son montant a été à plusieurs reprises revu à la baisse, à 8000 € en un versement unique, puis à 6000 € en 2023 et 2024, et le gouvernement Barnier prévoyait de la ramener à 4500 € en 2025. La censure du gouvernement aurait pu la faire disparaître pour les deux tiers des contrats, mais le ministère du Travail a annoncé par un communiqué du 30 décembre qu’un décret allait la reconduire pour un montant de 5000 € pour la seule première année du contrat pour les entreprises de moins de 250 salariés et de 2000 € pour les autres entreprises. Bien qu’elle mette fin à une longue période d’incertitude qui a contribué à freiner les recrutements, cette mesure, qui pourrait permettre à l’État d’économiser 1,2 Md€ en année pleine, a été jugée décevante par la plupart des organisations professionnelles d’employeurs.

FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->Politique fiscale

Une réécriture gouvernementale de la 1ère partie du PLF pour 2025 au Sénat !

Après des débats mouvementés à l’Assemblée nationale sur le volet recettes du PLF pour 2025 (v. Repères, oct. 2024), puis un rejet inédit du texte par les députés, sa transmission au Sénat, et après les nombreuses concessions obtenues par les sénateurs lors des débats (v. Repères, nov. 2024), comme le remplacement dès 2025 de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en un impôt sur la fortune improductive (comme sur les yachts, jets privés, bitcoins, etc…), le renforcement de la nouvelle taxe sur les rachats d’actions et l’introduction d’un mécanisme anti-évitement pour la nouvelle contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, et le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF) qui a été relevé de 0,3 % à 0,4 %. Toutefois, le Gouvernement a demandé une seconde délibération, afin de supprimer une vingtaine de dispositions qui ne lui convenaient pas, provoquant la colère des oppositions parlementaires. À cette occasion, le ministre des comptes publics a introduit une série d’amendements pour supprimer plusieurs dispositions significatives qui avaient été votées par le Sénat contre l’avis du Gouvernement en matière de fiscalité sur le capital et les entreprises (doublement de l’exit tax, augmentation de trois points du prélèvement forfaitaire unique dit flat tax, hausse de la taxe Gafam, rabot de la niche fiscale dite Copé pour les plus-values de cessions dans le cadre du régime mère-fille, l’encadrement des prix de transferts, hausse des accises sur le gaz, ou encore de la TVA sur les bouteilles d’eau en plastique, etc…). Inquiet pour la compétitivité des entreprises, le Gouvernement a souhaité se rapprocher au maximum de l’équilibre initial de son projet de loi de finances en seconde délibération pour soutenir l’investissement des entreprises, composante de la croissance économique. Tout aussi inquiet pour le pouvoir d’achat des français, le Gouvernement a également supprimé plusieurs autres mesures votées hâtivement selon lui (allègement des droits de successions pour les familles monoparentales, avantage fiscal à la location nue, remise à plat des plus-values de cessions immobilières, etc…). Avant sa chute à l’Assemblée nationale sur un autre texte financier, le Gouvernement avait donc largement conservé la main sur le premier volet de son PLF initial.

Après la censure, la 1ère partie du PLF pour 2025 est-t-elle tombée aux oubliettes ?

