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RÉFORME ADMINISTRATIVE : LA « REFONDATION DE L’ACTION PUBLIQUE », APRÈS LA MODERNISATION (MAP) ET LA TRANSFORMATION (TAP) ?

Dans diverses interventions fin mars-début avril 2025, le Premier ministre, François Bayrou, et le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, Laurent Marchangeli, ont utilisé l’expression de « refondation de l’action publique » pour désigner diverses orientations en matière de réformes administratives. Après la modernisation de l’action publique (MAP) sous François Hollande et la transformation de l’action publique (TAP) sous les gouvernements successifs nommés par Emmanuel Macron, s’agit-il d’un « nouveau paradigme » ou d’un simple changement d’étiquette sans signification réelle ?
Un bref retour vers le passé peut aider à apprécier la portée des changements en cours dans la politique de réformes administratives.
Le renouveau du service public de Michel Rocard, la réforme de l’État d’Alain Juppé et la Révision générale des politiques publiques sous Nicolas Sarkozy étaient de grands programmes de réformes transversales, cohérentes, dotées d’un appui politique et d’un pilotage interministériel fort, comportant quelques innovations emblématiques (projets de service, développement des agences, réduction des effectifs…) et la reprise d’actions plus classiques (déconcentration, dématérialisation, formations au management, indicateurs de gestion…). Le rapport Action publique 2022 en 2017 s’est inscrit dans cette lignée mais le Gouvernement d’Edouard Philippe ayant pris ses distances vis-à-vis des mesures les plus audacieuses du rapport, ce fut la dernière tentative de présentation d’une réforme globale des administrations.
La modernisation de l’action publique et la transformation de l’action publique ont tenté de préserver l’illusion de la poursuite des grands mouvements de réforme mais avec moins d’effets d’annonce, des dispositifs plus administratifs que politiques, un engagement moins visible des plus hautes autorités de l’État. Cette inflexion, qui pourrait être considérée au premier abord comme une régression, a eu des effets positifs : le renforcement de l’appareil permanent de la réforme administrative sous la forme des comités interministériels de la transformation publique (CITP) et de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) dont l’activité a été coordonnée avec celle de la direction interministérielle du numérique ; l’extension du champ de la réforme qui n’est plus limitée à l’État mais a effectivement été élargi aux secteurs local et social et aux multiples opérateurs de l’État ; enfin, la continuité de nombreux programmes qui a été mieux organisée que par le passé: la dématérialisation des procédures les plus courantes, les programmes numériques France Connect et Dites-le-nous en une seule fois, le développement du réseau des maisons de service public, le renforcement de l’autorité du préfet sur les services déconcentrés, le baromètre des résultats de l’action publique… Ce qui n’a a pas exclu des spécificités et des innovations telles que les ajustements de la décentralisation dans le cadre de la MAP ou la réforme de l’encadrement supérieur de la TAP.
La « refondation de l’action publique » est-elle l’annonce d’un nouveau grand programme transversal ou la poursuite de la méthode pragmatique ?
Côté « annonce » : le Premier ministre s’engage et adresse des lettres de mission à chaque ministre. La thématique ancienne de la simplification, qui avait par le passé fait l’objet de politiques épisodiques et peu convaincantes, est redevenue à la mode avec de multiples déclarations du Président de la République et des Premiers ministres successifs et la relance du projet de loi sur la simplification de la vie économique, préparé par Bruno Lemaire et examiné au Sénat juste avant la dissolution.
Côté « méthode » : l’acquis très important en matière d’organisation est conservé : rôle de la DITP et champ défini par l’expression « action publique », création d’une délégation interministérielle à la simplification, tests PME, dispositifs France simplification et France expérimentation, plans ministériels de simplification, contrôleurs des normes et des procédures dans les ministères, poursuite des travaux de codification et de numérisation, extension des possibilités de dérogations aux normes nationales.
Cette impulsion vertueuse rencontre des limites : le Conseil d’État avait relevé en mai dernier que l’étude d’impact du projet de loi était très insuffisante ! De nombreuses dispositions « nouvelles » du texte ne sont que la reprise d’annonces antérieures non appliquées (dites-le nous une seule fois, silence vaut acceptation…). Des parlementaires se sont distingués en proposant, sans réflexion préalable, la suppression d‘organismes consultatifs, qualifiés un peu rapidement de « comité théodule » ou d’agences, « qui font double emploi et qui coûtent cher ». On a encore entendu des discours démagogiques sur « l’enfer normatif ». Les objectifs sont encore peu clairs : faciliter la vie des usagers, certes, mais aussi faire des économies de fonctionnement et dérèglementer discrètement des secteurs sensibles comme l’urbanisme et l’environnement.
Pourtant, derrière ces incertitudes apparaissent des éléments de stratégie et de méthode qui pourraient assurer une certaine continuité dans la poursuite de la réforme administrative.
Le terme de « refondation » apparaît sans doute bien ambitieux s’il ne sert qu’à couvrir un nième programme d’annonces destinées à montrer que « les politiques se préoccupent de la vie quotidienne des Français » mais il est peut-être porteur de l’amorce d’une nouvelle stratégie durable de réformes.

MLC