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DÉFICIT

Dégradation des finances publiques, octobre 2023-septembre 2024, une irresponsabilité budgétaire assumée, un Parlement ignoré, Mission d’information de la Commission des finances du Sénat, Président : Claude Raynal, Rapporteur général Jean-François Husson,19 novembre 2024.

La Commission des finances du Sénat a rendu public, le 19 novembre 2024, son deuxième rapport sur la dégradation des finances publiques en 2023 et 2024. Il est encore plus sévère que le premier (v. rapport de Jean-François Husson, n° 685,12 juin 2024. Dégradation des finances publiques, entre pari et déni ) s’appuyant sur la consultation des notes adressées aux ministres par les directions de Bercy et sur les auditions des anciens Premiers ministres (Elisabeth Borne et Gabriel Attal) et des anciens ministres chargés des finances et du budget (Bruno Lemaire et Thomas Cazenave).Ce document explique minutieusement la dégradation du déficit public prévu pour 2024, de 3,7 % dans la loi de programmation des finances publiques adoptées le 18 décembre 2023 à 6,9 % « si rien n’est fait » estimé par la direction du Trésor le 11 septembre 2024,soit un écart de 100 milliards€.

Les rapporteurs formulent trois reproches au gouvernement :

-Ils estiment que le gouvernement connaissait la situation critique des finances publiques dès décembre 2023 et qu’il a délibérément refusé d’agir.

Ils s’appuient sur des notes de la DGFIP de fin 2023 annonçant une baisse inquiétante des recettes fiscales et sur une note de la direction du Trésor du 7 décembre 2023 qui réajustait la prévision de déficit pour 2024 à 5,2 %. Les ministres ont répercuté cette alerte auprès de la Première ministre dans une note du 13 décembre 2023 préconisant des hausses de fiscalité sur l’électricité et le gaz et des réductions forfaitaires de dépenses prévues au PLF. Ces mesures n’ont pas été retenues et, devant la Commission, les ministres ont soutenu qu’elles auraient été prématurées ou inefficaces.

-Ils considèrent que le Gouvernement aurait dû présenter une loi de finances rectificative au premier semestre 2024.

La dégradation du solde est due principalement aux recettes moindres qu’attendu (41,5 Md€) en raison des répercussions des moins-values de 2023, d’une surestimation de l’élasticité des recettes (1,1 au lieu de 0,7 erreur due probablement à une croissance fondée davantage sur la demande publique et extérieure que sur la consommation intérieure) et d’une prévision de croissance trop optimiste (+1,4 % ramenée à +1 %). S’y ajoute un écart de 13,4 Md€ sur les dépenses des collectivités locales entre les prévisions du PLF et les données du projet de loi de fin de gestion 2024, écart qui, selon le Sénat, ne relève pas de la responsabilité des collectivités mais d’une sous-estimation des prévisions de dépenses par le Gouvernement.

Une LFR, proposée par le ministre des finances, aurait permis de réaliser des économies à hauteur des enjeux (les annulations de crédits sont limitées à 1,5 % des crédits ouverts, soit 12,5 Mds€), de décider de recettes supplémentaires ayant un effet dès 2024, de financer les nouvelles dépenses annoncées par le Gouvernement.

Le Gouvernement a préféré prendre le décret d’annulation du 21 février 2024 « hors norme » (10 Mds€ de crédits) tout en maintenant une prévision de déficit à 4,4 %, puis à 5,1 % dans le programme de stabilité en avril.10 milliards supplémentaires ont été gelés en juillet. Selon les rapporteurs, le Gouvernement a ainsi fait « un calcul à courte vue » et « le choix d’éviter le Parlement ».

-Enfin, troisième reproche encore plus politique, avec le pari de la dissolution, le Gouvernement a laissé filer le déficit au-delà de 6 % en 2024 et près de 7 % en 2025 si rien n’était fait.

Les rapporteurs estiment que beaucoup de temps a été perdu à la suite de la dissolution, des élections législatives et du retard dans la formation d’un nouveau gouvernement. Ils contestent l’affirmation des anciens ministres selon laquelle le déficit aurait pu être contenu à 5.5 ou 5.6 % du PIB si le nouveau Gouvernement entré en fonction le 21 septembre avait pris les mesures préparées par ses prédécesseurs. Ils jugent ceux-ci entièrement responsables d’un « déficit budgétaire abyssal et historique ».