Après le renversement du Gouvernement de M. Barnier à l’Assemblée nationale à l’occasion de la discussion du PLFSS pour 2025, suite à l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, la première partie du PLF pour 2025 est-elle caduque ? C’est une vraie question. Il était politiquement évident que son examen ne puisse aller à son terme en décembre étant donné que le Gouvernement, porteur du projet, a été mis en minorité à l’Assemblée nationale. Théoriquement, certains juristes estiment, de manière assez discutable, que cette hypothèse n’est pas à exclure. Lorsque le Gouvernement est tombé le 4 décembre, les travaux du Sénat, et notamment ceux relatifs au PLF pour 2025, ont immédiatement été suspendus alors que la seconde partie était en cours d’examen devant les sénateurs. Ces derniers ont donc ajourné leurs travaux sine die. L’hypothèse la plus politiquement soutenable aurait été que le texte soit retiré par le gouvernement démissionnaire de M Barnier. Tout semble indiquer que le gouvernement démissionnaire de M. Barnier soit allé dans ce sens suite aux propos tenus par le Président de la République et le rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale puisqu’un projet de loi spéciale, pris sur le fondement de l’article 45 de la LOLF, a été présenté par le gouvernement démissionnaire. Après avis du Conseil d’État (CE, 9 déc. 2024, avis n° 409081), le Parlement a voté la loi spéciale qui autorise notamment le Gouvernement à percevoir les impôts existants afin d’assurer la continuité de la vie nationale et le fonctionnement régulier des services publics dans l’attente de l’adoption de la loi de finances pour 2025. Lors de l’examen du texte par les députés, la présidente de l’Assemblée nationale a déclaré financièrement irrecevables certains amendements, notamment défendus par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, dont ceux visant à indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Neuf amendements ont été débattus. Les députés ont notamment ajouté de manière superfétatoire l’inscription explicite dans le projet de loi des prélèvements sur les recettes de l’État à destination des collectivités territoriales. Lors de l’examen du projet de loi au Sénat, les sénateurs l’ont définitivement adopté, sans modification (L. n° 2024-1188 du 20 déc. 2024 spéciale prévue par l’article 45 de la LOLF du 1er août 2001). Toutefois, suite à la nomination du nouveau gouvernement de F. Bayrou, le 23 décembre, tout semble indiquer que les ministres financiers ne sont plus nécessairement sur la piste du dépôt d’un nouveau projet de budget dans les premiers mois de 2025. Ils soutiennent que le PLF pour 2025 pourrait juridiquement survivre plus longtemps, car les travaux du Sénat n’auraient été que suspendus. Ils s’appuient sur une note du Secrétariat général du gouvernement concluant que lorsqu’un nouveau gouvernement est nommé, les textes financiers (reste à savoir dans quelle version) peuvent reprendre leur navette parlementaire entre les deux chambres. Arguant du caractère urgent du texte financier, ce seul argument suffirait-il à relancer la navette parlementaire ? Quid des mesures nouvelles et du respect du droit de priorité de l’Assemblée nationale en matière financière ? La solution consistant à insérer les mesures fiscales nouvelles dans une loi de finances rectificative pour 2025 est ubuesque et bien contraire à l’esprit de la Ve République. Le calendrier initial prévoyait un vote solennel au Sénat le 12 décembre, puis le vote définitif du Parlement avant le 21 décembre. Celui-ci ne serait donc que légèrement décalé jusqu’au mois de février ? On voit mal comment un PLF pour 2025, dont la première partie a été rejetée à l’Assemblée nationale, fait inédit sous la Ve République, et dont le Gouvernement porteur de ce projet a été censuré sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, autre fait inédit sous la Ve République, pourrait reprendre son cours normal comme si de rien n’était, tout cela pour ne pas trop bousculer les horloges parlementaires. Il faut enfin admettre que celles-ci sont profondément déréglées et que le Gouvernement de F. Bayrou ne peut poursuivre le déroulement de l’examen du PLF de son prédécesseur comme si de rien n’était. Politiquement, cela ne tiendra pas bien longtemps, et juridiquement cela est bien évidemment très discutable.

Tentative de sauvetage de certains dispositifs fiscaux par voie de… communiqué de presse

La modification du droit aux fins de prolonger la durée d’application de crédits d’impôts dont une loi de finances précédente a prévu l’extinction au 31 décembre 2024, ne sont pas au nombre des dispositions ayant leur place en loi spéciale dès lors qu’elles constituent des modifications affectant les règles de détermination des impôts existants et excèdent ainsi l’autorisation de continuer à percevoir ces impôts selon le Conseil d’État (v. avis du 9 déc. préc. – v. supra.). Or la DGFiP veut sauver les dispositifs fiscaux qui risquaient de s’éteindre au 1er janvier. En l’absence de loi de finances pour 2025 au JORF de fin d’année, de nombreux dispositifs fiscaux n’ont pas pu être reconduits et risquaient de disparaître au soir du 31 décembre. Pour tenter de l’éviter, le ministère des finances a clarifié ses intentions budgétaires dans un communiqué publié le 31 décembre. Mais rien n’est juridiquement gagné… En matière fiscale, d’ici à l’adoption du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, le droit s’applique selon le droit antérieur conformément à la loi spéciale. C’est donc par voie de communiqué de presse que le Gouvernement a formulé quelques précisions quant aux positions que le Gouvernement entend défendre devant le Parlement lors de l’examen à venir de la loi de finances pour 2025. Neuf points étaient à l’ordre du jour de celui-ci : le traitement des dépenses fiscales s’éteignant au 31 décembre 2024 ; les régimes fiscaux zonés ; le gazole non routier agricole ; les autres mesures en faveur des exploitations agricoles ; la fiscalité des déchets en outre-mer ; les accises sur l’électricité consommée par des industriels électro-intensifs, la taxe sur les hydrofluorocarbures (HFC) ; l’application du « Pilier 2 » de la réforme de l’imposition des bénéfices des multinationales ; les retenues à la source sur les traitements, salaires et pensions versés à des non-résidents au sens des conventions fiscales. Le Gouvernement souhaite que la durée de ce régime budgétaire, inédit et limité à la stricte continuité des services publics, soit la plus courte possible et que la loi de finances initiale pour 2025 soit adoptée aussi vite que possible (v. supra.). En matière fiscale, d’ici à l’adoption du PLF pour 2025, le droit s’applique selon le droit antérieur. Toutefois, le PLF pour 2025 qui était examiné par le Parlement jusqu’en décembre prévoyait des évolutions applicables dès le 1er janvier 2025. Sous réserve de l’issue des débats parlementaires à venir, les précisions suivantes peuvent être apportées quant aux positions que le Gouvernement entend défendre devant le Parlement lors de l’examen à venir de la loi de finances pour 2025. Ces indications ne préjugent pas de l’issue de l’examen du PLF par le Parlement et ne correspondent pas à un inventaire exhaustif des mesures dont l’entrée en vigueur aura lieu au 1er janvier. L’objectif est ainsi d’apporter des précisions sur des situations qu’il serait, juridiquement ou opérationnellement, impossible de traiter rétroactivement par le PLF promulgué après le 1er janvier sans annonce préalable du Gouvernement et qui, faute de prévisibilité, pourraient perturber les transactions du début de l’année.

Écarts sur les prévisions de recettes fiscales à l’ordre du jour de la commission d’enquête

Le 12 décembre, l’ancien ministre des finances, B. Le Maire, a été auditionné par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires » constatés pour les années 2023 et 2024. Il s’est montré très vif à l’encontre des députés de l’opposition qui lui reprochent un défaut de sincérité des prévisions des PLF 2023 et 2024. L’ancien ministre a orchestré sa réplique autour d’un vif pamphlet contre les députés qui l’auditionnaient. « Cette Assemblée, à de rares exceptions près, ne veut pas réduire les dépenses publiques, ne veut pas réduire la dette, ne veut pas de plan sérieux de redressement des comptes publics en France. Cette Assemblée taxe, dépense, censure. Elle a depuis longtemps perdu le sens des réalités économiques et budgétaires, elle a même perdu au passage le PLF pour 2025, première victime de la censure. La seconde victime est déjà connue, ce sera le rétablissement des comptes publics ». Reprenant sa réplique, il a complété, « il est très facile de faire porter sur mes seules épaules la responsabilité de la dégradation des comptes en 2023 et 2024. […] Facile mais dangereux, car nous risquons de passer à côté du seul débat essentiel, celui du modèle économique qui permettra à la France de réduire sa dette, de retrouver sa pleine souveraineté financière et de voter enfin pour la première fois depuis un siècle un budget à l’équilibre ». Selon lui, le risque pour la France n’est pas « la faillite immédiate et brutale », la France en étant protégée par sa présence dans la zone euro, mais le « nœud coulant des taux d’intérêts. La France ne risque pas la mort subite, la France risque la mort lente », a-t-il conclu. Certains députés, lui rappelant qu’il y avait eu une dissolution de l’Assemblée nationale, préalablement au vote par celle-ci d’une motion de censure, lui ont répliqué en lui indiquant que la situation était très grave, et qu’il avait été aux responsabilités financières durant de nombreuses années, et donc comptable de la gestion de l’économie française et de sa fiscalité depuis sept ans.

->Impôt sur les sociétés

Application du « Pilier 2 » de la réforme de l’imposition des bénéfices des multinationales

Selon le communiqué de la DGFiP du 31 décembre (v. supra.), le Gouvernement proposera au Parlement de reprendre l’intégration dans la loi des instructions de l’OCDE en matière d’application du « pilier 2 » (imposition minimale du bénéfice des multinationales), ainsi qu’il était prévu de le faire dans le PLF pour 2025 déposé le 10 octobre 2024. Dans l’intervalle, les entreprises concernées sont invitées à considérer que les orientations de l’OCDE s’appliqueront intégralement en France et que, là où des options sont ouvertes aux États, les options retenues dans le PLF susmentionné seront celles que le Gouvernement proposera à nouveau au Parlement de retenir dans la suite des débats sur la loi de finances pour 2025.

->Impôt sur le revenu

Le Conseil des prélèvements obligatoires, les loteries et les jeux d’argent

Dans une note thématique rendue publique dernièrement, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) préconise de remettre à plat la fiscalité des jeux d’argent, en fonction de leur caractère addictif, en particulier chez les jeunes. Il ouvre aussi le débat sur l’imposition des gains des joueurs. Lors du débat parlementaire sur le PLF et le PLFSS pour 2025, de nombreux amendements ont été déposés pour augmenter les impôts pesant sur les opérateurs de jeux d’argent et de hasard. Selon le CPO, ceux-ci ne répondaient toutefois pas à un des problèmes principaux de la fiscalité des jeux : l’absence de cohérence d’ensemble de cette fiscalité très spécifique. Cette note thématique du CPO préconise une simplification de ces impôts et une évolution des taux visant à mieux prendre en compte les effets addictifs différentes formes de jeux et la profitabilité des filières. Le CPO soutient par ailleurs l’initiative consistant à fiscaliser les dépenses promotionnelles des opérateurs de jeux. Enfin, la note montre qu’il serait possible, si le législateur le souhaitait, d’assujettir les gains des jeux à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Selon le CPO, l’argument le plus courant contre l’imposition des gains de jeu est que le joueur étant « passif », il ne pourrait provoquer de revenu. Cependant, pour certains types de jeux, cet argument ne résiste pas à la comparaison avec les plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux. Inclure les gains de jeu dans l’assiette des impositions sur le revenu est donc juridiquement et techniquement possible selon cette note. Plusieurs considérations d’opportunité (équité d’un impôt progressif, signal envoyé au consommateur) plaident pour une telle extension selon le CPO. Affaire à suivre.

Quels sont les effets de la non-revalorisation du barème de l’IR en 2025 ?

A l’avant-veille de Noël, un communiqué de presse de la DGFiP est venu répondre aux interrogations des contribuables et il vise à apporter des éléments de réponse sur les conséquences de cette non revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu pour 2025. En l’absence de vote de loi de finances pour 2025 avant la fin de l’année 2024, le barème de calcul de l’impôt sur le revenu (IR) ne sera pas revalorisé selon le calendrier traditionnel. Les taux de PAS appliqués en janvier 2025 restent inchangés. En effet, les taux de PAS ne sont mis à jour chaque année qu’au mois de septembre, à l’issue de la taxation des revenus pendant l’été, en tenant compte à la fois des déclarations de revenus des usagers et de l’ensemble des nouveautés fiscales de l’année, dont l’actualisation du barème. Il en est de même pour les acomptes de PAS (prélèvements sur le compte bancaire pour les revenus sans collecteur). Ensuite, afin que la situation globale de leur foyer fiscal ne soit pas connue de leur collecteur (employeur, caisse de retraite), certains usagers optent pour l’application d’un taux de PAS neutre. Ce dernier repose sur l’application mensuelle à leur revenu ou à leur pension d’une grille de taux par défaut. Cette grille est habituellement revalorisée en janvier de chaque année. Ce ne sera pas le cas cette année. La grille de taux par défaut restera inchangée. Ainsi, les usagers ayant opté pour le taux de PAS par défaut continueront à se voir appliquer la grille actuellement en vigueur, et ce jusqu’à la publication de sa mise à jour dans la loi de finances pour 2025. A la publication de la nouvelle grille, les collecteurs auront deux mois pour l’appliquer. Par ailleurs, s’agissant de l’avance de réduction d’impôt ou de crédit d’impôt pour 2025 étant calculée par rapport aux revenus 2023 déclarés en 2024, la non revalorisation du barème n’a aucun impact sur son montant. Elle sera bien versée au 15 janvier 2025 pour les 9 millions de foyers fiscaux concernés. Enfin, les simulateurs (simulateur IR, simulateur frais kilométriques…) tiennent compte du barème IR actuellement en vigueur (barème 2024 sur les revenus 2023) sans revalorisation, et seront actualisés dès que possible après l’adoption d’une loi de finances pour 2025 intégrant l’actualisation du barème IR.

Retenues à la source sur les traitements, salaires et pensions versés à des non-résidents au sens des conventions fiscales

Les employeurs concernés par la décision « Axa Group Opérations » rendue en février 2024 par le Conseil d’État (CE, 5 février 2024, Société Axa Group Opérations, Req. n° 469771) relative à la retenue à la source sur les traitements, salaires et pensions, sont invités à continuer de prélever cette retenue chaque fois qu’elles versent des revenus à une personne qui, en application d’une convention fiscale, est non-résidente, dans l’attente d’une confirmation du droit applicable avant la décision du Conseil d’État dans la prochaine loi de finances.

->Fiscalité environnementale

Gazole non routier agricole

Selon le communiqué de la DGFiP du 31 décembre (v. supra.), concernant le niveau des accises sur le gazole non routier agricole, les utilisateurs agricoles ou forestiers pouvant depuis juillet 2024 acquérir leur gazole à un tarif d’accise d’emblée très réduit, le système d’avance mis en place au premier semestre 2024 sera supprimé en 2025. La campagne de régularisation des accises acquittées en 2024 est repoussée à juin 2025 afin de prendre en compte les niveaux d’accises pour 2024 que le Parlement aura votés dans la future loi de finances pour 2025. Le Gouvernement portera leur rétablissement au niveau de 2023, pour annuler la trajectoire haussière figurant dans la loi, conformément à ses engagements.

->Dépenses fiscales

Le traitement des dépenses fiscales s’éteignant au 31 décembre 2024

Selon le communiqué de la DGFiP du 31 décembre (v. supra.), pour éviter la complexité et l’attentisme qui pourraient résulter de l’incertitude juridique entre le 1er janvier 2025 et la promulgation de la loi de finances pour 2025, le Gouvernement soutiendra l’adoption dans ce dernier, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2025, d’une reconduction à l’identique, dans l’état où elles étaient en vigueur en 2024, des dépenses fiscales suivantes, adoptées par le Sénat en première lecture de la première partie du PLF pour 2025 : crédit d’impôt collection (CIC), exonération d’impôt sur les sociétés sur les revenus patrimoniaux des établissements scientifiques, d’enseignement et d’assistance, réduction d’impôt Loc’Avantages, crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour congé de certains exploitants agricoles, crédit d’impôt au titre de l’obtention d’un label haute valeur environnementale (HVE), suramortissement pour les navires verts, abattement sur la plus-value sur l’actif professionnel lors du départ en retraite du chef d’entreprise, la suppression de la réduction d’impôt au titre des dépenses engagées pour la tenue de la comptabilité et l’adhésion à un organisme de gestion agréé (OGA). Pour le crédit d’impôt innovation (CII), le Gouvernement appuiera une reconduction de la dépense fiscale à compter du 1er janvier, mais avec un taux d’aide ramené de 30 % à 20 %.

MANAGEMENT PUBLIC
->Fonction publique d’État

Des progrès à faire sur les achats durables de l’État

Le 6 décembre 2024, la Cour des comptes a publié un rapport sur la prise en compte des enjeux de développement durable dans les marchés publics (2016-2023). La Cour constate les progrès de l’État en la matière et note qu’en 2023, 55 % des marchés comportaient une clause environnementale et 25 % une clause sociale, marquant une augmentation par rapport à 2022. Elle rappelle également que les achats de l’État représentent environ 60 Md€, soit près de la moitié des marchés publics français et qu’ils sont responsables de 27 % des émissions de gaz à effet de serre de l’État. Les plans Résilience 1 et 2 devraient permettre de réduire les émissions annuelles de eqCO2 liées aux achats immobiliers de 87 000 tonnes, mais l’impact reste limité au regard des 10 M de tonnes de eqCO2 émises par l’État. Les magistrats mettent également en lumière d’importantes lacunes : un suivi insuffisant des clauses d’insertion, une faible pondération des critères environnementaux et sociaux dans l’attribution des marchés, et une absence de méthodologies standardisées pour mesurer l’impact carbone. Dans son rapport, la Cour émet plusieurs recommandations dont celle de respecter l’obligation de publication des bilans des émissions de gaz à effet de serre, de renforcer la formation des acheteurs publics et des services prescripteurs et la mise en place d’indicateurs pour mieux suivre l’application de la loi Climat et Résilience. La Cour appelle également à mobiliser les réseaux de l’économie sociale et solidaire pour développer et diversifier les clauses sociales.

Une crise d’attractivité croissante du secteur public ?

En décembre 2024, France Stratégie a publié un rapport de plus de 400 pages sur l’attractivité dans la fonction publique (« Travailler dans la fonction publique – Le défi de l’attractivité », déc. 2024). Le rapport fait état d’une crise profonde de l’attractivité de la fonction publique qui se matérialise par le recul des candidatures (baisse de 49% des candidatures dans la fonction publique d’État entre 2016 et 2022), par l’érosion des viviers traditionnels (baisse de 26 % des inscriptions dans les masters MEEF entre 2016 et 2023) et une hausse des départs volontaires (+47 % des départs volontaires hors retraite). Cette situation est aggravée par une concurrence accrue avec le privé et par les départs à la retraite massifs dans la fonction publique. France Stratégie identifie également les grandes causes de cette perte d’attractivité. La première est la rémunération perçue comme peu compétitive par rapport au secteur privé et le déclassement économique des fonctionnaires (gel du point d’indice, revalorisations insuffisantes…). Les voies d’accès à la fonction publique (concours, CDD), le manque de perspectives d’évolutions rapides et la gestion des mobilités géographiques sont également des facteurs qui rendent les carrières publiques moins attractives. Par ailleurs, la dégradation des conditions de travail (intensification des tâches, crise de sens, climat de défiance) explique également cette perte d’attractivité. Notons que le décrochage des rémunérations publiques comparées à celles du secteur privé est également mis en lumière par l’INSEE. Les chiffres montrent que « le pouvoir d’achat du salaire net moyen a progressé de 4,0 % dans le secteur privé et de 1,4 % dans la fonction publique entre 2012 et 2022 » (« Séries longues sur les salaires dans le secteur privé et dans la fonction publique », INSEE, 12 déc. 2024).

La Cour des comptes épingle l’État sur la qualité de ses comptes

Le 12 décembre 2024, la Cour des comptes a mis en ligne un référé adressé au Ministre chargé du budget des comptes publics (Référé S2024-1283) fustigeant les lacunes récurrentes dans la qualité des comptes de l’État. La Cour reproche à l’État (plus spécifiquement à la DGFiP) la persistance d’anomalies et d’incertitudes comptables significatives, l’insuffisances des moyens alloués par la DGFiP à la préparation des comptes, la coordination déficiente entre administrations dans la mise en œuvre des plans d’action (valorisation du parc immobilier, valorisation du réseau routier et autoroutier, valorisation des stocks militaires par exemple), la communication financière incomplète de l’État et le manque d’utilisation de la comptabilité générale par les administrations. Dans sa réponse, le ministre chargé du budget et des comptes publics a tenu à mettre en avant les moyens importants dédiés à la préparation et à l’amélioration de la qualité des comptes de l’État. Il a toutefois reconnu que des progrès pouvaient être faits en matière de qualité comptable ainsi que dans l’utilisation de la comptabilité générale par les acteurs.

Une note alarmante du Syndicat de la magistrature sur les VSS

Le 5 décembre 2024, le Syndicat de magistrature a publié une note sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) au sein de l’institution judiciaire. Ce document présente les résultats alarmants d’une enquête réalisée par le Syndicat de la magistrature auprès de 525 répondants. 9,14 % des répondants se déclarent victimes et 14,8 % disent avoir été témoin de VSS. Les cas les plus graves (agressions sexuelles et viols) sont fréquemment associés à des relations hiérarchiques ou d’autorité et 70 % des VSS relatées impliquent un rapport hiérarchique entre l’auteur et la victime. De plus, 42,6 % des répondants font état de comportements ou propos sexistes, homophobes ou transphobes. 82,5 % des victimes sont des femmes tandis que 91,6 % des auteurs sont des hommes. Les magistrats en formation semblent être les plus exposés aux VSS (25 % des victimes). Face à cette situation, le Syndicat de la magistrature recommande de mettre en place un plan global de prévention, de renforcer les dispositifs de signalement, d’améliorer l’accompagnement des victimes, de revoir les mécanismes disciplinaires ou encore de sensibiliser à la lutte contre les discriminations.

->Fonction Publique hospitalière

L’Anap lance une plateforme pour améliorer la gestion des déchets dans les hôpitaux

L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) a lancé une plateforme visant à aider les hôpitaux dans la gestion de leurs déchets. Le secteur sanitaire et médico-social produit chaque année 700 000 tonnes de déchets, dont 116 000 tonnes de déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI). Cette initiative vise à cartographier les filières, respecter les cadres réglementaires et financer des solutions adaptées. Le cadre réglementaire est complexe : à ce jour, seulement 50 % des établissements tiennent un registre de leurs déchets, et un tiers applique une politique de réduction du gaspillage alimentaire pourtant obligatoire depuis la loi EGalim. La plateforme propose huit étapes, dont l’autoévaluation, la recherche de subventions et le pilotage des plans d’action. Elle met également à disposition des ressources pour des filières spécifiques, comme le recyclage du verre médical, et intègre des solutions financières pour des projets d’optimisation. Enfin, l’Anap met en avant des investissements tels que la banalisation des DASRI, un processus permettant de transformer ces déchets en déchets ordinaires, avec un amortissement possible en quelques années grâce à des appareils spécifiques. Ce projet vise une gestion durable et rentable des déchets hospitaliers.

->Fonction publique territoriale

La Cour des comptes pointe les lacunes en matière de délégation de services publics locaux

Dans un rapport publié le 19 décembre 2024, la Cour des comptes met en lumière les lacunes des collectivités territoriales dans la gestion des délégations de services publics locaux. La Cour des comptes note que les procédures de délégation de services publics sont insuffisamment préparées par les collectivités territoriales (manque d’analyse préalable, choix des modes de gestion). Elle note également que les collectivités territoriales ne mettent pas assez en concurrence les délégataires potentiels soit par un manque d’attention portée aux démarches de mise en concurrence soit par la structure oligopolistique des marchés de délégation. Les magistrats remarquent également que les collectivités territoriales ne jouent pas suffisamment leur rôle de contrôle des délégataires (manque d’accès aux données, manque de procédures de contrôle) qui enregistrent parfois des marges cachées ou non justifiées. La Cour des comptes recommande notamment de renforcer la qualité des études préalables et la transparence des procédures, d’introduire davantage d’outils de contrôle et de suivi des contrats, de veiller à l’équilibre des clauses contractuelles, de renforcer la formation des agents et la mutualisation entre collectivités mais également de clarifier le cadre législatif.

->Transitions

Un référentiel pour un numérique durable dans la fonction publique

Dans le cadre de la transition écologique, la mission interministérielle numérique écoresponsable (MiNumEco) a publié le 18 décembre 2024 un référentiel inédit visant à identifier et valoriser les compétences liées au numérique durable au sein de la fonction publique. Ce document, encore en « version bêta », recense 71 compétences réparties en 9 catégories, telles que l’écoconception, la gestion responsable des data centers et le Green IT. Ces compétences s’appliquent à 56 métiers numériques et visent à mieux orienter les formations, les recrutements et les fiches de poste, en intégrant des pratiques écoresponsables. La MiNumEco a également lancé un Mooc intitulé « L’impact environnemental du numérique : comment agir ? », disponible sur la plateforme Mentor depuis décembre 2024. Deux modules complémentaires, prévus début 2025, aborderont la gestion responsable des projets numériques et la mesure de l’empreinte environnementale des systèmes d’information (SI). Les agents sont invités à formuler leurs retours avant la publication définitive du référentiel, prévue courant 2025, renforçant ainsi la mobilisation pour un numérique public plus respectueux de l’environnement.

FISCALITé EUROPéENNE ET INTERNATIONAL
->Fiscalité européenne

Accord au Conseil sur un certificat électronique d’exonération de la TVA

Le 10 décembre 2024, le Conseil est parvenu à un accord politique relatif à une nouvelle directive ouvrant la voie à l’introduction d’un certificat fiscal électronique pour les exonérations de TVA. Les accords vont faire l’objet d’une vérification technique et linguistique avant d’être présentés au Conseil en vue de leur adoption formelle.

Nouvelle directive relative aux procédures de retenue à la source (FASTER)

Le 10 décembre 2024, le Conseil a adopté la directive FASTER afin d’harmoniser les procédures de dégrèvement de la retenue à la source afin de veiller à ce que les investisseurs ne soient pas imposés deux fois sur le rendement de leurs investissements transfrontières en actions et obligations. Elle introduit un certificat européen commun de résidence fiscale numérique (CRFN), délivré selon une procédure automatisée. Les investisseurs redevables de l’impôt pourront l’utiliser pour bénéficier d’une des deux procédures accélérées permettant d’obtenir un dégrèvement de la retenue à la source. Le but est d’accélérer et d’harmoniser plus étroitement ces procédures au sein de l’Union.

->Fiscalité internationale

Travaux de l’OCDE en matière de fiscalité

Le 10 décembre 2024, l’OCDE a publié ses Statistiques des recettes publiques en Afrique 2024. Elles mettent l’accent sur la facilitation et la confiance comme moteurs de la conformité fiscale volontaire dans certaines administrations fiscales africaines. Le 16 décembre 2024, dans le cadre du standard minimum de l’Action 5 du Projet BEPS, à propos pratiques fiscales dommageables, l’OCDE a publié ses rapports d’examen par les pairs relatifs à l’échange de renseignements sur les décisions fiscales de 2023.

->Monnaies

La BCE baisse à nouveau ses taux

Le 12 décembre 2024, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a décidé d’abaisser les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. En conséquence, les taux d’intérêt de la facilité de dépôt, des opérations principales de refinancement et de la facilité de prêt marginal seront ramenés à respectivement 3,00 %, 3,15 % et 3,40 % à compter du 18 décembre 2024. La désinflation est considérée comme étant « en bonne voie ». Selon les services de l’Eurosystème, l’inflation globale s’établirait en moyenne à 2,4 % en 2024, 2,1 % en 2025, 1,9 % en 2026 et 2,1 % en 2027.

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Aurélien BAUDU (Fiscalité et procédure fiscale – Coordination)

Fabrice BIN (Fiscalité européenne et International)

Florent GAULLIER-CAMUS (Budget de l’État et opérateurs – Comptabilité publique)

Léonard GOURBIER (Management public)

Matthieu HOUSER (Finances locales)

Aymeric POTTEAU (Finances publiques européennes)

Yves TERRASSE (Finances sociales)